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Azerbaïdjan : Les journalistes en détention devraient être autorisés à recevoir la visite de leur avocat et de leur famille

Sept journalistes sont actuellement incarcérés dans ce pays

(New York, le 28 mars 2012) – Les autorités azerbaïdjanaises devraient sans délai autoriser deux journalistes de la télévision poursuivis pour des actes criminels à recevoir la visite de leur avocat et de leur famille et les transférer vers un centre de détention légal, ont déclaré Human Rights Watch et Article 19 aujourd’hui. Ces deux journalistes, originaires de la ville de Quba (au nord-est de l'Azerbaïdjan), ont été arrêtés le 13 mars 2012 et placés en garde à vue pendant plus d'une semaine dans les locaux de la police sans être autorisés à voir un avocat et sans que leur famille ne sache où ils se trouvaient. Les autorités n’ont fourni aucune explication pour justifier ces conditions qui violent les lois de l’Azerbaïdjan et le droit international.

Vugar Gonagov et Zaur Guliyev travaillent pour Xayal TV, une chaîne régionale dont le siège se trouve à Quba. Ils ont été arrêtés le 13 mars, puis placés en détention provisoire pour une durée de deux mois et transférés au ministère de l’Intérieur à Baku.

« Rien ne peut expliquer ou justifier le fait que la police ait interdit à ces journalistes d’entrer en contact avec leur famille pendant deux semaines et les détienne en garde à vue sans laisser leur avocat s'entretenir avec eux », a déclaré Jane Buchanan, directrice adjointe intérimaire de la Division Europe et Asie centrale. « Enfermer des journalistes ou qui que ce soit dans ces conditions est inacceptable dans un pays qui prétend respecter la primauté du droit. »

Le jour de l’arrestation des journalistes, le père de Zaur Guliyev, Musaffedin Guliyev, a reçu un appel anonyme l'informant que sont fils était détenu dans les locaux du bureau du procureur, à Quba. Musaffedin Guliyev a confié à Human Rights Watch qu’il s’était rendu sur place le 13 mars et le 14 mars, mais qu’il n’avait pas pu voir son fils. Le 19 mars, un avocat commis d’office l’a appelé pour lui dire que ce dernier avait été placé en détention provisoire. Musaffedin Guliyev n’a pas eu la possibilité de faire appel à un avocat indépendant pour représenter son fils à l’audience préliminaire.

Depuis leur placement en détention provisoire, Vugar Gonagov et Zaur Guliyev sont enfermés dans une cellule du ministère de l'Intérieur à Baku, dans le quartier réservé aux auteurs de crime organisé, alors qu’ils devraient se trouver au centre pénitentiaire de Kurdakhani, où sont normalement transférés les détenus en attente de procès. Le quartier de détention temporaire du ministère de l’Intérieur est réservé aux détentions courtes, d’une durée maximum de 72 heures, pour les suspects inculpés puis placés en détention provisoire. Selon la loi azerbaïdjanaise, toute détention de plus de 72 heures dans une cellule de ce quartier est illégale.

L’avocat des deux journalistes, Elchin Sadigov, s’est vu refuser tout entretien avec eux. Le 23 mars, alors qu’il ne représentait encore que Vugar Gonagov, il s’est rendu au quartier pénitentiaire réservé aux auteurs de crime organisé et a demandé à voir son client. Le fonctionnaire de permanence lui a répondu qu’il devait pour cela présenter une autorisation du bureau du procureur général. Bien que cette exigence ne s’appuie sur aucun article de la loi azerbaïdjanaise, Elchin Sadigov est allé demander cette autorisation. Toutefois, on lui a répondu que la personne responsable avait pris un congé pour célébrer le Novruz (fête du nouvel an) et qu’il fallait qu’il revienne le 27 mars pour que sa demande soit examinée.

Le 27 mars, lorsqu’Elchin Sadigov est retourné au quartier pénitentiaire pour les auteurs de crime organisé afin de s’entretenir avec Vugar Gonagov et Zaur Guliyev, on a de nouveau rejeté sa demande. Les gardiens lui auraient tenu les propos suivants : « Pourquoi venez-vous aussi souvent ? Nous vous appellerons en cas de besoin. Les enquêteurs n’ont pas encore donné leur accord pour que vous puisiez rencontrer [vos clients]. » Elchin Sadigov s’est également vu refuser tout accès au dossier pénal de ses clients, alors qu’il est essentiel pour lui d’en prendre connaissance pour préparer la défense des journalistes.

