Dans sa politique d’expulsions forcées et de déplacements collectifs, le gouvernement du Zimbabwe a violé les droits de l’homme de centaines de milliers de ses citoyens, selon un rapport de Human Rights Watch publié aujourd’hui.
Au cours des deux dernières semaines, les autorités zimbabwéennes ont aggravé les souffrances en refusant de coopérer pleinement avec les agences des Nations Unies et les associations humanitaires œuvrant pour assister la population expulsée. Le 26 août, le gouvernement du Président Robert Mugabe a rejeté les termes d’un projet d’appel d’urgence au nom de l’ONU qui aurait aidé des centaines de milliers de personnes parmi les plus affectées par les expulsions.
Le rapport de 40 pages, intitulé “Nettoyage d’Ordures: Expulsions massives et démolitions au Zimbabwe” ( „Clear the Filth: Mass Evictions and Demolitions in Zimbabwe”), démontre comment le gouvernement a violé les droits humains de ses citoyens en les forçant de manière arbitraire à détruire leur propriété en l’absence de tout préavis ou de procédure et compensation légales, et en déplaçant des milliers de personnes vers des zones rurales où ils manquent de services basiques comme les soins médicaux, l’éducation, l’eau propre ou les moyens de soutien économique.
“Le gouvernement du Zimbabwe a causé des souffrances indicibles à des gens pauvres et vulnérables,” a déclaré Tiseke Kasambala, chercheuse dans la division Afrique de Human Rights Watch. “Pire encore, le gouvernement de Mugabe retarde actuellement la fourniture d’une assistance humanitaire dont auraient urgemment besoin des centaines de milliers de personnes affectées par ces expulsions.”
Les conséquences humanitaires de l’ “Opération Murambatsvina” (“Opération Nettoyage d’Ordures”) ont été catastrophiques. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont maintenant déplacés à l’intérieur du pays; ils vivent sans accès à l’assistance humanitaire, en particulier dans les zones rurales où plane la menace de graves pénuries de nourriture, et où les agences humanitaires ont eu du mal à retrouver les personnes ayant besoin d’aide.
L’Organisation des Nations Unies estime jusqu’à 700 000 le nombre de personnes expulsées, et dont les maisons et propriétés ont été démolies, depuis le lancement de l’opération par le gouvernment le 19 mai.
Human Rights Watch a déclaré que les femmes, les enfants, les personnes séropositives ainsi que les résidents nés à l’étranger ont été le plus durement touchés par les expulsions. Les témoignages des victimes partagent un fil commun: tous citent la procédure semblable d’un déplacement forcé, sans discernement et souvent violent aux mains de la police, associé à des ordres systématiques de partir vers des zones rurales.
“La police ne fait preuve d’aucune pitié. Ils nous battaient à coups de matraque et de botte si nous ne détruisions pas nos maisons assez vite,” a affirmé à Human Rights Watch une jeune femme à Harare, au sujet des méthodes brutales employées par la police pour l’expulser de son domicile. “Peu importe qu’il s’agisse de femmes, d’enfants, ou de personnes âgées. Tous étaient battus. Ce que nous voulons savoir, c’est pourquoi Dieu nous inflige ceci.”
Les expulsions ont aussi mené à la perturbation de nombreux programmes de traitement et de soins à domicile pour les personnes souffrant du VIH/sida, dans tout le pays. La perturbation de ces programmes de traitement risque de provoquer une résistance aux médicaments prescrits pour le VIH/sida, ainsi qu’une augmentation d’infections opportunistes. De nombreux patients souffrant du VIH/sida sont contraints de coucher dehors; d’autres ont dû se réfugier auprès de membres de leurs familles ou chez des associations caritatives, tandis que d’autres encore ont dû déménager vers les zones rurales où il y a peu d’accès aux médicaments antirétroviraux.
Un professionnel des soins à domicile a informé Human Rights Watch que cinq de ses clients sont décédés à l’extérieur à Mutare, après avoir été expulsés de leurs domiciles. “Sur mes 20 clients, cinq sont déjà décédés alors qu’ils dormaient dehors. Nous avons assisté aux funérailles d’une femme qui est décédée en laissant derrière elle un enfant de cinq ans. Ces gens dormaient dehors. Ces conditions ne sont pas bonnes pour des personnes déjà malades.”
Le gouvernement du Zimbabwe soutient que cette opération visait à rétablir l’ordre dans les villes, et à restituer de la dignité au peuple. Néanmoins, comme le démontre le rapport, aucun prétexte ne peut justifier ni la violation flagrante de droits de l’homme, ni la misère et le chaos indicibles qu’ont engendré les expulsions illégales et démolitions.
“Des violations massives des droits de l’homme ont eu lieu en conséquence des expulsions massives et des démolitions,” a déclaré Kasambala. “Les personnes responsables de la planification et de l’éxécution de l’Opération Murambatsvina doivent être immédiatement traduites en justice.”
Human Rights Watch a appelé le gouvernement du Zimbabwe à fournir une assistance immédiate, incluant un logement alternatif, à toutes les personnes affectés par les expulsions. Le gouvernment doit mener une enquête sur l’emploi de force excessive par la police ainsi que d’autres violations de droits de l’homme liées aux expulsions, et traduire les responsables en justice. Human Rights Watch a également exhorté les autorités zimbabwéennes à coopérer avec les agences humanitaires locales et internationales, et à accepter les termes de l’appel d’urgence de l’ONU afin de garantir l’assistance urgemment requise par des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.
Le Secrétaire Général de l’ONU Kofi Annan doit établir une Commission d’enquête afin d’identifier les responsables de la planification et de l’éxécution de l’Opération Murambatsvina ayant violé les droits de l’homme de centaines de milliers de Zimbabwéens, a déclaré Human Rights Watch.
La communauté internationale -- en particulier les organisations régionales comme l’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC, réunissant les pays voisins du Zimbabwe) -- doit exercer une pression politique beaucoup plus soutenue sur Harare, afin de mettre fin à ces abus et garantir que les personnes responsables de l’Opération Murambatsvina répondent de leurs actes.