Lundi 22 novembre 2010, à La Haye, les juges de la Chambre de première instance III de la Cour pénale internationale (CPI) entameront le procès contre Jean-Pierre Bemba Gombo, un ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), chef militaire rebelle et dirigeant du principal parti d'opposition de la RDC.
Le procès de Jean-Pierre Bemba Gombo sera le premier dans le cadre de l'enquête de la CPI sur les crimes graves commis en République centrafricaine (RCA).
3. De quels crimes l'accuse-t-on?
4. Jean-Pierre Bemba Gombo n'était-il pas initialement accusé d'autres crimes?
5. Ce procès n'était-il pas censé commencer plus tôt?
7. Les victimes peuvent-elles participer au procès ?
8. Qui paye pour la représentation de Jean-Pierre Bemba par un avocat lors de l'audience ?
1. Qui est Jean-Pierre Bemba?
Commandant en chef rebelle au cours de la guerre en République démocratique du Congo (RDC) entre 1998 et 2003, Jean-Pierre Bemba Gombo et son groupe, le Mouvement de Libération du Congo (MLC), contrôlaient une grande partie du nord-est et du nord-ouest du Congo, avec le soutien de l'Ouganda. Après l'accord de paix qui mit fin à la guerre, il devint l'un des quatre vice-présidents du pays au sein d'un gouvernement de transition, entre 2003 et 2006. Bemba est arrivé second lors des élections présidentielles du Congo en 2006 et a été élu sénateur en janvier 2007. Il est actuellement à la tête du MLC, aujourd'hui principal parti d'opposition. Il s'est néanmoins exilé au Portugal en avril 2007, à la suite d'affrontements sanglants entre ses gardes du corps et les hommes du président Joseph Kabila. Il a été arrêté le 24 mai 2008 par les autorités belges près de Bruxelles, sur un mandat d'arrêt délivré par la CPI. Son arrestation par les autorités belges souligne l'importance de la coopération des États pour permettre à la CPI de mener à bien sa mission.
2. Quelle est l'origine de l'enquête menée sur la République centrafricaine et de quelle manière un commandant en chef rebelle congolais s'est-il retrouvé impliqué ?
Jean-Pierre Bemba se trouvait en RCA début 2002, lorsqu'Ange-Félix Patassé, le président en fonction à ce moment-là, l'a invité ainsi que ses hommes du MLC et des mercenaires originaires du Tchad à l'aider à étouffer un coup d'État planifié par son ancien chef d'état-major, François Bozizé. Les troupes du MLC de Bemba auraient commis des crimes atroces, dont des viols, des assassinats et des pillages contre des civils sur le territoire de la RCA. Le coup d'État a réussi et François Bozizé est devenu président. En décembre 2004, il a demandé à la CPI d'enquêter sur les crimes commis pendant la rébellion de 2002-2003. En mai 2007, le Bureau du Procureur de la CPI annonçait l'ouverture d'une enquête en RCA.
3. De quels crimes l'accuse-t-on?
Jean-Pierre Bemba Gombo est poursuivi pour deux chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et trois chefs d'accusation de crimes de guerre pour son rôle présumé dans les viols, les meurtres et les pillages commis lors du coup d'État en RCA en 2002 et 2003. Human Rights Watch n'a pas effectué à l'époque de recherches sur les événements liés au coup d'État.
4. Jean-Pierre Bemba Gombo n'était-il pas initialement accusé d'autres crimes?
Oui. Jean-Pierre Bemba était initialement inculpé de cinq chefs d'accusation de crimes de guerre et trois chefs d'accusation de crimes contre l'humanité. Cependant, à la suite de l'audience de confirmation des charges, qui s'est tenue en janvier 2009, la Chambre préliminaire a refusé de confirmer trois des huit chefs d'accusation. Ce faisant, les juges ont rejeté ce qu'ils ont appelé « l'approche cumulative » du procureur en matière de chefs d'accusation, consistant essentiellement à poursuivre le même comportement criminel sous différents chefs d'accusation. Par exemple, le procureur poursuivait le viol dans le cadre du crime de torture, le viol étant un instrument de torture, et séparément comme le crime de viol. Les juges ont conclu que cette approche imposait un fardeau excessif sur Bemba dans la préparation de sa défense, bien qu'ils n'aient pas exclu la possibilité de cumul des chefs d'accusation dans d'autres affaires, si les crimes sont distincts.
