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RD Congo : Des milices et l'armée menacent des civils au Sud-Kivu

L'armée devrait cesser son soutien aux groupes armés responsables d'exactions

Un manifestant tenait une pancarte où l'on pouvait lire en swahili : « [Général] Gasita, rentre chez toi. Uvira ne veut pas de toi ! » tandis que d'autres manifestants gesticulaient face à un soldat des Forces armées de la RD Congo lors d'une manifestation à Uvira, le 8 septembre 2025.  © 2025 AFP via Getty Images

(Nairobi) – Les forces militaires congolaises et une coalition de milices responsables d'exactions menacent la sécurité des civils à Uvira, dans la province du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Les milices, connues sous le nom de Wazalendo (« patriotes » en swahili), sont alliées à l'armée congolaise et s'opposent au groupe armé responsable d’abus M23, soutenu par le Rwanda, qui a pris le contrôle de certaines parties du Sud-Kivu. Les tensions liées à la nomination d'un nouveau commandant de l'armée ont exacerbé les inquiétudes concernant la protection des civils à Uvira. Les combattants Wazalendo ont harcelé, menacé, enlevé et restreint l'accès aux services essentiels aux membres de la communauté banyamulenge, des Tutsis congolais basés dans le Sud-Kivu, à Uvira, les accusant de soutenir le M23.

« La détérioration de la situation dans le Sud-Kivu reflète une dangereuse combinaison de défaillances de la gouvernance, de méfiance entre les forces armées et les groupes armés qui leur sont alliés, et de tensions ethniques croissantes », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les atrocités commises par toutes les parties au conflit mettent en évidence la nécessité pour les gouvernements concernés de faire pression pour protéger les civils et assurer un passage sûr à ceux qui fuient les combats. »

Début septembre, une grève générale et une manifestation menées par des combattants Wazalendo et des groupes de la société civile ont paralysé Uvira pendant huit jours. Des dirigeants Wazalendo se sont opposés au déploiement dans cette ville, le 1er septembre, du général Olivier Gasita Mukunda, membre de la communauté banyamulenge, alléguant qu'il avait collaboré avec le M23. Des médias ont rapporté qu'il avait depuis quitté la ville.

Le 2 septembre, des milices Wazalendo ont organisé des barrages routiers, en particulier le long d'une route principale menant à la frontière burundaise. Les services de transport, de commerce et d'éducation ont été largement interrompus jusqu'au 9 septembre. Le Burundi dépend d'Uvira pour le commerce de produits de première nécessité et de carburant dans un contexte de crise économique dévastatrice.

Selon des témoins, pendant plusieurs jours, des combattants Wazalendo ont empêché par intermittence aux gens de fuir à travers la frontière. Un agent des services frontaliers a déclaré à Human Rights Watch : « [Les Wazalendo] ne voulaient pas voir les gens fuir vers le Burundi. » Le 5 septembre, des combattants Wazalendo ont tiré avec des armes légères et de l'artillerie à l'intérieur d'Uvira, tuant un garçon de 8 ans, qui est mort lorsqu'un obus a frappé sa maison.

Le 8 septembre, les forces militaires congolaises ont ouvert le feu sur des manifestants non armés à Uvira qui protestaient contre le déploiement du général Gasita dans la ville. Les forces militaires ont tiré dans le dos de certaines personnes qui fuyaient, tuant un garçon de 8 ans et blessant au moins neuf civils, dont une fille de 11 ans.

Cette manifestation a fait suite à plusieurs mois de détérioration des relations entre l'armée congolaise et les Wazalendo, alimentée par des accusations mutuelles de corruption, d'infiltration et d'abandon des positions de première ligne.

« Certaines personnes ont essayé de se rendre dans la zone où se trouvait le général Gasita, mais cela leur a été interdit », a déclaré un dirigeant de la société civile. Human Rights Watch a vérifié et géolocalisé une vidéo montrant des manifestants fuyants alors que des coups de feu étaient tirés à environ 150 mètres de la mairie.

Les parties belligérantes dans l'est de la RD Congo ont fait de plus en plus appel aux préjugés ethniques, déclenchant des vagues de discrimination et d'abus. De nombreux abus commis par les Wazalendo ont visé les Banyamulenge, qui sont depuis longtemps accusés de soutenir le M23.

Human Rights Watch a examiné des enregistrements audio et vidéo de discours prononcés par les autorités qui ont alimenté la méfiance à l'égard du général Gasita et des Banyamulenge. Le 6 septembre, quatre combattants Wazalendo ont encerclé la maison d'un dirigeant de la société civile et membre de la communauté banyamulenge et ont tenté d'y pénétrer de force. Ils ont dit au garde : « Où est ce “Rwandais” ? Il est temps de l'éliminer » et l'ont accusé d'être lié au général Gasita. Les combattants sont partis après l'intervention d'une autorité locale.

