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Espagne : Les déportations vers le Maroc mettent des migrants en danger

Les violences contre les migrants à Ceuta et Melilla appellent à une enquête indépendante

Le Gouvernement espagnol devrait immédiatement suspendre la déportation vers le Maroc de migrants sans-papiers à partir des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, a aujourd’hui déclaré Human Rights Watch.

Au cours des deux dernières semaines, près de 2000 personnes ont tenté de pénétrer Ceuta et Melilla en se jetant sur les barrières qui protègent ces deux villes d’Espagne situées sur la côte Nord Africaine, et adjacentes au Maroc. Au moins 11 personnes ont été tuées et de nombreuses autres ont été blessées alors que les troupes espagnoles et marocaines essayaient de bloquer leurs passages vers ces enclaves. Des centaines de personnes sont logées dans un centre de résidence temporaire et dans un camp de refugiés à Melilla.

“Renvoyer les gens au Maroc n’est pas une réponse à cette situation de crise”, déclare Holly Cartner, Directrice de la Division Europe et Asie Centrale de Human Rights Watch. “La priorité du gouvernement espagnol devrait être la protection de ces personnes extrêmement vulnérables”.

Des rapports alarmants relatent des violations de droits de l’Homme subies par les migrants déportés depuis l’Espagne vers le Maroc ou détenus au Maroc alors qu’ils tentaient d’entrer à Ceuta ou Melilla. Médecins sans Frontières a déclaré vendredi avoir découvert dans le désert, près de la frontière entre le Maroc et l’Algérie, plus de 500 personnes abandonnées par la police marocaine sans eau ni nourriture. Le gouvernement marocain aurait apparemment commencé à transporter des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants par convois routier vers la frontière Algérienne, déclarant que c’est le chemin suivi par les migrants avant leur arrivée au Maroc. Apparemment, beaucoup de ces migrants ont été menottés par deux et n’ont bénéficié ni d’eau, ni de nourriture.

Le 6 octobre, sur la base d’un accord bilatéral ad hoc, l’Espagne a expulsé de ses enclaves vers le Maroc au moins 70 personnes, et cherche également à réactiver un accord, datant de 1992, passé avec le Maroc et permettant à l’Espagne de renvoyer vers ce dernier tout immigrant, de nationalité quelconque en provenance du Maroc, ayant illégalement franchis la frontière espagnole. La Commission Européenne a proposé d’inscrire le Maroc sur une liste de “pays surs”, ce qui limiterait le droit des personnes transitant au Maroc de placer une demande d’asile auprès d’un pays de l’Union Européenne. La Commission pousse aussi le Maroc à signer un accord avec l’Union Européenne qui permettrait de renvoyer au Maroc toute personne de tierce nationalité y ayant transité.

“Le Maroc doit réaliser beaucoup plus afin d’assurer le respect de base des droits humains des migrants avant qu’il ne puisse être considéré comme un pays sur de retour”, a déclaré Cartner. «Ce n’est vraiment pas le meilleur moment pour discuter d’un accord de réadmission entre l’Union Européenne et le Maroc ».

Des rapports ont paru sur l’usage excessif de force par les patrouilles Espagnoles et Marocaines aux frontières. Le 29 septembre, cinq migrants ont été tués, apparemment par balles, alors qu’un groupe de 500 personnes se jetait sur les barrières de Ceuta. Deux corps ont été retrouvés sur le sol espagnol et trois autres du côté Marocain de la barrière. Le 5 octobre, six hommes ont été tués par balles sur le territoire marocain par des officiers de police du pays. Le Gouvernement marocain a défini les actions prises par ses forces de police comme étant un « acte de légitime défense » en réponse à des attaques de pierres et de bouteilles. De nombreux rapports existent dénonçant les coups et autres mauvais traitements distribués par les forces de sécurité des deux côtés des barrières.

“Les allégations relatives à l’implication de fonctionnaires marocains et espagnols dans la morts de migrants sont extrêmement sérieuses”, dit Cartner. «Ces incidents requièrent une enquête internationale indépendante».

Le Rapporteur spécial sur les droits de l'Homme des migrants serait bien placé pour juger de la situation a déclaré Human Rights Watch. De plus, l’Institution d’ Ombudsman (Defensor del Pueblo-Defenseur du Peuple) en Espagne et le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme au Maroc devraient lancer des enquêtes sur ces actes de violence.

Une enquête interne menée par la Garde Civil Espagnole sur la mort des deux hommes retrouvés le 29 septembre sur le territoire espagnol, a déchargé la Garde Civile de toute implication. L’enquête a conclu que les coups mortels ont été tirés d’une longue distance et que les balles ne correspondaient pas au type utilisé par la Garde Civile. Le Ministre de l’Intérieur espagnol, José Antonio Alonso a annoncé que le Gouvernement marocain menait une enquête sur la mort des trois personnes retrouvées sur son territoire.

L'Espagne et le Maroc devraient tous deux améliorer la formation des patrouilles aux frontières en matière de gestion de masses appropriée et proportionnelle, et en accord aux normes internationales telles que le code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois et les Principes de base sur l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

L'Espagne a une obligation, en vertu du droit national et international, de s'assurer que tous les individus vivants sur son territoire voulant placer une requête d'asile, aient la possibilité de le faire. Cela signifie que tous ceux qui sont détenus lors de leur arrivée à Ceuta et Melilla devraient recevoir des instructions claires, dans une langue qu’ils peuvent comprendre, sur leurs droits de demande d’asile et devraient obtenir les conseils nécessaires quant au procédé à suivre. L'Espagne et le Maroc ont pour obligation de ne renvoyer aucune personne vers des pays où elle risque d’être victime de persécution, de torture, ou où leur vie serait autrement mise en danger.

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