- L'intensification des impacts du changement climatique aux Îles Salomon a déplacé les membres de la communauté Walande, parmi d’autres, menaçant leurs droits économiques, sociaux et culturels.
- Les membres de cette communauté ont quitté leur petite île pour se réinstaller sur la grande île de Malaita, en raison de la montée du niveau de la mer et de l'intensification des tempêtes. Mais ils demeurent confrontés à des menaces constantes liées aux impacts climatiques, à l'insécurité foncière, à un accès limité à la terre et à un soutien insuffisant.
- Le gouvernement des Îles Salomon devrait mettre en œuvre ses Directives sur la planification de réinstallations, en priorisant l'aide en fonction des besoins. Le gouvernement et les pays à revenu élevé devraient accroître le financement et l'assistance technique aux communautés menacées par le changement climatique, afin de faciliter leur éventuelle réinstallation d’une manière respectueuse de leurs droits.
(Honiara, Îles Salomon)– L'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon, ainsi que d’autres impacts climatiques aggravés par l'insécurité foncière, l'accès limité à la terre et l'insuffisance du soutien gouvernemental, compromettent les droits de la communauté autochtone Walande, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Malgré leur décision de quitter l’île où ils vivaient afin d’échapper aux effets du changement climatique, les membres de cette communauté sont toujours exposés à divers risques.
Le rapport de 66 pages, intitulé « “There’s Just No More Land”: Community-led Planned Relocation as Last-resort Adaptation to Sea Level Rise in Solomon Islands » (« “Il n'y a plus de terre” : La réinstallation d’une communauté due à l'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon »), explique pourquoi les membres de la communauté Walande ont pris la décision difficile de se réinstaller après des décennies d'adaptation au changement climatique, comment ils l’ont fait sans aide adéquate du gouvernement ni assistance internationale, et comment leurs droits économiques, sociaux et culturels continuent d’être menacés. Human Rights Watch a constaté que le gouvernement des Îles Salomon a pris certaines mesures importantes pour soutenir les communautés confrontées aux impacts les plus graves de la crise climatique, notamment en adoptant des Directives sur la planification de réinstallations, mais qu'il ne les a pas encore pleinement mises en œuvre.
« L'histoire de la communauté Walande devrait servir d’avertissement : les communautés ne peuvent pas faire face à la crise climatique, toutes seules », a déclaré Erica Bower, chercheuse à Human Rights Watch sur les déplacements liés à la crise climatique. « Le gouvernement des Îles Salomon pourrait jouer un rôle de leader mondial en matière de réinstallation planifiée d’une manière respectueuse des droits, mais seulement en appliquant d’urgence ses propres directives et en soutenant de façon adéquate les communautés déplacées par la crise climatique. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 130 personnes : des membres de la communauté Walande, des habitants d'autres villages côtiers aux Îles Salomon, des responsables gouvernementaux, et divers experts ; Human Rights Watch a aussi analysé des images satellite, des données sur l'aide à la réinstallation, ainsi que d’autres documents.
La communauté Walande compte environ 800 personnes qui vivent sur la côte sud de Malaita, l’une des Îles Salomon. Jusqu'au milieu des années 2010, cette communauté vivait sur un petit îlot au large de de Malaita. Pendant des décennies, même après que leur îlot fut frappé par des cyclones et des tempêtes, les habitants reconstruisaient leurs maisons et tâchaient de s'adapter à leur environnement. Toutefois, suite aux marées dévastatrices de 2009, toute la communauté a fini par se réinstaller sur l’île de Malaita voisine.
L'expérience vécue par la communauté Walande met en lumière les dangers liés au manque de soutien par le gouvernement et par des donateurs internationaux à un tel projet de réinstallation. Malgré leur demande d'aide, les membres de la communauté ont en grande partie financé et exécuté leur réinstallation eux-mêmes. Cette réinstallation n'a toutefois permis qu'une sécurité à court terme. L'eau de mer brise déjà les digues censées protéger leur nouveau site, et est en train de détruire les sources de leur alimentation traditionnelle.
