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Cameroun: Les autorités devraient agir face aux menaces de mort proférées à l'encontre d'avocats

Les tentatives d'intimidation d'avocats dans des affaires d'«homosexualité» remettent en cause les droits de la défense

(Nairobi, le 13 février 2013)  – Le gouvernement du Cameroun devrait agir immédiatement en réaction à une série de menaces de mort adressées au cours des quatre derniers mois à deux avocats qui représentent des clients accusés de comportement homosexuel, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans une lettre ouverte au président camerounais, Paul Biya.

Maître Alice Nkom et Maître Michel Togué, deux avocats camerounais spécialisés dans la défense des droits humains, ont commencé à recevoir des menaces de mort en octobre 2012, sous forme de courriels et de messages SMS, dans lesquels ils étaient attaqués pour leur travail visant à représenter des clients accusés d'homosexualité. Les rapports intimes entre personnes du même sexe consentantes sont criminalisés par l'article 347 bis du code pénal camerounais et depuis 2010, au moins 28 personnes ont été poursuivies en justice aux termes de cet article de loi. Maître Nkom et Maître Togué sont parmi les rares avocats assez courageux pour assurer la défense des accusés, dans un pays où l'homophobie est omniprésente.

« Depuis octobre, les autorités camerounaises sont au courant des menaces de mort proférées à l'encontre des deux avocats et apparemment, elles n'ont absolument rien fait pour y remédier », a déclaré Neela Ghoshal, chercheuse auprès du Programme sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch. « L'absence de toute enquête et de toute condamnation publique de ces menaces est un élément négatif qui revient à signaler aux responsables de ces horribles messagesqu'ils bénéficieront de l'impunité. »L'apparente inaction du gouvernement face aux inquiétants messages adressés à Maître Nkom et à Maître Togué, qui consistent en des menaces de violence à l'encontre des avocats eux-mêmes, de leurs enfants et de leurs clients, est source de profonde préoccupation, a déclaré Human Rights Watch. Le président Biya devrait dénoncer publiquement ces menaces de mort et affirmer clairement que les menaces de violence à l'encontre de personnes présumées gays ou lesbiennes et des avocats qui les défendent, sont répréhensibles et ne sauraient être tolérées.

Les menaces ont commencé lorsque des appels interjetés par les deux avocats dans des affaires « d'homosexualité» ont eu un retentissement national et international. Plusieurs jours après avoir reçu les menaces en octobre, Maître Nkom et Maître Togué ont tous deux porté plainte auprès des organismes chargés de l'application de la loi. Les affaires en question concernaient Roger Jean-Claude Mbede, dont la condamnation a été confirmée par une Cour d'appel en décembre, et Franky Djome et Jonas Singa Kimié, dont la condamnation a été invalidée en janvier 2013.

Les avocats ont indiqué à Human Rights Watch qu'à leur connaissance, aucune mesure n'avait été prise à la suite du dépôt de leurs plaintes. Des policiers ont déclaré à Maître Togué que s'il ne voulait pas recevoir de menaces, il devrait cesser de représenter en justice des personnes accusées d'homosexualité.

Depuis octobre, les menaces ont continué et se sont aggravées. Un message reçu par Maître Togué en décembre lui intimait l'ordre de cesser de « défendre tes idées de pédé»,sous peine de se retrouver un jour « au chevet d'un de tes enfants mourant(e)». Un message adressé le même mois à Maître Nkom, menaçant ses clients, avertissait: « Il nous reste seulement [à trouver] leurs domiciles… les quartiers [où ils se trouvent] sont déjà entre nos mains».L'article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui est intégrée dans la constitution du Cameroun au sein de son article 45, garantit à quiconque est accusé d'un crime « le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ». Les menaces de mort reçues par les avocats, auxquelles s'ajoute l'inaction de l'État, équivalent à une remise en cause de ce droit fondamental, qui est également garanti par le droit international.

« Le président Biya a récemment déclaré que ‘les esprits sont en train de changer’ au Cameroun en ce qui concerne l'homosexualité, mais le gouvernement devrait prendre l'initiative en diffusant avec constance le message selon lequel les menaces et les violences inspirées par l'homophobie sont répréhensibles», a conclu Neela Ghoshal. « Il est inacceptable de rester les bras croisés et de ne rien faire lorsque des défenseurs des droits humains risquent leur vie pour protéger les droits de la défense. »

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