(Genève, 9 Mars 2005)—La Commission des droits de l’homme de l’ONU, qui compte parmi ses membres des gouvernements tenus responsables de crimes contre l’humanité, devra effectuer des réformes drastiques pour rétablir son image en mal de crédibilité, a annoncé aujourd’hui l’organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch.
Parmi les membres réélus à la Commission l’année dernière figure le Soudan, qu’une Commission d’Enquête sur le Darfour mandatée par le Conseil de Sécurité a tenu pour responsable de violations des normes internationales des droits de l’homme et du droit humanitaire, qui vraisemblablement « constitueraient des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».
Pour garder sa place pertinente en tant qu’organe principal des Nations Unies en matière des droits de l’homme, la Commission doit combattre avec vigueur les violations des droits de l’homme dans le monde, a dit Human Rights Watch. La Commission n’a pas été épargnée par le « Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces » des Nations Unies, qui remarque « l’érosion de sa crédibilité et de son professionnalisme ».
« La Commission doit se concentrer sur la protection des droits de l’homme, au lieu d’empêcher la critique à l’encontre des pays membres qui commettent de sérieux abus », a soutenu Kenneth Roth, le directeur général de Human Rights Watch. « La Commission est devenue un lieu de refuge pour des gouvernements comme le Soudan, qui devraient être sur le banc des accusés plutôt qu’au cœur de l’organe principal de l’ONU pour les droits de l’homme.»
C’est uniquement en retrouvant son rôle, qui consiste à dénoncer les gouvernements responsables d’abus des droits de l’homme, et à instaurer des mesures pour remédier à ces situations, que la Commission peut rétablir toute sa pertinence, souligne Human Rights Watch.
Bien que la liste des pays qui devraient faire l’objet d’un examen minutieux de la part de Commission soit longue, Human Rights Watch met le doigt sur plusieurs situations urgentes dont la Commission doit s’occuper sans délai. Ces recommandations mettent à l’épreuve la compétence de la Commission dans l’exercice de ses fonctions essentielles.
Népal: Prenant en considération la situation des droits de l’homme au Népal qui s’est nettement dégradée, et aux vues des abus commis par le gouvernement y compris les nombreuses “disparitions”, la Commission devrait créer le poste de Rapporteur Spécial pour enquêter sur la situation dans ce pays.
Iran: La Commission doit rétablir le poste, récemment abandonné, d’expert en charge de surveiller la situation des droits de l’homme en Iran. La condition des droits de l’homme dans le pays s’est sensiblement détériorée au cours de cette année. La liste des violations commises inclue la torture et les mauvais traitements des détenus, y compris le régime d’isolement cellulaire illimité, utilisé de manière régulière à l’encontre des dissidents.
Soudan: La Commission doit restaurer le mandat du Rapporteur Spécial pour le Soudan, et condamner les abus massifs des droits de l’homme et les violations du droit humanitaire international commis par le gouvernement soudanais, ses milices alliées dont les Janjaweed, et les groupes rebelles au Darfour.
La région des grands lacs en Afrique: Tenant compte du conflit actuel dans la République Démocratique du Congo, le Burundi, l’Uganda et le Rwanda, la Commission devrait créer le poste de Rapporteur Spécial pour la région des Grands Lacs Africains, afin de pouvoir enquêter sur les questions transfrontalières des droits de l’homme, y compris la montée des tensions interethniques et les conséquences néfastes de l’activité militaire transfrontalière sur les droits de l’homme.
L’ancienne Union Soviétique: La Commission devrait adopter des résolutions déterminantes concernant la situation en Biélorussie, dans la région tchétchène de la Russie, au Turkménistan, ainsi qu’à l’encontre de la crise actuelle en Ouzbékistan.
Les Etats-Unis: Human Rights Watch fait appel à la Commission pour condamner les “disparitions”, la torture et les autres mauvais traitements infligés aux personnes détenues par les Etats-Unis dans le cadre de la “lutte globale contre le terrorisme”, et pour demander que le gouvernement américain accorde aux différents mécanismes de surveillance de la Commission l’ accès aux terroristes présumés, conformément à leur demande qui date de plusieurs mois.
L’adoption de résolutions déterminantes sur les situations des droits de l’homme les plus graves démontrerait le retour de la Commission à son objectif principal : la protection des droits de l’homme à travers le monde. Pour rétablir sa crédibilité, la Commission pourrait également éliminer de son sein les pires violateurs de droits de l’homme. Human Rights Watch appelle les Etats Membres des Nations Unies à refuser aux pays qui ont une réputation désastreuse en matière des droits de l’homme de siéger à la Commission, et à insister pour que les Etats, qui aspirent à adhérer à la Commission, prennent des mesures en faveur du respect de droits de l’homme.
« La Commission n’a pas d’autre solution pour rétablir sa renommée et sa crédibilité », a affirmé Roth. « Elle doit accomplir sa tâche, en faisant connaître les gouvernements qui commettent des abus, et en oeuvrant de manière ferme en faveur de la protection des droits de l’homme. »