De nouvelles informations mises à jour en Irak par Human Rights Watch accusent Ali Hassan al-Majid (alias “Ali le chimique”) d’être le commandant qui a ordonné l’exécution sommaire de centaines de musulmans chiites en 1999.
Ali Hassan al-Majid était l’un des principaux collaborateurs de Saddam Hussein. Les responsables irakiens ont déclaré qu’il serait parmi les premiers à être jugés par le Tribunal spécial à Bagdad.
Dans un rapport de 36 pages publié aujourd’hui, Human Rights Watch décrit les exécutions sommaires, les tortures, les arrestations en masse et autres crimes contre les droits humains perpétrés par l’ancien gouvernement irakien et les anciens responsables du parti Baas dans le sud de l’Irak au début 1999. Le rapport, intitulé “Ali Hassan al-Majid and the Basra Massacre of 1999,” fournit des indications quant à la totale responsabilité d’al-Majid.
Les chercheurs de Human Rights Watch ont interrogé des dizaines de victimes, de proches et de témoins et ils ont par ailleurs examiné les preuves par écrit ainsi que les restes humains exhumés des charniers.
“Le rôle d’Al-Majid dans le génocide contre les Kurdes est bien connu mais il a apparemment aussi eu du sang sur les mains à Bassora en 1999,” a déclaré Joe Stork, directeur à Washington de la Division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch.
Le 19 février 1999, le grand ayatollah Muhammad Sadiq al-Sadr, un chef religieux musulman chiite, était assassiné, plus que probablement par des agents du gouvernement irakien. Partout en Irak, les musulmans chiites sont alors descendus dans les rues en signe de protestation, s’attaquant parfois à des fonctionnaires et à des bâtiments du gouvernement irakien.
Human Rights Watch a obtenu une liste manuscrite de quatre pages reprenant les noms de 120 jeunes hommes exécutés en mars, avril et mai 1999 pour avoir pris part au soulèvement faisant suite à l’assassinat d’al-Sadr. Bien que ces pages ne portent pas de sceau officiel, les circonstances donnent fortement à penser qu’il s’agit d’un document authentique du gouvernement irakien datant de cette époque. 29 corps découverts dans un charnier en mai 2003 ont été identifiés par des proches des victimes comme étant des personnes reprises sur la liste. Les deux premières pages de la liste indiquaient que les exécutions avaient été ordonnées par le “Commandant du secteur sud” – qui, à l’époque, était Ali Hassan al-Majid.
En mai 2003, les restes de 34 hommes ont été exhumés d’un charnier près de Bassora. Des parents de victimes ont déclaré avoir identifié 29 de ces hommes. Des témoins ainsi que des proches de victimes ont confié à Human Rights Watch que des centaines de jeunes hommes arrêtés en mars 1999 après l’infatida provoquée par le meurtre d’al-Sadr avaient été sommairement exécutés et jetés dans des fosses communes à Bassora et dans les environs.
Al-Majid, surnommé “Ali le chimique” pour son rôle dans l’utilisation d’armes chimiques contre les Kurdes irakiens et les Iraniens, est détenu par les Américains en Irak depuis août 2003.
Al-Majid et d’autres anciens hauts fonctionnaires emprisonnés ont récemment été autorisés à bénéficier des conseils d’un avocat mais ils ont passé un an, voire plus, à subir des interrogatoires sans que des avocats de la défense ne soient présents. Même si le Tribunal spécial irakien interdit l’utilisation, lors d’un procès, de déclarations susceptibles d’avoir été arrachées sous la torture ou suite à des mauvais traitements, Human Rights Watch a souligné qu’il devrait également veiller à ce que ces déclarations ne soient en aucun cas utilisées contre un suspect, que ce soit pour fournir des indices dans le cadre de l’enquête ou pour le forcer à répéter un “aveu” devant la cour.
“Les crimes dont sont accusées ces personnes sont si graves qu’il est extrêmement important que ces procès se déroulent dans les meilleures conditions,” a expliqué Stork. “Le Tribunal spécial irakien doit garder son indépendance face aux pressions politiques et adhérer aux normes internationales.”
Human Rights Watch a appelé le Gouvernement transitoire irakien à abolir la peine de mort, un châtiment foncièrement cruel et inhumain.
“Le procès d’Al-Majid devrait être l’occasion de prouver que c’est la justice, et non la vengeance, qui règne dans la nouvelle Irak,” a ajouté Stork.
Human Rights Watch a appelé le nouveau Gouvernement transitoire irakien ainsi que ses alliés américains et britanniques à porter assistance aux nombreuses familles qui n’ont pas encore été en mesure de localiser les restes des êtres qui leur sont chers.