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Émirats arabes unis : 24 accusés condamnés à la prison à vie

Le Procureur général des EAU avait fait appel d’un précédent jugement de non-lieu prononcé à l’égard des 24 activistes

Le ministre émirati de l’Industrie et des technologies innovantes, Sultan Ahmed al-Jaber, prononçait un discours à Abu Dhabi le 16 janvier 2023. Par la suite, Al-Jaber a présidé la conférence sur le climat COP28 qui s’est tenue à Dubaï fin 2023. Durant la COP28, les autorités des EAU ont engagé des poursuites contre de nombreux activistes émiratis. © 2023 AP Photo/Kamran Jebreili

(Beyrouth) – Les récentes condamnations de 24 accusés à la réclusion à perpétuité aux Émirats arabes unis ont été prononcées à l'issue d'un procès collectif fondamentalement inéquitable, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le 26 juin, la Chambre criminelle de la Cour suprême fédérale a annulé un précédent jugement de non-lieu rendu à l’égard des 24 accusés, et les a condamnés à la réclusion à perpétuité. Ils étaient visés depuis 2023 par des accusations liées au terrorisme en vertu de la loi antiterroriste émiratie, qui est entachée de graves irrégularités.

Le jugement du 26 juin signifie que 83 des 84 accusés ont été reconnus coupables dans le cadre du procès collectif ; c’était auparavant le cas pour 53 accusés. Parmi les 83 personnes reconnues coupables, 67 ont été condamnées à la réclusion à perpétuité. Parmi les 84 accusés renvoyés en jugement en décembre 2023, une personne a apparemment été acquittée, mais Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer son identité.

Le 10 juillet 2024, la Cour d'appel fédérale d'Abou Dhabi a condamné 53 accusés à des peines allant de 10 ans de prison à la réclusion à perpétuité, à l'issue d'un procès collectif inéquitable – deuxième en termes de taille aux Émirats arabes unis – entaché de violations des garanties procédurales. La Cour a aussi classé sans suite les affaires concernant 24 autres accusés, mais le Procureur général des Émirats a ensuite fait appel de ces 24 décisions, qui ont été annulées le 26 juin dernier.

« Ce procès collectif, deuxième en termes de taille aux Émirats arabes unis, aurait été tenu pour lutter contre le terrorisme ; mais en réalité il a simplement fait partie des efforts incessants du gouvernement pour empêcher la réémergence d’une société civile indépendante dans ce pays », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Punir l’activisme non violent avec des peines de prison à vie reflète le profond mépris d'Abou Dhabi à l’égard de critiques pacifiques, et de l’état de droit. »

En décembre 2023, tout en accueillant la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), les autorités émiraties ont poursuivi au moins 84 personnes liées à la création en 2010 d'une organisation indépendante de défense des droits. Plusieurs accusés purgeaient déjà des peines de prison pour des infractions identiques ou similaires. Ce procès collectif inéquitable a été entaché de graves violations des garanties procédurales et de normes relatives à un procès équitable. Parmi ces violations figuraient un accès restreint aux documents et aux informations concernant les accusations, une assistance juridique limitée, des propos de juges visant à influencer les témoignages, des violations du principe de double incrimination, des allégations crédibles de graves abus et de mauvais traitements, ainsi que des audiences tenues à huis clos. 

Selon une déclaration publiée en janvier 2024, les autorités émiraties ont accusé les 84 hommes d'avoir créé et dirigé le Comité pour la justice et la dignité, qualifiée d’organisation terroriste clandestine par les autorités. Ces accusations étaient portées en vertu de la loi antiterroriste abusive de 2014, qui prévoit des peines allant jusqu'à la prison à vie, voire la peine de mort, pour quiconque crée, organise ou dirige une organisation « terroriste ».

En juillet 2024, d'éminents activistes tels qu'Ahmed Mansoor (membre du conseil consultatif de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord) et l'universitaire Nasser bin Ghaith étaient jugés lors du procès collectif ; chacun a été condamné à 15 ans d'emprisonnement.

Étant donné que les accusations reposaient uniquement sur l'exercice pacifique par les accusés de leurs droits humains et que les condamnations ont été prononcées à l'issue d'un procès fondamentalement inéquitable, les autorités émiraties devraient immédiatement annuler les condamnations et libérer tous les accusés, a déclaré Human Rights Watch.

En mars 2025, un tribunal émirati a rejeté les appels des 53 défenseurs des droits humains et dissidents politiques condamnés en juillet 2024, confirmant leurs condamnations injustes et leurs peines abusives. Le 1er mars, l'agence de presse officielle des Émirats arabes unis (Wakalat Anba'a al Emarat, WAM), avait annoncé que la Chambre chargée des affaires de la sécurité de l'État, une division de la Cour suprême fédérale, rendrait son verdict d'appel le 4 mars. L'audience du 4 mars était la première et unique audience en appel. Aucun des détenus n'était présent et seul l'un des avocats des accusés a pu assister à l'audience, selon le Centre de défense des droits humains des Émirats arabes unis (Emirates Detainees Advocacy Center, EDAC), qui soutient les défenseurs des droits emprisonnés dans ce pays.

Peu d’informations sont disponibles sur la situation des 53 activistes emprisonnés, la plupart étant privés de la possibilité de visites ou d'appels téléphoniques de leurs familles, a déclaré l'EDAC. « D'après ce que nous avons entendu, ils ne sont plus détenus à l'isolement, mais rien n'est confirmé en l’absence de sources fiables d'information », a déclaré un proche. « Il n'existe aucun moyen réel d'obtenir des informations. Nous pensons qu'il s’est agi d'un simulacre de procès. »

Parmi les 84 accusés, au moins 60 personnes avaient déjà été condamnées en 2013 dans le cadre d’un précédent procès collectif visant 94 personnes ; ils étaient déjà visés en raison de leur implication dans le Comité pour la justice et la dignité, a déclaré l'EDAC. En 2013, ce procès collectif dénommé « UAE 94 », manifestement inéquitable, avait abouti à la condamnation de 69 détracteurs du gouvernement, dont huit par contumace, en violation de leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion. Ces 69 accusés faisaient partie de 94 personnes détenues à partir de mars 2012, dans le cadre d'une vague d'arrestations arbitraires, dans un contexte de répression sans précédent contre la dissidence.

« Les autorités émiraties devraient annuler ces condamnations et libérer les accusés immédiatement et sans condition », a conclu Joey Shea.

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