« Voir un avocat fait partie des droits fondamentaux de chaque détenu, mais les autorités azerbaïdjanaises semblent penser qu’elles sont au-dessus des lois », a déploré Jane Buchanan. « Le gouvernement doit cesser de trouver des excuses et permettre à Vugar Gonagov et Zaur Guliyev d’exercer pleinement leurs droits. »

Les proches des journalistes non plus n'ont pas pu entrer en contact avec eux. Le père de Zaur Guliyev a raconté à Human Rights Watch qu’il s’était rendu à la prison de Kurdakhani le 20 mars, où on lui a assuré que son fils ne se trouvait pas parmi les détenus.C’est en le cherchant dans les commissariats de Baku qu’il a appris que celui-ci était au quartier pénitentiaire pour les auteurs de crime organisé.Il a demandé à le voir pour lui donner un colis de nourriture, ce à quoi les détenus en attente de procès ont généralement droit. Cependant, le personnel n’a pas autorisé cette visite et a refusé de faire passer le colis. Le 27 mars, les gardiens ont finalement accepté qu’un colis soit déposé.

Le 25 mars, suite à l’appel d’un membre d’une organisation non gouvernementale locale, un représentant du bureau du médiateur de l’Azerbaïdjan a pu rencontrer Vugar Gonagov et Zaur Guliyev.

N’ayant pas pu accéder au dossier pénal de ses clients, Elchin Sadigov ne sait pas avec certitude quels sont les chefs d’accusation qui pèsent sur les deux hommes.Lors de l’audience préliminaire, l'avocat commis d’office représentant les journalistes a dit à l’un de leurs proches qu’ils étaient accusés d’avoir organisé des troubles de l’ordre public, d’y avoir participé et d’avoir abusé de leur pouvoir.

Les charges qui pèsent contre Vugar Gonagov et Zaur Guliyev semblent donc être liées au fait que les journalistes auraient publié sur YouTube le discours d’un élu de Quba qui, pour beaucoup, serait à l’origine d’une vague de protestations dans la ville le 1er mars. Les habitants de Quba sont descendus dans les rues, apparemment outrés par les propos de Rauf Habibov, le chef du pouvoir exécutif local, qui aurait dit : « Les habitants de Quba vendent leur enfants et leur patrie pour 30 ou 40 manats (38 à 50 USD). »Si l'on en croit les médias, de nombreux heurts ont éclaté ce jour-là entre les manifestants et la police, et des anonymes ont incendié la maison de Rauf Habibov. Suite à ces événements, Rauf Habibov a été limogé.

S’ils sont reconnus coupables, Vugar Gonagov et Zaur Guliyev pourraient être condamnés à trois ans d’emprisonnement.

L’histoire de l’Azerbaïdjan est marquée par l’arrestation de nombreux journalistes pour motifs politiques ou sur la base de fausses accusations, selon toute vraisemblance en représailles de leur travail de dénonciation ou d’investigation. Outre Vugar Gonagov et Zaur Guliyev, cinq autres journalistes sont actuellement en prison ou en détention provisoire en Azerbaïdjan.

« Il est choquant de constater que le nombre de journalistes placés en détention en Azerbaïdjan ne fait qu’augmenter. Sept personnes sont aujourd’hui en prison ou en détention provisoire », a déclaré Agnès Callamard, directrice exécutive d’Article 19. « Cette situation est le signe très inquiétant que l’Azerbaïdjan n’est pas encore prêt à respecter son engagement pour la liberté d’expression. »

Sont en prison :
Ramin Bayramov, rédacteur en chef du site Internet Islamazeri.com¸ condamné à 18 mois d’incarcération au mois de mars sur la base d’accusations fallacieuses de détention illégale de stupéfiants et d’armes à feu.

Aydin Janiyev, correspondant à Lankaran pour le journal Khural, condamné à trois ans d’emprisonnement en novembre 2011 pour vandalisme, vraisemblablement en représailles de son travail de journaliste.

Sont en détention provisoire :
Avaz Zeynalli, rédateur en chef du journal Khural, actuellement en détention provisoire pour des motifs apparemment politiques de corruption, en représailles du travail de dénonciation mené par Khural.

Anar Bayramli, journaliste pour la télévision iranienne, arrêté le 17 février, placé en détention provisoire sur la base d’accusations douteuses de détention de stupéfiants.

Ramil Dadshov, chauffeur d’Anar Bayramli, arrêté séparément mais le même jour que ce dernier, également placé en détention provisoire sur la base d’une accusation douteuse de détention de stupéfiants.

En Azerbaïdjan, les journalistes sont souvent victimes de harcèlement, de manœuvres d’intimidation et d’agressions. La plupart de ces agressions restent impunies.

Par ailleurs, le gouvernement restreint la liberté d’expression par d’autres moyens, notamment en dispersant dans la violence des manifestations pacifistes ou en arrêtant et en condamnant des manifestants, organisateurs ou participants. À titre d’exemple, le 17 mars, la police a arrêté deux membres du groupe de musique populaire Bulistan, qui donnait un concert lors d’une manifestation pacifiste, après que des hommes non identifiés ont attaqué les musiciens. Les deux musiciens entendus affirment avoir été battus par des policiers lors de leur arrestation et au poste de police où ils ont été détenus dans un premier temps. Enfin, leur avocat n’a pas été autorisé à s’entretenir avec eux pendant leur garde à vue.

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