Les juges de la Chambre préliminaire ont également décidé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour définir que Bemba était directement responsable, en tant que co-auteur, des crimes qui lui étaient reprochés. Les juges ont écarté la « responsabilité individuelle », responsabilité pénale initialement proposée par le procureur, pour retenir celle de responsabilité en qualité de « chef militaire » prévue à l'article 28(a) du Statut de Rome, qui a créé la CPI et en régit le mandat ainsi que le fonctionnement. Sous cette théorie de la responsabilité du chef militaire, un accusé peut être tenu responsable de crimes commis par des personnes sous son commandement. Le procureur doit démontrer que Jean-Pierre Bemba exerçait un commandement et un contrôle effectifs des troupes qui ont commis les crimes de la compétence de la CPI, que « soit il savait ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes », et « n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites. »
5. Ce procès n'était-il pas censé commencer plus tôt?
Le procès de Jean-Pierre Bemba devait initialement commencer le 27 avril 2010. Il a été reporté une première fois au mois de juillet parce que Jean-Pierre Bemba a contesté la légalité de l'audience de son affaire devant la CPI.
La CPI est un « tribunal de dernier recours » et ne peut poursuivre une personne que lorsque l'État d'origine n'a pas la capacité ou la volonté de le faire. La défense peut contester la recevabilité de l'affaire à tout moment avant le début du procès.
Jean-Pierre Bemba a réfuté la compétence de la cour sur la base de plusieurs motifs, notamment que des enquêtes sur les crimes allégués contre lui avaient déjà été menées par le système judiciaire de la RCA et que son cas n'atteignait pas le seuil de gravité pour être jugé devant la CPI.
Le 24 juin, les juges de la Chambre de première instance III ont conclu que l'affaire était recevable devant la CPI et ont décidé que le procès pouvait démarrer. Pour arriver à cette décision, les juges ont longuement analysé les procédures judiciaires en RCA à l'encontre de Jean-Pierre Bemba, notamment en tenant des consultations avec les autorités de ce pays. Les juges ont conclu que la procédure à l'encontre de Jean-Pierre Bemba en RCA avait effectivement pris fin en avril 2006, suite à une décision de la Cour de Cassation que les tribunaux nationaux de la RCA n'avaient pas la capacité de traiter l'affaire, et sa recommandation que l'affaire soit déférée à la CPI. La Chambre de première instance III a déterminé qu'il ne s'agissait pas d'une décision « de ne pas poursuivre » basée sur un manque de preuves, et que la CPI conservait donc sa compétence, étant donné « l'indisponibilité » des tribunaux de la RCA.
En ce qui concerne la gravité de l'affaire, les juges ont rappelé que la Chambre préliminaire de la CPI avait pris ce facteur en compte lors de sa décision de confirmation des charges de juin 2009. La Chambre préliminaire avait de toute évidence estimé que l'affaire contre Jean-Pierre Bemba était assez grave pour confirmer les charges à son encontre, et cette décision n'a pas été contestée à l'époque.
Le 28 juin, la défense de Jean-Pierre Bemba a fait appel de la décision sur la recevabilité de l'affaire et a demandé que la procédure soit suspendue pendant que la Chambre d'appel examinait la question. Les juges de la chambre de première instance ont décidé qu'il était en effet dans l'intérêt de la justice de résoudre la question de la recevabilité avant le début du procès, et ont donc décidé de reporter l'ouverture du procès.
Le 19 octobre, la Chambre d'appel de la CPI a confirmé l'analyse des juges de la Chambre de première instance et décidé que l'affaire contre Jean-Pierre Bemba est recevable devant la CPI.
6. Les troupes du MLC de Jean-Pierre Bemba n'étaient-elles pas impliquées dans des violations graves des droits humains en République démocratique du Congo ? Pourquoi n'est-il pas également poursuivi pour ces crimes ?
Les troupes du MLC de Jean-Pierre Bemba ont également été impliquées dans de multiples atrocités commises dans le nord du Congo pendant les cinq années de guerre qui s'y sont déroulées. En novembre 2002, les soldats de Bemba ont lancé une opération militaire intitulée « effacer le tableau » sur le territoire de Mambasa dans la province de l'Ituri. Au cours de cette opération, les troupes du MLC sont accusées d'être les auteurs de nombreux crimes contre des civils, notamment des viols, des exécutions sommaires et des actes de pillage. De fait, au cours de la procédure de confirmation des charges à l'encontre de Bemba, le Bureau du Procureur a discuté de façon approfondie le comportement des troupes du MLC en RDC. Le Bureau a fait cela afin de démontrer que Jean-Pierre Bemba aurait dû savoir que les troupes du MLC étaient susceptibles de commettre des crimes lorsqu'elles étaient envoyées en RCA.
