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Panama : Renforcer le soutien à la réinstallation d’une communauté autochtone

Malgré l’élévation du niveau de la mer affectant l’île surpeuplée de Gardi Sugdub, le gouvernement tarde à agir

  • L’élévation du niveau de la mer et le manque d’espace habitable menacent les droits des habitants de la minuscule île de Gardi Sugdub, et ceux d’autres communautés autochtones du littoral du Panama.
  • Cette communauté a planifié sa réinstallation vers un site continental plus sûr depuis plus d’une décennie, mais le soutien promis de longue date par le gouvernement a été repoussé.
  • Le Panama devrait fournir un soutien immédiat à la communauté de Gardi Sugdub pour qu’elle puisse achever sa réinstallation dans la dignité, et s’appuyer sur les enseignements de cette expérience pour élaborer une politique nationale de respect des droits humains lors des futures réinstallations provoquées par le changement climatique.

(Panama) – L’élévation du niveau de la mer et le manque d’espace habitable menacent les droits du peuple autochtone Guna qui vit sur la petite île panaméenne de Gardi Sugdub, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Cette communauté a commencé à planifier sa réinstallation sur le territoire continental du Panama en 2010, mais n’a pas encore été en mesure de le faire.

Le rapport de 52 pages, intitulé « ‘The Sea is Eating the Land Below Our Homes’ : Indigenous Community Facing Lack of Space and Rising Seas Plans Relocation » (« “La mer dévore le sol sous nos maisons” : Réinstallation prévue d’une communauté autochtone confrontée à la montée des eaux et au manque d’espace »), documente les origines du projet de réinstallation de la communauté de Gardi Sugdub, l’insuffisance du soutien du gouvernement ainsi que les délais qui ont laissé les habitants dans une impasse. Human Rights Watch a constaté que malgré certains aspects exemplaires du soutien apporté à cette communauté par le gouvernement panaméen et par la Banque interaméricaine de développement, une action urgente demeure toutefois nécessaire pour garantir le respect des droits des personnes devant être réinstallées.

« Le Panama devrait tenir ses promesses et fournir un soutien immédiat à la communauté de Gardi Sugdub, afin qu’elle puisse se réinstaller dans la dignité », a déclaré Erica Bower, chercheuse sur les déplacements liés au changement climatique auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch et autrice du rapport. « Le gouvernement devrait saisir cette occasion et créer un plan qui puisse servir de modèle pour d’autres communautés côtières au Panama, et ailleurs dans le monde, qui sont confrontées à la crise du changement climatique. »

Le rapport s’appuie sur plus de 40 entretiens réalisés avec des membres de la communauté de Gardi Sugdub et d’autres personnes impliquées dans le processus de relocalisation.

Vue aérienne de la petite île panaméenne de Gardi Sugdub, territoire densement peuplé qui fait partie de la région de Guna Yala dans le nord du Panama. © 2018 Michael Adams

L’île de Gardi Sugdub, située près de la côte nord du Panama, est un minuscule territoire, plat et densément peuplé, où habitent environ 1 300 personnes. Cette île, qui fait partie de la région autonome de Guna Yala, abrite le peuple autochtone Guna depuis plus d’un siècle. À l’origine, cette île était un refuge pour des personnes fuyant les restrictions coloniales au Panama ainsi que les maladies transmises par les moustiques dans la partie continentale de ce pays ; mais aujourd’hui, l’île fait face à de nouveaux défis. Il n’y a aucune possibilité d’expansion, et les inondations rendent déjà la vie plus difficile pour les insulaires, affectant leurs droits à un logement adéquat, à la santé, à l’éducation et à la culture. La montée du niveau des eaux est inévitable, selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, ou IGCC en anglais), menaçant l’habitabilité à long terme de l’île et incitant la communauté Guna à choisir la réinstallation sur le continent comme mesure de dernier recours.

Après plusieurs dates-butoirs déjà manquées pour cette relocalisation, le président panaméen Laurentino Cortizo avait promis que le nouveau site au Panama serait prêt le 25 septembre 2023, selon les membres de la communauté. Le ministère du Logement a récemment repoussé à nouveau la date à février 2024. La nouvelle échéance est la dernière d’une série de promesses non tenues qui incluent un hôpital partiellement construit, mais maintenant abandonné, et des progrès insignifiants dans la construction d’une école. Les autorités n’ont pas fourni une explication complète des retards à tous les membres de la communauté, qui ont demandé davantage de transparence et craignent de plus en plus que le nouveau calendrier ne soit pas respecté.

