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La répression des opposants au Burundi ne doit pas être passée sous silence

Le gouvernement réprime les militants comme Pierre Claver Mbonimpa dans la perspective des élections, et les bailleurs de fonds doivent réagir

Publié dans: The Guardian

Plusieurs années se sont écoulées depuis la fin de la guerre civile du Burundi, qui a duré douze ans et a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes. La période qui a suivi la fin du conflit en 2005 a été marquée par un immense sentiment de soulagement tandis que la paix revenait petit à petit dans le pays.

Mais cette euphorie initiale semble s’être estompée, car si le Burundi est sorti de la période la plus violente, le pays n’a pas été en mesure de sortir de la pauvreté. Les Burundais expriment de plus en plus leur frustration face à la hausse vertigineuse des prix de la nourriture, de l’eau et du carburant, face aux niveaux élevés de corruption et face à l’impunité dont bénéficient les dirigeants politiques.

Le Burundi n’est pas non plus complètement en situation de paix. Des vestiges de groupes armés subsistent, le gouvernement s’est montré de plus en plus répressif et le climat politique est tendu.

Le cas de Pierre Claver Mbonimpa est l’exemple le plus récent de la répression d’État. L'un des principaux défenseurs des droits humains au Burundi, il a été arrêté en mai et accusé d'atteinte à la sûreté de l'État et de faux et usage de faux. Ces chefs d’accusation sont liés à une interview qu’il a donnée à la radio, au cours de laquelle il s’est exprimé au sujet d’allégations selon lesquelles de jeunes Burundais recevaient secrètement des armes et étaient envoyés pour une formation militaire en République démocratique du Congo.

Âgé aujourd’hui de 66 ans, Mbonimpa est presque une institution nationale, une figure de père bien-aimé pour beaucoup de Burundais, tant respecté que vénéré. Lorsqu’il est arrivé au tribunal pour sa première audience publique à Bujumbura, la capitale du Burundi, des centaines de personnes ont défilé dans les rues pour l’accueillir, en chantant et en dansant pour exprimer leur solidarité.

Mbonimpa est un homme extraordinairement courageux, qui a travaillé sans relâche pour protéger les droits des personnes les plus vulnérables. Ayant survécu à de nombreuses menaces de la part d’agents de l'État et à un séjour en prison dans les années 1990, Mbonimpa est devenu un symbole de la lutte pour la justice au Burundi. L'organisation qu'il a fondée pour protéger les droits des prisonniers et d’autres victimes d’atteintes aux droits humains, l’APRODH, s'est avérée être une bouée de sauvetage pour un grand nombre de personnes.

L’arrestation de Mbonimpa a provoqué une énorme vague de soutien populaire au Burundi et a galvanisé une action publique sans précédent. Les militants ont activement fait campagne pour sa libération, et les vendredis sont devenus « Vendredi vert », lors desquels de nombreux Burundais s’habillent en vert – la couleur de l'uniforme carcéral du Burundi – pour marquer leur soutien envers lui.

Mais le gouvernement campe sur ses positions. Au cours des dernières semaines, il a interdit aux manifestants d’organiser une marche pacifique de soutien pour Mbonimpa ainsi qu'un autre rassemblement pour appeler à un système judiciaire indépendant. Il a mis en garde une station de radio indépendante, lui demandant d’arrêter de diffuser des entretiens avec des personnes affirmant avoir des informations soutenant les allégations révélées par Mbonimpa.

Pourquoi le gouvernement a-t-il tellement hâte d’étouffer la contestation ? L'explication réside, en grande partie, dans la tenue d’élections prévues l’année prochaine. Le parti au pouvoir dirige le pays depuis près de dix ans et il est désireux d'obtenir une autre victoire électorale. Il a non seulement pris pour cible les militants et les journalistes, mais des membres de partis d'opposition ont été arbitrairement arrêtés, inculpés et jugés par des tribunaux qui semblent agir selon les instructions du gouvernement. En mars, 70 membres de partis d'opposition ont été jugés en masse en une journée, un grand nombre d'entre eux sans avocats de la défense. Vingt-et-un accusés ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, et 27 autres à des peines de prison allant jusqu'à dix ans.

Les dernières élections au Burundi, en 2010, ont été marquées par la violence politique commise par toutes les parties, et des meurtres politiques brutaux se sont poursuivis longtemps après la fermeture des scrutins. Même si les meurtres politiques sont devenus plus rares, on craint qu’ils puissent refaire surface à l’approche des élections.

Tout au moins, la répression est susceptible de s'intensifier. L'impunité pour les crimes passés sous-tend la répression. La justice pour les nombreuses atrocités commises par les forces de sécurité et les groupes armés pendant la guerre civile reste aléatoire, et l'impunité souligne également des exactions plus récentes.

Les bailleurs de fonds et les partenaires au développement du Burundi, tels que le Royaume-Uni, la France et la Belgique, ainsi que les États africains, devraient adresser un message clair sans délai à ce pays: le monde est témoin de la façon dont le gouvernement traite Mbonimpa et d'autres défenseurs des droits humains. Les Burundais ont montré qu'ils sont pleinement conscients de leurs droits, et qu’ils ont bien l'intention de les défendre.

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Carina Tertsakian est chercheuse sur le Burundi et le Rwanda à Human Rights Watch.

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