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Liban : L'ONU devrait ouvrir une enquête sur les attaques israéliennes contre la FINUL

Les attaques délibérées contre les missions de maintien de la paix des Nations Unies constituent des crimes de guerre

Des épais nuages de fumée s'élevaient au-dessus d’un quartier du village de Kfar Rouman, dans le sud du Liban, suite à des frappes aériennes menées par l’armée israéliennes le 25 septembre 2024. © 2024 Hussein Malla/AP Photo

(Beyrouth) – L’armée israélienne a mené dans le sud-ouest du Liban des attaques répétées entravant les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en violation apparente des lois de la guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les forces israéliennes devraient cesser leurs attaques illégales et permettre à la mission de l’ONU de remplir son mandat de protection des civils et de facilitation de l’aide humanitaires, que lui a confié le Conseil de sécurité de l’ONU.

Le 10 octobre, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a indiqué que plus tôt dans la journée, un char israélien avait tiré sur une tour d’observation du quartier général de la FINUL à Naqoura, blessant deux Casques bleus. La FINUL a ajouté que le 9 octobre, les forces israéliennes avaient délibérément tiré sur les caméras de surveillance du quartier général et rendues ainsi opérationnelles. Or, en vertu des lois de la guerre, les membres de missions de maintien de la paix de l’ONU, y compris les membres armés, « ont droit à la protection que le droit international humanitaire garantit aux civils ». Les attaques contre le personnel ou les installations de telles missions sont illégales et constituent des crimes de guerre.

« Dans le sud du Liban, les Casques bleus de l’ONU jouent depuis longtemps un rôle crucial afin de protéger les civils et faciliter l’acheminement d’aide humanitaire », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Tout ciblage des Casques bleus de l’ONU par les forces israéliennes viole les lois de la guerre, et entrave dangereusement le travail de la FINUL visant à protéger les civils et assurer leur accès à l’aide humanitaire. »

L’ONU devrait d’urgence établir, avec le soutien de ses pays membres, une enquête internationale sur les hostilités au Liban et en Israël, avec pour mandat de rendre compte publiquement des violations commises. L’ONU et les pays membres devraient veiller à ce que des enquêteurs puissent se rendre sur place dans les plus brefs délais, afin de recueillir des informations et tirer des conclusions sur les violations du droit international commises par les parties belligérantes, et formuler des recommandations en vue de l’obligation de rendre des comptes.

Dans un message publié le 10 octobre sur X, les Forces de défense israéliennes (FDI, ou IDF en anglais) ont affirmé que « le Hezbollah opère dans des zones civiles dans le sud du Liban et à proximité, y compris dans des zones proches de la FINUL ».

La FINUL a indiqué que son « quartier général de Naqoura et ses positions à proximité ont été frappés à plusieurs reprises » le 10 octobre. Selon son compte-rendu, « deux soldats de la paix ont été blessés après qu’un char Merkava de Tsahal [Forces de défense israéliennes] a tiré en direction d’une tour d’observation du quartier général de la FINUL à Naqoura, la touchant directement et causant leur chute ».

Le 10 octobre, la FINUL a également déclaré dans un tweet que l’armée israélienne avait tiré sur le poste 1-31 de l’ONU à Labbouneh, où se trouvaient des Casques bleus, et qu’un drone militaire israélien avait été observé volant jusqu’à l’entrée du bunker dans lequel des employés de l’ONU s’étaient réfugiés. La FINUL a ajouté que la veille, le 9 octobre, des soldats israéliens avaient « délibérément tiré sur les caméras de surveillance du périmètre du poste et les avaient désactivées », et aussi délibérément tiré sur le poste 1-32A de l’ONU à Ras Naqoura. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier ces affirmations de manière indépendante.

De son côté, le 10 octobre, l’armée israélienne a affirmé que le Hezbollah avait tiré environ 105 projectiles sur Israël plus tôt dans la journée. Les tirs de roquettes et de missiles qui ne font pas de distinction entre les cibles militaires et les civils violent les lois de la guerre.

Déjà le 6 octobre, la FINUL avait publiquement exprimé ses inquiétudes concernant les activités militaires israéliennes très près de l’emplacement de la mission au sud-est de Maroun el-Ras, dans le sud-est du Liban. Une analyse d’images satellite par le collectif d’investigation indépendant Bellingcat a révélé qu’une nouvelle activité militaire israélienne était visible près de du poste 6-52 de la FINUL ; au moins 30 véhicules militaires qui semblaient appartenir à l’armée israélienne se trouvaient a proximité le 5 octobre.

Début octobre, l’armée israélienne avait demandé à la FINUL de se déplacer en s’éloignant de la frontière israélo-libanaise, à une distance de plus de cinq kilomètres, « dès que possible, afin de maintenir votre sécurité ». Le 3 octobre, Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU, avait toutefois indiqué aux journalistes que la FINUL n’évacuerait pas son personnel : « Les Casques bleus restent actuellement sur leur position », dans le sud du Liban.

