Le général Pervez Musharraf, dont le mandat de président prenait fin jeudi, a déclaré hier qu'il allait démissionner de ses fonctions de chef des armées avant le 1er décembre prochain. Mais cette déclaration n'est pas de nature à détendre la situation toujours très critique au Pakistan, soumis à l'état d'urgence depuis le 3 novembre. L'opposition se refuse à prendre part à des élections, prévues en janvier 2008, qui se déroulent sous l'état d'urgence. De passage à Genève, le directeur éxécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth, ne cache pas son inquiétude au sujet de l'évolution de la crise pakistanaise.
Le général Pervez Musharraf, dont le mandat de président prenait fin jeudi, a déclaré hier qu'il allait démissionner de ses fonctions de chef des armées avant le 1er décembre prochain. Mais cette déclaration n'est pas de nature à détendre la situation toujours très critique au Pakistan, soumis à l'état d'urgence depuis le 3 novembre. L'opposition se refuse à prendre part à des élections, prévues en janvier 2008, qui se déroulent sous l'état d'urgence. De passage à Genève, le directeur éxécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth, ne cache pas son inquiétude au sujet de l'évolution de la crise pakistanaise.
Le Temps: Le général Pervez Musharraf a promis des élections pour le mois de janvier prochain. Faut-il s'en réjouir?
Kenneth Roth: Les dictateurs savent l'importance symbolique des élections. Mais que veut dire la tenue d'un tel scrutin si le pouvoir ne garantit même pas les libertés fondamentales propres à une telle élection? Les partis politiques ne sont pas libres et la concurrence entre eux ne peut s'exprimer. L'état d'urgence est en l'occurrence l'antithèse de la démocratie. Le plus grave, c'est que le président Musharraf s'en prend à la société civile et à la presse qui ont constitué l'âme démocratique de ce pays. Ce seront donc de pseudo-élections. Les conditions dans lesquelles elles pourraient se dérouler me rappellent l'élection présidentielle au Nigeria qui n'avait pas été un «plus» démocratique.
Mais Musharraf dit qu'il le fait pour le bien de la démocratie...
KR: Ça ne marche pas comme cela. On ne peut pas dire qu'on détruit la démocratie pour mieux la sauver. Menacé par une décision de la Cour suprême, le général Musharraf a simplement décidé de mettre la justice entre parenthèses.
Le président pakistanais prétend que sa méthode est la seule applicable pour se prémunir contre la montée de l'islamisme radical.
KR: Musharraf joue un jeu très dangereux. Il a créé de toutes pièces une fausse alternative. Le choix qu'il propose aux Pakistanais, c'est de dire que c'est soit lui, soit les islamistes. C'est de la pure fiction et c'est insultant pour la société civile et les partis politiques traditionnels qui ont fait vivre la vie politique de ce pays. C'est aussi un cadeau fait aux partis islamistes qui ont été marginalisés jusqu'ici. Pourtant, la société civile pakistanaise est bien réelle. Les Pakistanais sont un peuple intelligent qui ne manque pas de leaders politiques. L'excuse trouvée par le président pakistanais rappelle les méthodes d'Hosni Moubarak en Egypte. En réprimant les partis traditionnels et l'opposition, il a donné de l'oxygène aux Frères musulmans. Pervez Musharraf a perdu le soutien de l'opposition séculière et risque de devoir s'appuyer sur les islamistes qui ont d'ailleurs déjà infiltré l'armée. Le risque d'une politique à si court terme, c'est la polarisation de la société pakistanaise, terreau favorable à la montée de l'extrémisme. C'est d'autant plus dangereux que le pouvoir manque désormais de légitimité populaire et qu'il est incapable de contrôler les zones tribales du Nord-Ouest où sévissent les talibans ou la région du Baloutchistan, où se déroule une quasi-guerre civile.
Et l'attitude américaine à l'égard du Pakistan?
KR: Elle est essentielle. D'un côté, George Bush tient un discours juste en disant qu'il faut combattre le terrorisme, soutenir Benazir Bhutto et le processus électoral et lever l'état d'urgence. Mais ce sont des mots. Dans les faits, Washington n'a pris aucune mesure allant dans ce sens. La Maison-Blanche est opposée à la loi martiale, mais elle continue d'apporter son aide militaire à Musharraf. Pour être efficaces, les Etats-Unis doivent couper cette aide. Les pays occidentaux doivent aussi s'exprimer et dire à George Bush que sa politique relève de la rhétorique et du court terme. Ils ne peuvent pas se satisfaire de la politique de Musharraf. Ils doivent au contraire exercer une forte pression sur le président pakistanais pour remettre à leur juste place des principes démocratiques essentiels.
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