« Le gouvernement ne respecte pas ce qu’il a convenu pour ce projet. Regardez ce retard. Ce n’est pas juste », a confié un leader communautaire impliqué dans le processus. Il n’est pas seul. Un aîné a déclaré : « Je ne verrai peut-être même pas cette relocalisation se faire de mon vivant. Tous les autres dirigeants qui ont lancé le projet sont morts dans ce processus. »

Human Rights Watch a constaté que, sans une action rapide du gouvernement, les conditions sur le nouveau site pourraient menacer les droits des personnes à un niveau de vie adéquat, au logement, à l’eau, à la santé, à l’éducation et à la culture. Les plans de gestion de l’eau et de l’assainissement, comme de la collecte des déchets sur le site de réinstallation et à l’école voisine en construction, sont inadéquats. Le nouveau site subit une érosion lors d’inondations et manque d’ombre pour se protéger des températures élevées. En avril, l’emplacement prévu pour un petit centre de soins n’était toujours pas prêt pour la construction.

Par ailleurs, certains membres de la communauté de Gardi Sugdub souhaitent rester sur l’île et ont besoin d’un accès continu aux services de base, notamment les soins de santé, l’éducation et l’électricité. D’autres ont l’intention de faire régulièrement la navette entre l’île et le continent pour des raisons liées à leurs moyens de subsistance ou culturelles, et ont besoin d’un meilleur accès aux transports.

Le cas de l’île de Gardi Sugdub n’est pas unique : 38 communautés au Panama pourraient avoir besoin d’être relocalisées en raison du surpeuplement et de l’élévation du niveau de la mer. Plus de 400 communautés dans le monde ont achevé ou entreprennent de se réinstaller en raison de risques de catastrophes naturelles, notamment ceux dont la fréquence et l’intensité devraient augmenter à cause du changement climatique. Le cas de Gardi Sugdub est l’occasion de tirer des leçons importantes sur le processus de réinstallation d’autres communautés, selon Human Rights Watch.

La planification d’une réinstallation est une mesure d’adaptation de dernier recours comportant des risques considérables, ce qui rend essentiel de respecter des principes tels que la participation significative, le consentement éclairé et la non-discrimination. Et surtout, les communautés comme celles de Gardi Sugdub devraient pouvoir jouer un rôle de premier plan à tous les stades du processus de relocalisation.

Certains gouvernements, comme ceux de Fidji et des Îles Salomon – deux nations insulaires de l’océan Pacifique – ont élaboré des politiques de réinstallation planifiée, mais à ce jour aucun pays des Amériques n’a suivi leur exemple. Le Panama devrait tirer les leçons de son expérience à Gardi Sugdub et concevoir la première politique nationale de sauvegarde des droits lors d’une telle réinstallation, dans la région des Amériques.

La communauté internationale devrait également s’appuyer sur les enseignements tirés du type de soutien au niveau local apporté par la Banque interaméricaine de développement aux habitants de Gardi Sugdub. Elle a fourni un soutien important au projet de 2018 à 2023 ; cette aide prendra toutefois fin, ce mois-ci. Compte tenu de la complexité des réinstallations planifiées, le soutien des banques de développement et d’autres institutions internationales nécessite des délais prolongés, ainsi qu’un système régulier de suivi et d’évaluation.

La relocalisation des habitants de Gardi Sugdub est prévue peu après que le GIEC, la principale autorité mondiale concernant les changements climatiques, a constaté qu’« à mesure que le risque climatique s’intensifie, le besoin de relocalisations planifiées augmentera ». Cette réalité exige de tirer des enseignements issus des expériences de réinstallation communautaire, comme celle de Gardi Sugdub.

« Les gouvernements du monde entier devraient planifier leurs mesures de réinstallation de manière anticipée, inclusive et respectueuse des droits afin d’éviter des violations prévisibles à l’avenir », a conclu Erica Bower.

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