Human Rights Watch a appelé à plusieurs reprises le procureur de la CPI à enquêter sur les crimes commis par les troupes du MLC dans le district de l'Ituri de la RDC et, si les preuves étaient suffisantes, de poursuivre Bemba pour ces crimes. En juin 2010, des victimes congolaises qui se disent victimes de crimes commis par des soldats du MLC et qui participent dans la situation de la RDC devant la CPI, ont demandé à la Chambre préliminaire I d'examiner et revoir la décision du procureur de ne pas poursuivre Bemba pour les crimes en RDC. Le 25 octobre dernier, la Chambre préliminaire I a conclu qu'elle ne pouvait pas réviser de décision, car le Bureau du Procureur n'avait pas encore pris une décision formelle « dans l'intérêt de la justice » de ne pas mener d'enquêtes ni de poursuites contre Jean-Pierre Bemba pour son rôle dans l'Ituri.
Avec l'ouverture du procès de Jean-Pierre Bemba aujourd'hui pour les crimes en RCA, il semble de plus en plus improbable que le procureur de la CPI portera des accusations à l'encontre de Jean-Pierre Bemba pour son rôle présumé dans les crimes commis en Ituri. Il s'agit là d'une importante occasion manquée de rendre justice aux victimes congolaises des crimes commis par les troupes du MLC.
7. Les victimes peuvent-elles participer au procès ?
En vertu du Statut de Rome, les victimes peuvent non seulement témoigner mais aussi participer aux procédures. Ceci est un cas unique dans les procédures de justice internationale et une innovation importante qui pourrait permettre aux personnes les plus directement touchées par les crimes allégués de faire entendre leur voix dans les procédures. Les juges, dans leur rôle, veillent à ce que la participation des victimes ne soit pas préjudiciable à, ou incompatible avec le droit des accusés à un procès équitable.
Les victimes en RCA ont réclamé justice sans relâche depuis le coup d'État, et les attentes relatives aux enquêtes de la CPI et au procès de Jean-Pierre Bemba sont fortes. De nombreuses victimes souhaitent prendre part à la procédure et ont déposé des demandes. À la date où nous écrivons, 135 victimes ont été admises à participer, et plus de 1 200 demandes supplémentaires sont à l'étude.
Les victimes participantes qui n'ont pas les moyens financiers de rémunérer un représentant légal ont droit à une aide de la part de la CPI. Dans l'affaire Jean-Pierre Bemba, la Chambre de première instance III a décidé que le greffe devait nommer deux représentants légaux communs, chacun pourvu d'un assistant, pour représenter la totalité des victimes qui pourraient être autorisées à participer. D'autre part, les juges ont insisté sur le fait que, pour rendre la représentation plus significative, les représentants légaux devaient être culturellement liés aux victimes, c'est-à-dire « parler la langue des victimes, partager leur culture et connaître leur réalité. »
8. Qui paye pour la représentation de Jean-Pierre Bemba par un avocat lors de l'audience ?
Un accusé a droit à l'aide d'un avocat pendant la durée des poursuites pénales. Il peut bénéficier d'une aide financière s'il ou elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour exercer ce droit. Jean-Pierre Bemba a rempli une demande d'aide financière que le Greffier de la Cour pénale internationale a provisoirement rejetée en août 2008, sur la base d'une conclusion initiale que Bemba possédait les ressources nécessaires pour financer sa propre représentation légale.
Jean-Pierre Bemba a toutefois soutenu que, du fait que la CPI avait émis un certain nombre de décisions visant à geler et à confisquer ses biens considérables en 2008, en prévision de dédommagements éventuels pour les victimes, il était dans l'incapacité d'accéder facilement à ses ressources financières pour payer pour sa défense. La cour a donc initialement ordonné la libération de l'un des comptes bancaires de Bemba au Portugal pour lui permettre de payer son équipe de défense et de pourvoir aux besoins de sa famille. Une fois que ces ressources ont été épuisées, et en l'absence de toute perspective immédiate qu'il pourrait accéder à ses autres biens, la cour a décidé en octobre 2009 que le greffe devait avancer des fonds pour la représentation légale de Bemba, rétroactivement depuis mars 2009, afin de garantir qu'il puisse jouir d'un procès équitable et dans un délai raisonnable. La Chambre a également ordonné au greffe de mettre en place un certain nombre de garanties pour s'assurer que la cour serait en mesure de récupérer ces fonds. Sur la base des calculs du greffe, l'assistance judiciaire s'élevait à environ 30 000 euros par mois.