Comparaison entre deux images satellite (mai 2010 et juin 2024)
La communauté Walande ne dispose que de fonds limités pour se protéger de l'élévation du niveau de la mer sur son nouveau site, sur l’île de Malaita ; ses droits fonciers y sont précaires, et elle n'a pas accès à d'autres terres plus éloignées de la mer. Certains membres envisagent une nouvelle relocalisation. « Nous cherchons à nouveau des terres situées a un niveau plus élevé », a expliqué un membre de la communauté.
Les femmes de la communauté de Walande sont particulièrement préoccupées, car leur contrôle sur les terres est limité par le système foncier patriarcal de la province de Malaita. Quelques femmes ont déclaré que des dirigeants communautaires les avaient même poussées à se marier en dehors de leur communauté, afin de mieux s’adapter à ces circonstances difficiles.
Une réinstallation planifiée est une mesure d'adaptation de dernier recours comportant de graves risques. Toute planification doit respecter les principes des droits humains, tels que le consentement éclairé des membres de la communauté concernée, comme celle de Walande, et prévoir leur participation à toutes les étapes du processus. Le nouveau site d'installation d'une communauté doit permettre à ses membres de bénéficier de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
En vertu du droit international, le gouvernement des Îles Salomon a l'obligation de protéger les communautés contre les risques climatiques prévisibles en prenant des mesures d’adaptation respectueuses de leurs droits, notamment les droits autochtones, les droits fonciers coutumiers et les droits des femmes. En 2022, le gouvernement des Îles Salomon a adopté des Directives sur la planification de réinstallations, qui établissent en théorie un cadre solide pour respecter ces obligations. Mais tant que ces Directives ne sont pas opérationnelles, les populations réinstallées ou en cours de réinstallation restent exposées aux effets du changement climatique, et aux risques pour leurs droits humains.
Le gouvernement des Îles Salomon devrait pleinement mettre en œuvre ces Directives, notamment en établissant un plan d'évaluation à l'échelle nationale afin d'identifier les communautés les plus exposées aux risques climatiques, et de prioriser les mesures de soutien en fonction de leurs besoins. Le gouvernement devrait également augmenter le financement des relocalisations communautaires, en veillant à ce que les fonds couvrent non seulement les coûts de reconstruction des logements et de mesures sécuritaires, mais aussi la garantie de l'ensemble des droits, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et du patrimoine culturel.
En vertu du droit international relatif au climat et aux droits humains, les pays les plus développés ont l'obligation de soutenir l'adaptation des pays les moins développés, comme les Îles Salomon, au changement climatique. Pourtant, entre 2011 et 2021, les habitants des Îles Salomon n'ont reçu une aide internationale que de 20 dollars US en moyenne par an, pour faciliter leur adaptation au changement climatique.
Quelques pays ont commencé à soutenir les efforts d'adaptation menés par les communautés affectées, notamment l'Australie qui a cofinancé la mise en place du nouveau site de la communauté Walande. Cependant, les donateurs internationaux devraient rapidement intensifier leur assistance financière et technique afin de garantir que les Îles Salomon puissent répondre au changement climatique, et que les communautés en première ligne, comme celle de Walande, puissent s'adapter sur place ou se relocaliser en protégeant leurs droits, a déclaré Human Rights Watch.
Un rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais) prévoit qu'« à mesure que le risque climatique s'intensifie, le besoin de relocalisations planifiées augmentera ». Tout pays doté d'un littoral devrait, au minimum, anticiper ce défi, en tirant les leçons des relocalisations menées par les communautés comme celle de Walande, et mettre en place des politiques comme l’adoption de directives semblables à celles élaborées aux Îles Salomon.
« Le soutien aux communautés qui sont en première ligne face à la crise climatique est déjà urgent, et ne fera que devenir plus impératif », a conclu Erica Bower. « Relever ces défis croissants ne sera pas possible sans mettre en œuvre des politiques axées sur les droits humains. »
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