Le 6 septembre, les autorités du Sud-Kivu ont écrit au vice-Premier ministre chargé de l'intérieur pour lui faire part de leurs préoccupations concernant l'intensification des tensions intercommunautaires visant les Banyamulenge, qui se sont vu refuser l'accès aux points d'eau, et pour lui demander son aide afin d'identifier, d'arrêter et d'expulser les individus qui tiennent des discours incendiaires et défient l'autorité de l'État. Le 11 septembre, une délégation de Kinshasa, dont le vice-Premier ministre chargé de l'Intérieur, s'est rendue à Uvira pour « réconcilier les communautés locales, apaiser les tensions et rétablir l'autorité de l'État », selon des médias.

Les tensions s'étaient intensifiées depuis le 25 août, lorsque des combattants Wazalendo avaient empêché les funérailles d'un colonel de l'armée issu de la communauté banyamulenge et de son épouse pendant plusieurs jours, et avaient volé certaines personnes présentes. « Ils ont dit qu'aucun « Rwandais » ne devrait être enterré ici à Uvira », a déclaré un témoin.

Le 6 septembre, le général Sylvain Ekenge, porte-parole de l'armée congolaise, a déclaré lors d'une conférence de presse : « Nous ne contrôlons pas les Wazalendo, les Wazalendo ne sont pas des militaires des FARDC [forces armées congolaises] », ajoutant : « Nous [l’armée] ne les gérons pas. »

Selon plusieurs témoins et des reportages des médias, le 8 septembre, au Burundi, la police et des jeunes du parti au pouvoir ont arrêté des centaines de réfugiés et de demandeurs d'asile congolais. On leur a donné le « choix » entre se rendre dans un camp officiel ou retourner en RD Congo, ce qu'ont fait environ 80 personnes. À Uvira, cependant, les rapatriés ont déclaré ne pas avoir reçu d'aide. Plus de 70 000 réfugiés ont fui l'est de la RD Congo vers le Burundi depuis janvier, lorsque les forces rwandaises et le M23 ont lancé une offensive sur Goma et Bukavu, les capitales du Nord et du Sud-Kivu.

Tous les gouvernements de la région devraient donner la priorité à la nécessité d'assurer un passage sûr aux civils pour qu'ils puissent échapper aux combats, a déclaré Human Rights Watch.

En mai, Human Rights Watch a documenté des cas où des combattants Wazalendo ont battu, tué et extorqué des civils, parfois pour des raisons ethniques. Malgré les inquiétudes croissantes concernant le manque de commandement et de contrôle de l'armée congolaise sur les Wazalendo, elle a continué à lui fournir des armes, des munitions et un soutien financier.

Les responsables qui fournissent sciemment des armes à des groupes armés responsables d'abus peuvent être considérés complices des crimes qu'ils commettent, a déclaré Human Rights Watch.

Les Banyamulenge sont depuis longtemps victimes de discrimination, d'exclusion et de violences ciblées en RD Congo. Depuis les années 1990, les dirigeants politiques congolais et les groupes armés remettent en question la citoyenneté de cette communauté et la présentent comme étrangère, alimentant ainsi des persécutions récurrentes. Depuis la fin des guerres du Congo en 2003, les cycles de conflits armés dans le Sud-Kivu ont continué à exposer les civils banyamulenge à la violence, en particulier à mesure que les conflits fonciers, sur la représentation politique et liés au contrôle des ressources s'intensifiaient. Les milices maï-maï ont commis une grande partie de ces violences.

La résurgence du M23 fin 2021 a conduit ces groupes armés et d'autres à former les Wazalendo pour lutter contre le M23. Le gouvernement rwandais a de plus en plus utilisé les incidents anti-Banyamulenge et anti-Tutsi pour justifier son soutien au M23 et présenter ses opérations militaires comme visant à protéger la communauté banyamulenge.

Les autorités congolaises devraient condamner publiquement les harcèlements et attaques à caractère ethnique et agir pour les prévenir, notamment en enquêtant et en poursuivant de manière appropriée tous les responsables. Le gouvernement devrait également interdire les pratiques discriminatoires susceptibles d'entraîner de nouveaux abus, a déclaré Human Rights Watch.

Les autorités congolaises devraient mettre fin à leur soutien aux Wazalendo et veiller à ce que les responsables d'exécutions illégales et d'autres abus soient traduits en justice dans le cadre de procédures judiciaires équitables et transparentes. Les commandants qui avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance des graves abus commis par les forces sous leur contrôle et qui n'ont pas pris les mesures appropriées pourraient être poursuivis en vertu de la responsabilité du commandement.

« Les civils de l'est de la RD Congo sont pris entre plusieurs forces et groupes armés, souvent sans savoir clairement qui est responsable de leur sécurité », a déclaré Clémentine de Montjoye. « Le gouvernement congolais devrait veiller à ce que ses forces armées prennent l'initiative de protéger les civils, de fournir les biens et services de base et de mettre fin à la discrimination ethnique et aux violations. »

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