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La France avait envisagé d’accueillir huit à dix « patrouilleurs » chinois cet été à Paris dans le cadre d’un plan de sécurité estival, reconduit et étendu cette année par le ministère de l’Intérieur.

Ces agents chinois, pour la plupart des policiers, ne devaient disposer ni d’armes ni d’aucune autorité judiciaire. Ils auraient été déployés pour veiller à la sécurité des touristes chinois, régulièrement victimes de vols à la tire. Lors de son déplacement en Chine les 12 et 13 mai derniers, M. Fabius a laissé entendre que ce projet avait été abandonné.

Le simple fait que les autorités françaises aient pensé à faire venir des policiers chinois pour patrouiller en France pose de sérieuses questions. La police chinoise jouit en effet d’une bien mauvaise réputation en termes d’irrespect des droits humains.

Détentions arbitraires et maltraitance

Human Rights Watch a documenté une longue liste d’abus perpétrés par la police chinoise sous les ordres du ministère de la Sécurité Publique : actes de torture, détentions arbitraires, maltraitance d’individus suspectés de crimes ordinaires et de militants politiques.

La police chinoise dispose de pouvoirs démesurés lui permettant notamment d’enfermer sans procès, pour une durée allant jusqu’à trois ans, des personnes accusées de consommation de drogue ou de travail sexuel, dans des centres de détention où le travail forcé est de rigueur.

La police coopère aussi avec des représentants du gouvernement pour détenir dans des « prisons noires » clandestines des pétitionnaires qui expriment leur mécontentement pour dénoncer la corruption et les abus de pouvoirs de dirigeants locaux.

Par ailleurs, le ministère de la Sécurité Publique chapeaute également le Bureau de Sécurité Nationale qui est connu pour harceler et recueillir des renseignements sur les dissidents, militants, cyber activistes ou toute personne qui tenterait de critiquer le gouvernement.

Un risque de surveillance accrue

Tandis que bon nombre de ces abus sont contraires au droit chinois, les policiers qui en sont responsables sont rarement amenés à répondre de leurs actes. La France ne peut ignorer ces violations graves et systématiques des droits humains.

Comment a-t-elle pu alors envisager un tel projet ? Si la France dispose de garanties légales et d’une protection solide des droits humains susceptibles d’empêcher que de tels abus puissent être commis sur son territoire, ouvrir la porte à des policiers chinois exposerait les ressortissants chinois en France au risque de surveillance accrue. Les plus vulnérables seraient alors les demandeurs d’asile et réfugiés chinois, y compris ceux qui ont fui les régions du Xinjiang et du Tibet où vivent des minorités soumises à de fortes répressions.

La France n’a pas besoin d’accueillir la police chinoise pour prévenir les vols et faciliter la communication entre les forces de l’ordre françaises et les touristes chinois victimes de ces vols.

Un report du projet ?

Il existe en France un grand nombre d’interprètes et de traducteurs qui peuvent répondre aux besoins des agents de police français et des touristes chinois.

C’est d’ailleurs ce que souligne le communiqué de la Préfecture de Police de Paris, datant du 7 juin 2013, qui insistait sur « l’amélioration de l’accueil des victimes étrangères en facilitant le dépôt de plainte dans sa langue d’origine, l’accès aux services de police à proximité des sites touristiques et la prise de contact avec des interprètes ».

Les déclarations du préfet de Paris, Pierre Boucault, selon lequel le projet n’a pas « pu être mené à son terme avant le début de la saison, car il implique une expertise plus approfondie sur des questions techniques, administratives et d’organisation qui sont nouvelles pour les deux parties » ne semblent malheureusement pas exclure un report du projet à l’avenir. Le ministère de l’Intérieur devrait renoncer définitivement à la présence éventuelle de policiers chinois sur le sol français.

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Jean-Marie Fardeau est le directeur France de Human Rights Watch.

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