La question du paiement de l'équipe de défense de Bemba demeure controversée. En août, la défense de Bemba a demandé au greffe d'augmenter ses paiements pour la durée du procès, et a demandé des fonds supplémentaires pour mener des enquêtes.
Mais en octobre, le greffe a décidé d'arrêter les versements anticipés à la défense. Le greffe a noté que sa propre enquête sur la situation financière de Jean-Pierre Bemba avait révélé des différences par rapport à la façon dont celui-ci l'avait décrite. Le greffe s'était en outre déjà plaint d'un manque de coopération de la part de Bemba pour vendre une de ses villas et libérer ainsi des fonds permettant de rembourser les avances du greffe et de financer sa propre défense. Le greffe a cependant proposé de continuer à fournir des ressources pour trois mois supplémentaires, avec la possibilité d'une extension, si Bemba fait preuve de bonne volonté pour libérer ses actifs afin de rembourser la cour et financer sa propre défense dans l'avenir.
Le 1er novembre, Jean-Pierre Bemba a demandé un nouveau report du procès, affirmant qu'il n'avait pas eu le temps ni les facilités nécessaires pour préparer convenablement sa défense. Il a prétendu qu'un manque de ressources humaines et financières avait empêché l'équipe de défense de mener des enquêtes convenables. La Chambre de première instance n'a pas encore statué sur cette question.
La question des ressources de Jean-Pierre Bemba intéresse également les victimes qui espèrent être dédommagées. Selon le Statut de Rome, si l'affaire contre Bemba fait l'objet d'un procès et qu'il est déclaré coupable, la cour peut lui ordonner de verser aux victimes une indemnisation individuelle ou collective. Dans le cadre du Statut de Rome, pour être indemnisées par une personne inculpée, les victimes doivent remplir une demande auprès de la cour.
9. Que devrait faire la CPI pour s'assurer que les habitants de la RCA et de la RDC sont informés de l'évolution de l'audience contre Bemba à La Haye ?
La CPI doit relever le défi de garantir que les poursuites aient une signification pour les communautés les plus touchées par les crimes et que les victimes comprennent des procédures souvent complexes. La CPI doit par conséquent faire tout ce qui est en son pouvoir pour diffuser publiquement auprès des habitants de la RCA les développements judiciaires importants qui se déroulent à La Haye.
De plus, parce que Jean-Pierre Bemba est une personnalité importante en RDC, la CPI devrait anticiper et se préparer à répondre sur place à un besoin urgent d'informations sur le procès. Certaines des personnes interrogées en RDC en juillet 2007 par Human Rights Watch pensaient que la décision du Procureur d'ouvrir une enquête en mai 2007 sur les événements qui se sont déroulés en RCA, presque trois ans après que ce pays en ait fait la demande auprès de la CPI, n'avait pour but que la poursuite d'un adversaire politique du président Kabila. L'arrestation de Jean-Pierre Bemba et son transfert à La Haye, même si ce sont des développements positifs, ont indéniablement accentué cette perception.
La Section de l'information et de la documentation publique de la CPI a élaboré un plan de sensibilisation et de communication pour s'assurer que l'information sur l'ouverture du procès de Jean-Pierre Bemba est disponible en RCA et en RDC. Par exemple, la cour tiendra une conférence de presse à La Haye le premier jour du procès ; les journalistes de la RCA et de la RDC pourront participer via visioconférence. En outre, elle produira des résumés vidéo et audio pour une distribution plus large. Les bureaux locaux de la CPI en RCA et en RDC seront en mesure d'utiliser ces résumés lors d'événements avec la population locale.
Il sera essentiel que la CPI fournisse des mises à jour régulières sur le procès lors d'événements de sensibilisation tout au long du développement de la procédure.
