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Iran : La crise s’intensifie un an après les élections controversées

La société civile iranienne est victime d’une pression toujours plus forte

(New York, le 10 juin 2010) - Le gouvernement d'Iran resserre son étau sur son propre peuple n'hésitant pas à harceler à emprisonner et à maltraiter violemment divers membres de la société civile iranienne. Ce constat est dressé à peine un an après les élections présidentielles de 2009 qui ont fait couler beaucoup d'encre et après la mise en place de mesures de répression brutales, a annoncé aujourd'hui Human Rights Watch. L'anniversaire des élections du 12 juin 2009 tombe deux jours après une réunion du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, pendant laquelle l'Iran a fait fi des critiques fustigeant son bilan en matière de respect des droits humains.

Les témoignages faits à Human Rights Watch par des militants des droits humains et par d'autres personnes vivant en Iran tendent à montrer que l'atmosphère actuelle dans le pays est visiblement différente des images de protestation massive diffusées un an auparavant sur les ondes et sur la toile. Les manifestations de protestation publique ont pratiquement cessé et la contestation devient de plus en plus souterraine car les forces de sécurité ont renforcé leur présence dans les grandes villes de tout le pays.

« Alors que la communauté internationale a eu les yeux rivés sur les ambitions nucléaires de l'Iran, Téhéran a méthodiquement fait taire les voix de la contestation s'exprimant dans le pays », a indiqué Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient de Human Rights Watch. « Les journalistes, les avocats et les activistes de la société civile qui avaient l'habitude de parler aux médias étrangers ainsi que les groupes de défense des droits humains font preuve d'une réticence toujours plus grande, craignant la surveillance de leurs conversations téléphoniques et de leurs activités sur Internet. »

D'après une déclaration faite par la magistrature iranienne, 250 personnes ont été reconnues coupables d'infractions liées aux protestations contre les élections. Nombre d'entre elles ont été condamnées à de longues peines d'emprisonnement après des procès pour l'exemple lors desquels elles ont été contraintes de confesser des infractions à la sécurité. Des centaines d'autres restent en prison et ne voient que rarement leurs avocats ou les membres de leur famille. Deux dissidents ont été exécutés en janvier dernier et les cours d'appel ont récemment confirmé les condamnations à la peine de mort d'au moins six personnes accusées d'avoir participé à des manifestations après les élections.

Les mesures de répression ne concernent pas seulement les contestataires s'insurgeant contre les élections. Depuis juin dernier, le gouvernement a exécuté au moins sept dissidents politiques kurdes qui ont tous été condamnés au motif d'un délit flou, le moharebeh ou ‘inimitié à l'égard de Dieu'. Aujourd'hui, plus d'une douzaine de dissidents kurdes attendraient leur exécution imminente dans le couloir de la mort. En outre, une vingtaine de membres de l'opposition, d'activistes de la société civile et de dissidents qui n'avaient pas participé aux manifestations ont été placés en état d'arrestation pendant des durées plus ou moins longues au cours de l'année passée. Certains ont été de nouveau arrêtés après leur libération.

Les journalistes et les défenseurs des droits humains comptent parmi les cibles de ces mesures de répression, certainement du fait de leur capacité à recueillir des informations sur les pratiques abusives et à les communiquer à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du pays. D'après le Comité de protection des journalistes, au moins 37 journalistes sont en prison, 19 autres se trouvant en liberté sous caution dans l'attente de leur procès. L'année passée, les journalistes et les activistes ont été de plus en plus nombreux à fuir l'Iran et à s'installer en tant que réfugiés dans la Turquie voisine.

Les forces de sécurité ont systématiquement molesté, arrêté et détenu, souvent sans motif, des membres de groupes locaux de défense des droits humains, y compris des membres du Comité des reporters des droits humains, du Comité étudiant de défense des prisonniers politiques et du Centre pour la défense des droits humains dirigé par le prix Nobel, Shirin Ebadi. D'autres défenseurs des droits humains ont fait l'objet de mesures de ‘nettoyage' exécutées par les unités de sécurité et de renseignement et ont été condamnés au motif de tentative de renversement du gouvernement via « une cyberguerre ».

Outre le fait de cibler les journalistes et les défenseurs des droits humains, les forces de sécurité ont mis en place une grande campagne visant à limiter le flux d'informations transitant par des circuits d'information alternatifs. Face au volume massif du trafic des télécommunications comme le téléphone portable, le courrier électronique et les sites de réseaux sociaux auxquels ont généralement eu recours les Iraniens pour diffuser des rapports opportuns sur les événements se déroulant sur place après les élections, le gouvernement a répliqué en s'occupant des médias non traditionnels. Les activistes œuvrant pour la défense des droits humains et les médias indiquent que les autorités se basent de plus en plus sur une technologie sophistiquée de surveillance, de filtrage et de brouillage afin de provoquer de graves perturbations sur les flux d'informations échangés par les Iraniens communiquant via leur téléphone mobile, via Internet ou par satellite. Chaque fois que le blocage de l'accès n'a pas fonctionné, les autorités ont tout bonnement coupé ou ralenti les connexions Internet et les signaux de télécommunication.

Malgré les nombreux appels lancés par les groupes de défense des droits humains, par la société civile iranienne et par les gouvernements étrangers demandant la tenue d'enquêtes transparentes et complètes sur les meurtres, les arrestations, les abus et les détentions arbitraires des manifestants et des activistes, les tribunaux iraniens n'ont condamné aucun haut responsable du gouvernement dans le cadre de ces pratiques abusives. Dans une déclaration faite à Genève jeudi, Human Rights Watch a demandé aux États membres de tenir le gouvernement iranien responsable de ses mesures de répression à l'encontre de la société civile et de sa réponse inadéquate aux recommandations que les États membres ont adressées au pays en février, pendant l'examen du Conseil sur le bilan de l'Iran en matière de droits.

« Le jeudi 10 juin, l'Iran s'est présenté devant le Conseil des droits de l'homme et a rejeté les appels de la communauté internationale l'exhortant à respecter les droits de ses citoyens », a déclaré Joe Stork. « Alors que le nœud coulant se resserre sur la société civile iranienne, les gouvernements doivent agir à l'unisson pour protester contre les initiatives alarmantes visant à faire taire les voix indépendantes et dissidentes dans le pays. »

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