(Sanaa) – Le gouvernement du Yémen n’a pas donné suite aux promesses de prendre des mesures décisives afin de garantir la justice pour les violations passées des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2015. Le gouvernement devrait également adopter une loi pour mettre fin au mariage des enfants ainsi qu’aux mutilations génitales féminines, et réformer les lois qui sont discriminatoires à l'égard des femmes.
Le président Abdu Rabu Mansour Hadi et les membres de son gouvernement ont démissionné le 22 janvier 2015, après que les insurgés houthistes eurent pris le contrôle de facto de la capitale, Sanaa, mais le Parlement n'a pas encore accepté leur démission.
Hadi n'a pas pris les mesures nécessaires pour que son prédécesseur Ali Abdallah Saleh, au pouvoir pendant 33 ans, ainsi que ses collaborateurs, rendent des comptes pour leurs crimes. Ils ont obtenu l'immunité contre les poursuites de la part du parlement du Yémen en 2012. Le président Hadi avait promis d'adopter une loi de justice transitionnelle, de nommer une commission d'enquête sur les exactions commises par le gouvernement au cours du soulèvement de 2011 et de créer d'autres mécanismes afin d’assurer que la justice soit rendue pour les violations passées ou de prévenir de futures violations.
« Le gouvernement yéménite a ignoré les appels des personnes à la justice pour les violations graves et généralisées des droits humains perpétrées sous le régime du président Saleh », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nordh. « Le gouvernement devrait tenir compte de ces appels, rompre avec la longue pratique de l'indifférence à la violence et garantir l’obligation de rendre des comptes. »
Cette 25e édition annuelle du Rapport mondial de Human Rights Watch, dont la version anglaise comprend 656 pages (et la version abrégée en français 186 pages), examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction, le directeur exécutif Kenneth Roth invite les gouvernements du monde à reconnaître que les droits humains constituent un repère moral efficace lors de périodes agitées, et que les violations de ces droits risquent de déclencher ou d’aggraver de graves problèmes sécuritaires. Les avantages à court terme obtenus en portant atteinte aux valeurs fondamentales que sont la liberté et la non-discrimination compensent rarement le coût à long terme de telles violations.
Un processus de dialogue national qui a duré dix mois et s’est achevé en janvier 2014 a produit des centaines de recommandations en faveur de réformes juridiques et autres, notamment des appels à la création d'une institution nationale des droits humains et l'adoption d'une loi sur la justice transitionnelle afin de traiter la question de l’obligation de rendre des comptes pour les violations passées des droits humains. Pourtant, à la fin de l'année, le gouvernement n’avait encore pris aucune mesure significative pour promouvoir cette obligation, ou autres recommandations émises par le dialogue national au sujet de l'égalité des femmes, de la non-discrimination et de la violence contre les femmes. Un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution a commencé à travailler en avril, mais il n’avait pas encore publié de projet à la fin de l'année. Un projet de loi sur les droits des enfants soumis au cabinet en avril – qui interdirait le mariage des enfants et la pratique des mutilations génitales féminines – n’avait toujours pas été approuvé.
Il y a eu des combats considérables à travers le Yémen en 2014. Au mois de mai dans le sud, les forces gouvernementales ont lancé une offensive militaire contre le groupe armé islamiste Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Dans le nord, l'armée a affronté des combattants appartenant à l’Ansar Allah, le mouvement chiite houthiste basé dans le nord, qui a pris le contrôle de la capitale du Yémen, Sanaa, en septembre. Les États-Unis ont poursuivi leur campagne de drones contre des membres présumés d'AQPA et ont persisté dans leur refus de publier des informations de base sur les attaques.
Les affrontements à travers le pays ont donné lieu à des attaques contre les civils, les écoles et les hôpitaux, en violation du droit international. Les forces de l'État et les groupes rebelles ont endommagé ou détruit au moins 41 écoles et en ont occupé au moins six autres. Plus de 30 autres écoles ont été fermées parce qu'elles servaient à abriter des familles qui avaient fui les affrontements à proximité de leurs maisons.