10. Certaines personnes sont d'avis que ce procès vise à empêcher Jean-Pierre Bemba de se présenter aux élections présidentielles prévues pour novembre 2011 en RDC. Jean-Pierre Bemba pourrait-il encore se présenter aux élections tout en étant en procès devant la CPI ?
Le droit international n'interdit pas à un individu recherché pour crimes par la CPI de se présenter à une élection. Le droit congolais interdit aux personnes qui ont été reconnues coupables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de génocide par un tribunal international de se porter candidat. Cela ne comprend pas les personnes accusées de tels crimes, ou en procès au moment des élections. Le droit congolais exige cependant que le candidat à la présidentielle soit présent sur le territoire de la RDC le jour des élections. Les juges de la CPI ont estimé que l'arrestation et la détention de Jean-Pierre Bemba étaient nécessaires pour garantir sa comparution au procès et afin qu'il ne mette pas en danger la procédure devant la cour, notamment par l'intimidation de témoins. En attendant le début du procès, Bemba a déposé plusieurs demandes de « mise en liberté provisoire » qui n'ont pas été accordées. À ce jour, Bemba n'a pas fait de déclaration publique sur ses intentions concernant les élections de 2011.
11. Y a-t-il un précédent pour un candidat se présentant tout en étant impliqué dans une procédure pénale devant un tribunal international ?
Il y a en effet des précédents de personnes inculpées de crimes graves et autorisées à poursuivre une activité politique, à condition qu'elles coopèrent avec le tribunal international poursuivant les crimes. Par exemple, Ramush Haradinaj - ancien commandant de l'Armée de libération du Kosovo, ancien Premier ministre du Kosovo, et chef du parti politique Alliance pour l'avenir du Kosovo- était en procès pour crimes de guerre au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie tout en participant aux élections du Kosovo de 2007.
12. Le Procureur de la CPI engagera-t-il des poursuites à l'encontre d'autres personnes responsables pour les crimes commis en RCA ?
Jean-Pierre Bemba est à l'heure actuelle le seul individu accusé dans le cadre de l'enquête de la CPI en RCA. Human Rights Watch exhorte le Procureur de la CPI à mener des enquêtes et, sur la base de preuves, à engager des poursuites contre d'autres personnes, en particulier l'ancien président Patassé, considéré comme la personne la plus responsable de crimes commis en RCA et relevant de la CPI durant le coup d'État, en 2002 et 2003.
13. Qu'en est-il des affirmations de certains dirigeants africains selon lesquelles la CPI viserait injustement les Africains ?
La cour prend des décisions relatives à ses enquêtes en se fondant sur une variété de facteurs, notamment si elle a compétence pour connaître des crimes et leur gravité. L'autorité de la cour s'étend principalement aux crimes commis dans les États parties au traité de la CPI, à moins que le Conseil de sécurité des Nations Unies ne réfère une situation à la cour ou qu'un État non partie à la cour accepte volontairement son autorité. Cela a limité l'éventail de situations dans lesquelles la CPI peut agir.
La CPI mène actuellement des enquêtes dans cinq situations en Afrique dans lesquelles des violations des droits humains extrêmement graves ont été commises. Dans trois de ces situations (en Ouganda, en République démocratique du Congo et en RCA), les autorités nationales elles-mêmes ont référé les crimes commis sur leur territoire à la CPI. En outre, le procureur de la CPI a également entamé une analyse préliminaire pour décider s'il a compétence sur les violations alléguées dans un certain nombre de situations non-africaines, notamment la Colombie, l'Afghanistan, la Géorgie et le Territoire palestinien occupé de Gaza.
En même temps, il faut reconnaître que le contexte dans lequel la justice internationale est appliquée a été inéquitable. D'autres crimes internationaux graves commis depuis que la CPI a été créée en 2002 ont eu lieu dans des États non parties à la cour et tombent donc hors de sa compétence, notamment au Sri Lanka, en Birmanie et en Irak. Aucune de ces situations n'a fait l'objet d'une saisine de la CPI par le Conseil de sécurité. Les réalités politiques font que les dirigeants d'États puissants, ou disposant d'alliés puissants, sont moins susceptibles d'être poursuivis devant des tribunaux internationaux lorsqu'ils sont associés à des crimes graves.
La justice ne devrait pas être refusée à certains, cependant, au motif qu'il est encore politiquement impossible de garantir la justice pour tous. Au contraire, la portée de la lutte contre l'impunité devrait être étendue partout où des crimes graves se produisent.