La semaine dernière, l’Afrique du Sud a payé le lourd tribut subi par les pays dont les soldats sont engagés dans un conflit qui a bouleversé la vie de millions de Congolais.
Les Forces de défense nationale sud-africaines ont confirmé le 27 janvier que trois autres soldats avaient été tués dans des combats à proximité de l’aéroport de Goma, la capitale du Nord-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo, alors que la ville est tombée aux mains du M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda. Cela porte à 14 le nombre de soldats sud-africains tués dans l’est de la RD Congo au cours des 10 derniers jours.
Ces soldats faisaient partie de la force régionale de la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC) dans l’est de la RD Congo, qui est déployée aux côtés d’une mission de l’ONU. Trois soldats malawiens et un Casque bleu uruguayen ont été tués plus tard dans la semaine lors de combats à l’extérieur de la ville. La force de la SADC a été déployée pour combattre le M23 en décembre 2023.
Depuis la fin de l’année 2021, le M23 a commis des exécutions extrajudiciaires, des viols et d’autres crimes de guerre dans la région. Human Rights Watch a documenté que, depuis le début de l’année 2024, le M23 a fréquemment attaqué des camps de déplacés et des villes densément peuplés à l’ouest de Goma avec de l’artillerie lourde et d’autres armes explosives, tuant et blessant des civils, endommageant des infrastructures civiles et exacerbant une crise humanitaire déjà catastrophique.
L’armée congolaise et ses alliés ont également commis de graves abus, y compris des meurtres illégaux et des viols, contre des civils.
Les victimes de violences – qu’elles soient perpétrées par des armées nationales ou des groupes armés – expliquent à Human Rights Watch depuis des décennies qu’elles souhaitent que justice soit rendue.
Ce n’est pas la première fois que le M23 constitue une menace militaire dans l’est de la RD Congo. À la fin de l’année 2012, le groupe armé avait pris le contrôle de Goma pendant environ cinq semaines, exécutant ceux qu’il percevait comme ses ennemis sous couvert de vouloir assurer la sécurité.
Comme d’autres groupes armés soutenus par le Rwanda avant lui, le M23 prétend protéger la minorité tutsie de la région. Toutefois, sa résurgence a engendré davantage de violence et de crimes de haine contre les Tutsis congolais. Par ailleurs, ces revendications masquent les motivations économiques évidentes du gouvernement rwandais qui aide le groupe armé à s’emparer des sites miniers.
De nombreux rapports de l’ONU et de médias, ainsi que les recherches de Human Rights Watch, indiquent que le Rwanda est la principale force derrière le groupe M23, responsable de nombreux abus. Le Rwanda dispose de milliers de soldats lourdement armés dans l’est de la RD Congo. Selon l’ONU, le M23 et les forces rwandaises ont déployé des missiles sol-air, des véhicules blindés et des forces spéciales lors de combats contre l’armée congolaise, ses alliés, les forces internationales et les Casques bleus de l’ONU.
L’implication du Rwanda n’est pas un secret : l’Afrique du Sud, les États-Unis, le Royaume-Uni et certains États membres de l’UE ont condamné le soutien manifeste du Rwanda au M23 la semaine dernière au Conseil de sécurité de l’ONU. L’ambassadeur d’Afrique du Sud a également appelé à la reprise des efforts de paix régionaux.
Lorsque le M23 a pris le contrôle de Goma en 2012, il a fallu une forte pression internationale, menée sous le leadership des États-Unis, pour pousser le président rwandais Paul Kagame à retirer son soutien au groupe. Une telle pression semble faire défaut aujourd’hui.
De nombreux gouvernements et observateurs cherchent plutôt une résolution de la crise au moyen des pourparlers de paix régionaux, menés sous les auspices de l’Union africaine. Les initiatives régionales comprennent à la fois le processus de Luanda, relancé en 2022 pour promouvoir le dialogue entre le Rwanda et la RD Congo et dirigé par le président angolais João Lourenço, et le processus de Nairobi, créé en 2022, qui vise à faciliter le dialogue entre le gouvernement congolais et les groupes armés et est soutenu par la Communauté d’Afrique de l’Est (East African Community).
Les deux initiatives, qui tentent d’établir une forme de paix durable, sont pour le moment au point mort : un cessez-le-feu en 2024 a presque immédiatement été violé alors que le M23 a conquis d’autres territoires au cours des six mois qui ont suivi.
Mais la récente prise de Goma par le M23 leur confère une nouvelle urgence. Selon les médias, le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est entretenu avec Paul Kagame le 28 janvier, et les deux dirigeants auraient convenu que des pourparlers de paix étaient nécessaires. Les débuts de ces efforts diplomatiques ont toutefois été marqués par des difficultés, puisque Cyril Ramaphosa et Paul Kagame ont chacun remis en question les intentions de l’autre.
La situation est désastreuse pour les civils piégés par l’avancée du M23. Les forces du M23 et du Rwanda gagnent du terrain dans le Sud-Kivu et d’autres groupes armés continuent de commettre des abus contre des civils dans la province de l’Ituri, au nord. Des centaines de milliers de personnes nouvellement déplacées à Goma sont confrontées à l’incertitude, car le M23 a démantelé des camps de déplacés, affirmant qu’ils ne sont plus nécessaires. Toutes les parties doivent faciliter la livraison de denrées alimentaires et de fournitures médicales à ceux qui en ont le plus besoin.
Cette fois, les initiatives africaines en faveur de la paix devraient s’attaquer directement aux cycles de violence et d’impunité au cœur du conflit. Pour qu’un accord de paix soit durable, des poursuites crédibles et équitables contre les responsables des crimes les plus graves sont indispensables. Dans le cas contraire, les abus généralisés en RD Congo, alimentés par l’absence de reddition des comptes, ne prendront pas fin.
Les partenaires internationaux, y compris l’Afrique du Sud et la SADC, devraient indiquer clairement aux armées nationales, aux groupes armés et aux gouvernements qui les soutiennent que la paix, cette fois, ne sera pas synonyme d’impunité.