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Déclaration relative au rapport de l’expert indépendant des Nations Unies concernant la Côte d’Ivoire

Déclaration prononcée le 21 mars 2012 au Conseil des Droits de l’Homme

Human Rights Watch salue l’action menée par l’expert indépendant sur la Côte d’Ivoire après plus de dix ans de violations graves des droits humains perpétrées en grande partie lors d’épisodes de violence politique et de conflit armé. Dans son premier rapport, l’expert indépendant met en lumière des problèmes importants et persistants liés à la criminalité, l’usurpation continue des fonctions de l’État par les Forces républicaines dans certaines régions, ainsi que le besoin de mettre un terme à l’impunité afin de rétablir l’État de droit.

 

Nous relevons toutefois avec inquiétude ce qui nous semble être une analyse inadéquate de la justice partiale dont continue de souffrir la Côte d’Ivoire. Certes, l’expert indépendant prend note des critiques locales et internationales à l’égard de la justice du vainqueur, mais il n’en demeure pas moins qu’un examen plus approfondi du problème et de son impact en Côte d’Ivoire s’avère nécessaire. La Commission internationale d’enquête de 2011, mandatée par le Conseil des droits de l’homme, a formulé comme recommandation principale la conduite, « de manière exhaustive, impartiale et transparente », d’enquêtes et de poursuites pour les crimes commis par les deux camps.

 

Le rapport de l’expert indépendant cite le procureur de la république affirmant qu’il renverra des équipes chargées d’enquêter sur les crimes graves perpétrés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire « [s’il a]les moyens ». Face aux promesses de justice impartiale émises à maintes reprises par le Président Ouattara, l’expert devrait expliquer pourquoi le procureur n’a pas reçu le soutien matériel suffisant pour mener ces enquêtes. Le rapport précise également que le procureur militaire a engagé des poursuites pour les crimes commis par les anciens dirigeants des forces militaires et des milices fidèles à Gbagbo, mais il ne fournit aucune analyse sur ce qui est largement considéré comme un manque d’enquêtes crédibles sur les crimes perpétrés par les forces pro-Ouattara.

 

Plus de 120 individus ont été inculpés de crimes postélectoraux par le procureur militaire ou civil. Aucun de ces inculpés ne provient des forces pro-Ouattara. Cette justice partiale prévaut en dépit des informations faisant état de crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité perpétrés par les forces armées des deux camps, figurant entre autres dans des rapports de Human Rights Watch, de la Commission d’enquête internationale, d’Amnesty International, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et des Opérations de l’ONU en Côte d’Ivoire.

 

Un an plus tard, alors que des procès militaires débutent à l’encontre d’individus appartenant au camp Gbagbo, les victimes de graves exactions postélectorales commises par les Forces républicaines restent de fait sans possibilité de recours en justice. Des membres éminents de la société civile ivoirienne ont fréquemment mentionné lors d’entretiens avec Human Rights Watch qu’à leurs yeux, le système de justice n’était ni crédible ni indépendant. Le fait qu’à ce jour seul Laurent Gbagbo ait été transféré à la Cour pénale internationale, même s’il s’agit d’une mesure positive pour la justice, renforce le sentiment que seul un camp est tenu de rendre des comptes.

 

Human Rights Watchappelle l’expert indépendant à accorder, lors de sa prochaine mission, une plus grande attention à la question cruciale de l’imputabilité des actes commis. L’impunité dont jouissaient les détenteurs du pouvoir a été à l’origine de la crise ivoirienne ; une justice impartiale se révèle dès lors cruciale pour mettre fin aux divisions communautaires qui, aujourd’hui encore, minent la Côte d’Ivoire.

 

Nous remercions l’expert indépendant des efforts qu’il déploie pour s’attaquer aux pratiques d’exactions et d’impunité qui affectent la Côte d’Ivoire depuis longtemps déjà. À cet égard, nous voudrions lui poser les questions suivantes : Quand espérez-vous que le gouvernement ivoirien veillera à ce que débutent les poursuites à l’encontre d’individus appartenant aux Forces républicaines et ayant perpétré des crimes graves lors de la période postélectorale ? Êtes-vous préoccupé par le fait que les poursuites pour ces crimes restent partiales et que les commandants des Forces républicaines de rang intermédiaire et supérieur semblent être au-dessus de la loi ?

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