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(Washington D.C., le 13 janvier 2005) – Le système international de protection des droits humains a été considérablement fragilisé en 2004 par la crise au Darfour et le scandale d'Abou Ghraib, a déclaré Human Rights Watch à l'occasion de la publication, aujourd'hui, de son rapport mondial annuel.

Certes les deux menaces ne sont pas comparables, mais la vitalité des droits humains au niveau international dépendra de la fermeté de la réponse apportée dans chacun des cas—d'une part pour mettre un terme au massacre perpétré par le gouvernement soudanais au Darfour et d'autre part pour mener une enquête approfondie et poursuivre en justice tous les responsables des tortures et mauvais traitements en Irak, Afghanistan et Guantanamo.

“Le gouvernement américain est de moins en moins capable de faire pression pour que la justice soit respectée à l'étranger car il n'est pas lui-même disposé à ce que justice soit faite aux Etats-Unis,” a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch.

Human Rights Watch a appelé l'administration Bush à nommer un procureur spécial chargé de mener une enquête auprès des fonctionnaires américains qui ont participé à des actes de tortures ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et auprès de ceux qui les ont ordonnés ou occupaient des postes de commandement. Notre organisation a souligné que les hauts responsables de l'administration avaient cherché à rejeter la faute sur les jeunes soldats qu'ils avaient envoyés combattre en Irak et en Afghanistan, au lieu d'accepter d'assumer la responsabilité des politiques et des ordres qui ont affaibli les règles interdisant la torture et les traitements inhumains.

Le Rapport Mondial 2005 de Human Rights Watch contient des informations qui permettent de dresser un état des lieux des droits humains dans plus de 60 pays pour l'année 2004. Outre l'essai sur le Darfour et Abou Ghraib en introduction, l'ouvrage contient trois essais sur de vastes sujets: la religion et les droits humains, sexualité et violence culturelle à l'égard des droits humains ainsi qu'une analyse circonstanciée de la crise au Darfour.

Dans l'essai servant d'introduction au rapport, Roth explique qu'une large force militaire placée sous l'autorité de l'ONU est nécessaire pour protéger les habitants du Darfour et créer les conditions de sécurité qui leur permettraient de rentrer chez eux sans danger. Les Etats-Unis et d'autres gouvernements occidentaux, affirme-t-il, se trompent en voulant simplement renvoyer le problème devant l'Union africaine, une nouvelle institution qui dispose de peu de ressources et qui manque d'expérience pour mener des opérations militaires d'une telle envergure.

“Le Darfour tourne en dérision toutes nos promesses d'un ‘plus jamais ça’” a fait remarquer Roth.

Roth a également demandé que lorsque la Commission d'enquête des Nations Unies aura présenté au Conseil de Sécurité de l'ONU, le 25 janvier, son rapport sur les crimes commis au Darfour, le Conseil renvoie le dossier du Darfour devant la nouvelle Cour Pénale Internationale.

“Les crimes commis au Darfour ne doivent pas rester impunis,” a souligné Roth. “La Cour Pénale Internationale serait l'institution la plus efficace et la plus compétente pour poursuivre ces crimes. Les membres permanents du Conseil de Sécurité ne devraient pas s'opposer à ce que les responsables des massacres soient traduits en justice.”

Human Rights Watch a déclaré que la crise au Darfour requérait la participation des principales puissances militaires mais ces dernières ont choisi d'être aux abonnés absents. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie sont enlisés en Irak, les Américains allant jusqu'à dire qu' “aucune nouvelle action ne s'impose” alors qu'ils sont convaincus que les tueries au Darfour constituent un génocide. La France est engagée ailleurs en Afrique et le Canada, tout en promouvant la “responsabilité en matière de protection,” est en train de réduire sa participation aux opérations de maintien de la paix. L'OTAN est occupée en Afghanistan; l'Union européenne déploie des forces en Bosnie.”

“Chacun a quelque chose de plus important à faire que de sauver le peuple du Darfour,” a dénoncé Roth.

Pendant ce temps, l'usage systématique des interrogatoires coercitifs par le gouvernement américain a fragilisé un pilier du droit international des droits de l'homme—la règle selon laquelle les gouvernements ne devraient jamais soumettre des détenus à des tortures ou autres mauvais traitements, même en cas de guerre ou d'autre menace grave. Mais dans son combat contre le terrorisme, le gouvernement américain considère cette obligation primordiale comme une question de choix et non comme un devoir.

L'administration Bush a réagi aux attentats du 11 septembre en faisant abstraction des normes relatives aux droits humains et les gouvernements partout dans le monde ont beau jeu de citer l'exemple américain comme prétexte pour bafouer les droits humains. L'Egypte a justifié sa décision de renouveler sa problématique “loi d'urgence” en faisant référence à la législation antiterroriste américaine. La Malaisie justifie ses détentions sans procès en invoquant Guantanamo. La Russie mentionne Abou Ghraib pour rejeter la seule responsabilité des abus commis en Tchétchénie sur des militaires subalternes. Cuba fait maintenant valoir que Washington n'a “aucune autorité morale pour l'accuser” de violations des droits humains.

“Pour les gouvernements confrontés aux pressions américaines en matière de droits humains, il est aujourd'hui facile de renverser les rôles,” a expliqué Roth. “L'administration Bush peut difficilement défendre des principes qu'elle-même viole.”

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