(Istanbul, 2 septembre 2024) – Le ministère turc de l’Environnement devrait renoncer au projet de rajouter deux unités supplémentaires à une centrale à charbon située à Afşin-Elbistan, dans la province de Kahramanmaraş dans le sud-est du pays, compte tenu des graves dommages déjà causés par cette centrale à la communauté environnante, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les recherches de Human Rights Watch ont révélé que les niveaux de pollution de l’air à proximité de la centrale A du site de Afşin-Elbistan, ainsi que de la centrale B située deux kilomètres plus loin, sont dangereusement élevés, et que les habitants souffrent de problèmes de santé que des études universitaires ont attribués à l’air toxique. Bien que des autorités gouvernementales aient précédemment signalé le risque d’une forte hausse des taux de cancer à Afşin-Elbistan, le gouvernement turc n’a pas suffisamment surveillé les dommages environnementaux, et n’a pas mis en place des réglementations plus strictes afin de les mitiger.
« L’air toxique provenant des centrales à charbon en Turquie tue des milliers de personnes chaque année, alors que les autorités ne font pas grand-chose pour empêcher ce problème, ni même pour avertir les gens des dangers pour leur santé », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Au lieu d’autoriser l’expansion des centrales à charbon polluantes, le gouvernement turc devrait renforcer et faire respecter les normes de qualité de l’air, et permettre une transition justifiée du charbon vers les énergies renouvelables, d’ici 2030. »
Le gouvernement continue d’accroître la capacité des centrales à charbon, malgré les progrès significatifs réalisés dans le domaine des sources d’énergie renouvelables en Turquie ; selon des études, ces progrès permettraient à ce pays d’abandonner le recours au charbon d’ici 2030. Les sources d’énergie renouvelables représentent actuellement 54 % de la capacité électrique de la Turquie, un taux nettement supérieur à la moyenne mondiale qui avoisine 30 % ; en 2021, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) a prévu une hausse de 50 % de l’utilisation des énergies renouvelables en Turquie, entre 2021 et 2026.
En mai 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 28 habitants de la région d’Afşin-Elbistan au sujet de leurs expériences de la pollution de l’air, dont 11 femmes et 4 personnes âgées, deux membres des conseils municipaux de villages voisins, et le maire de la ville voisine d’Elbistan. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec deux universitaires, cinq professionnels de la santé travaillant dans la région, deux avocats, un fonctionnaire et six militants locaux. En outre, Human Rights Watch a examiné et analysé les données récentes sur la qualité de l’air provenant de la station de surveillance gouvernementale la plus proche dont les données sont accessibles au public, les données satellite sur la pollution de l’air du programme Copernicus de l’Union européenne, et des documents officiels du gouvernement.
Human Rights Watch a adressé des courriers au ministère turc de la Santé, à la société mère de l’entreprise exploitant la centrale à charbon, qui avait demandé la construction d’unités supplémentaires, à la société publique de production d’électricité, ainsi qu’aux autorités locales. Human Rights Watch a également écrit à l’Institut turc des statistiques pour obtenir des données sur la santé dans les districts d’Afşin et d’Elbistan, mais n’a reçu aucune réponse à ses divers courriers.
Les résidents vivant à proximité des centrales à charbon ont déclaré que des amis, des membres de la famille et des voisins étaient décédés de cancers et de maladies cardiovasculaires ou respiratoires, qu’ils pensaient être imputables ou aggravées par la pollution provenant des centrales voisines.
La mine de charbon qui alimente les centrales électriques d’Afşin-Elbistan est considérée comme une « bombe à carbone » (terme qui désigne les principaux sites d’extraction de combustibles fossiles au monde), avec une capacité d’extraction de charbon de 4,09 gigatonnes de dioxyde de carbone. L’expansion de la centrale à charbon menacerait la transition énergétique de la Turquie, et mettrait en péril les obligations de ce pays dans le cadre de l’Accord de Paris sur le changement climatique.
Début 2024, la Turquie est devenue le premier producteur européen d’électricité obtenue à partir du charbon ; les projets turcs représentent 73 % des projets de charbon prévus mais non encore construits au sein de l’UE et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les promoteurs de ces projets continuent de rechercher activement les autorisations et le financement nécessaires. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 35 000 personnes sont mortes à cause de la pollution de l’air en 2019 en Turquie.
Communiqué complet : en ligne en anglais.
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