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Libye : Le rôle de la CPI est essentiel pour obtenir justice

Un briefing va être présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, alors que l’état de droit est attaqué de toutes parts dans le monde

Les Ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies participaient à une session du Conseil au siège de l’ONU à New York, le 17 juillet 2023. © 2023 Spencer Platt/Getty Images

(New York) - Le briefing sur la Libye que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) présentera au Conseil de sécurité des Nations Unies met en lumière le rôle essentiel de la Cour pour rendre la justice dans ce pays, dans un contexte de tentatives visant à affaiblir le mandat mondial de la CPI, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 15 mai, le Procureur de la CPI, Karim Khan, présentera au Conseil de sécurité son rapport semestriel sur l’enquête menée par son bureau en Libye. 

Ce briefing aura lieu quelques mois après la signature par le président américain Donald Trump, le 6 février, d’un décret à vaste portée qui autorise des sanctions ciblant le travail de la Cour. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait saisi le premier Procureur de la CPI de la situation en Libye le 26 février 2011, quelques jours après le début de la révolution qui a renversé l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Le bureau du Procureur a ouvert son enquête le 3 mars 2011. 

« La CPI joue un rôle essentiel pour que la justice soit rendue en Libye où, depuis plus d’une décennie, des groupes armés et des forces de quasi-sécurité se livrent en toute impunité à des abus », a déclaré Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les États membres de la CPI, notamment ceux qui font partie du Conseil de sécurité, devraient réaffirmer leur soutien à la Cour et condamner toute tentative d’entraver son travail essentiel. » 

En novembre 2023, Karim Khan a annoncé que son bureau avait l’intention de terminer ses travaux d’enquête en Libye d’ici fin 2025, ce qui signifie qu’il ne chercherait pas à obtenir d’autres mandats d’arrêt après cette date. Des organisations de la société civile, dont Human Rights Watch, ont alors signalé les préoccupations que soulevait ce calendrier, évoquant le manque de coopération effective des autorités libyennes, l’absence de poursuites nationales crédibles pour les crimes graves qui continuent d’être commis en toute impunité partout dans le pays et l’absence de contrôle international qui règne depuis que le mandat de la mission indépendante d’établissement des faits des Nations Unies sur la Libye s’est achevé, en mars 2023.

La résolution du Conseil de sécurité saisissant le Procureur de la CPI de la situation en Libye exige que les autorités libyennes coopèrent avec la CPI, c’est-à-dire qu’elles arrêtent toute personne recherchée par la CPI et présente en Libye et la lui remettent. Ne disposant pas de sa propre force de police, la CPI s’en remet aux États pour l’exécution de ses mandats d’arrêt.

La CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de 12 personnes en relation avec la situation en Libye. Ces affaires concernent des crimes qui auraient été commis pendant la révolution de 2011, des crimes liés aux hostilités de 2014-2020 en Libye et des crimes commis dans des centres de détention, notamment à l’encontre de migrants. Trois des personnes recherchées sont décédées et huit sont toujours en fuite. Enfin, les juges de la CPI ont déclaré l’affaire contre Abdullah Al-Senussi, ancien chef des renseignements sous Kadhafi, irrecevable devant la Cour. 

Depuis 2011, les autorités intérimaires et les gouvernements libyens successifs n’ont arrêté et remis à la CPI aucun suspect se trouvant sur le territoire libyen, ce qui limite les progrès en matière de justice. Le Conseil de sécurité n’a pas répondu aux demandes de soutien que lui ont adressées les juges de la CPI pour assurer la coopération de la Libye.

Le 19 janvier 2025, Osama Elmasry Njeem, recherché par la CPI pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Libye, notamment contre des migrants, a été arrêté en Italie. Deux jours plus tard, il était libéré par les autorités italiennes pour des « raisons de procédure » liées à l’arrestation et renvoyé en Libye à bord d’un avion de l’État italien. L’Italie pourrait maintenant faire l’objet d’une constatation de non-coopération dans le cadre des obligations qui lui incombent en tant que membre de la CPI, constatation qui pourrait alors être transmise à l’Assemblée des États parties de la CPI ou au Conseil de sécurité pour action ultérieure. Les autorités libyennes n’ont pas arrêté Osama Elmasry Njeem à son arrivée, alors qu’elles étaient tenues de le faire, et n’ont fait aucun commentaire sur son statut.

Les États membres du Conseil de sécurité et de la CPI devraient s’engager à soutenir le mandat de la CPI en Libye, notamment en veillant à ce que celle-ci coopère efficacement avec la Cour et en appliquant les conclusions de non-conformité prononcées par ses juges, a déclaré Human Rights Watch.

Le décret signé par le président Trump le 6 février autorise le gel des avoirs et l’interdiction d’entrée sur le territoire des fonctionnaires de la CPI et d’autres personnes soutenant les travaux qu’elle mène dans le cadre d’enquêtes auxquelles les États-Unis s’opposent. L’administration Trump a déjà imposé des sanctions au Procureur de la CPI.

Le décret indique clairement que cette administration cherche à protéger les représentants des États américain et israélien contre les accusations de crimes graves de la CPI. En novembre 2024, les juges de la CPI ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et de l’ancien ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés à Gaza. 

Lors de son premier mandat, le président Trump avait imposé des sanctions contre la Procureure de la CPI de l’époque, Fatou Bensouda, et contre un autre haut fonctionnaire de la Cour suite à la décision de Mme Bensouda de demander l’autorisation d’ouvrir une enquête sur la situation en Afghanistan qui aurait pu concerner des ressortissants américains. L’administration Biden avait annulé les sanctions.

« Les États membres de la CPI devraient exhorter l’administration Trump à annuler son décret et condamner son attaque contre la Cour pour ce qu’elle est : un affront au principe de l’état de droit mondial », a conclu Balkees Jarrah. « Les sanctions sont un outil à utiliser contre les responsables des crimes les plus graves, et non contre ceux qui cherchent à rendre la justice au nom des victimes d’abus ».

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