Entre le 1er et le 7 octobre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne a publié sur les réseaux sociaux six avertissements adressés aux habitants du sud du Liban, concernant 119 villages, y compris Naqoura, site du quartier général de la FINUL dans cette région. Les messages appelaient les habitants à évacuer cette zone et à se rendre au nord de la rivière Awali, située à environ 60 kilomètres au nord de la frontière libano-israélienne.

La FINUL a également exprimé des inquiétudes quant à sa capacité à mener à bien son travail humanitaire dans le sud du Liban. Dans une interview sur Al Jazeera le 7 octobre, le porte-parole de la FINUL, Andrea Tenenti, a observé que des milliers de personnes vivant dans la zone d’opération de la FINUL au Liban étaient « bloquées dans des villages, sans nourriture ni eau », et a demandé qu’un convoi humanitaire soit d’urgence autorisé à les atteindre.

Le 9 octobre, le ministère libanais de la Santé a indiqué que les attaques israéliennes menées au Liban depuis le 8 octobre 2023 ont tué au moins 2 141 personnes, dont 127 enfants. Depuis octobre 2023, le Hezbollah a lancé des milliers de roquettes et de missiles sur des villes du nord d’Israël, tuant au moins 16 civils, selon les médias. Le 28 juillet, un tir de roquette en provenance du Liban a tué 12 enfants dans la commune de Majdal Shams, située sur le plateau du Golan occupé par Israël.

La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL, ou UNIFIL en anglais) est une mission de maintien de la paix dans le sud du Liban, créée par le Conseil de sécurité de l’ONU en 1978. Le Conseil de sécurité a élargi son mandat initial afin de faciliter le retrait d’Israël du Liban, après la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël. En vertu de ce mandat élargi, les forces de la FINUL sont chargées de surveiller la cessation des hostilités, contribuer à garantir l’accès des civils à l’aide humanitaire, et le faciliter le retour des personnes déplacées.

Ainsi la FINUL « a pour mandat d’assurer la stabilité dans la région, de protéger la population civile et de soutenir les efforts des parties au conflit à s’acquitter de leurs responsabilités respectives en vue de parvenir à un cessez-le-feu permanent ». Ce mandat peut aussi comprendre le recours à la force, pour « protéger les civils sous la menace imminente de violences physiques ».

Le personnel de l’ONU impliqué dans les opérations de maintien de la paix, y compris les Casques bleus armés, sont considérés comme des civils au regard du droit international humanitaire, qui rassemble les lois de la guerre, et ont droit aux mêmes protections que celles accordées aux civils. Les lois de la guerre exigent que les parties à un conflit prennent « toutes les précautions pratiquement possibles » pour éviter ou minimiser les pertes de vies civiles et les dommages aux biens civils.

Ces précautions comprennent l’obligation de vérifier que les cibles de l’attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens civils, de donner un « avertissement en temps utile et par des moyens efficaces » lorsque les circonstances le permettent, et de s’abstenir d’attaques violant le principe de proportionnalité, selon lequel les pertes civiles ou les dommages aux civils ne doivent pas être « excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ».

Les civils qui n’évacuent pas les lieux après avoir reçu un avertissement restent entièrement protégés par le droit international humanitaire. En vertu des lois de la guerre, les parties au conflit doivent également permettre et faciliter l’acheminement d’aide humanitaire rapidement et de manière impartiale, pour tous les civils dans le besoin.

En vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), « [le] fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies » constitue un crime de guerre dans les conflits armés internationaux et non internationaux.

En avril 2024, le Conseil des ministres du Liban avait demandé au ministère des Affaires étrangères de déposer une déclaration auprès du greffier de la Cour pénale internationale (CPI), reconnaissant la compétence de la Cour sur les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023. Toutefois, fin mai, le gouvernement a annulé cette décision. Une telle déclaration reconnaissant la compétence de la CPI conférerait à son Procureur un  mandat pour enquêter sur les crimes internationaux graves commis au Liban, a observé Human Rights Watch.

Les alliés d’Israël devraient suspendre leurs ventes d’armes et leur assistance militaire à ce pays, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus, a déclaré Human Rights Watch.

Les gouvernements des divers pays, dont les États-Unis, devraient veiller à ce que la prévention des atrocités par toutes les parties soit au cœur de leur réponse aux hostilités.

« Sachant que plus de 2 000 personnes ont été tuées en un an au Liban et que plus d’un million de personnes ont été déplacées, il est crucial que la FINUL soit autorisée à remplir son rôle de protection des civils, ainsi que ses fonctions humanitaires », a déclaré Lama Fakih. « Les attaques contre la FINUL entravent non seulement son travail de maintien de la paix, mais aussi la capacité des civils du sud du pays à accéder à l’aide humanitaire dont ils ont tant besoin. »

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