(Nairobi) – Le gouvernement de la République démocratique du Congo devrait de toute urgence ouvrir une enquête sur le sort de l’éminente activiste de la société civile et membre de l’opposition Gloria Sengha et fournir des informations sur le lieu où elle se trouve, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’enlèvement de Gloria Sengha et de deux de ses collègues s’inscrit dans une vague de répression exercée par les autorités congolaises qui a sévèrement restreint les droits des activistes, des journalistes et des membres des partis politiques d’opposition.
Le 17 mai 2024 vers 17h00, des hommes non identifiés, dont certains étaient cagoulés et vêtus d’uniformes de la police ou portaient des armes, ont enlevé Gloria Sengha, une des fondatrices du mouvement Vigilance Citoyenne (VICI), ainsi que Robert Bunda et Chadrack Tshadio, à Kinshasa, la capitale du pays. Tous sont membres de la campagne Tolembi Pasi (« Nous en avons assez de souffrir » en lingala), qui lutte contre l’injustice sociale et la vie chère. Les assaillants les ont fait monter de force dans un véhicule noir sans plaque d’immatriculation avant de s’éclipser. Ils venaient tous les trois de participer à une réunion de Tolembi Pasi. Robert Bunda et Chadrack Tshadio ont été localisés dans des locaux de la police le 20 mai.
« Human Rights Watch est profondément inquiète pour la sécurité de l’activiste Gloria Sengha », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités congolaises devraient de toute urgence localiser Gloria Sengha, indiquer où elle se trouve et la remettre en liberté ».
Gloria Sengha est connue depuis longtemps comme une activiste qui lutte en faveur de la justice sociale en RD Congo. En mai 2023, elle avait annoncé avoir rejoint le parti politique Envol.
Des organisations congolaises de défense des droits humains ont appelé à sa libération immédiate.
« L’arrestation de Gloria suit une tendance caractérisée par la multiplication des attaques et des arrestations arbitraires contre des activistes depuis plusieurs mois », a déclaré Fred Bauma, directeur exécutif d’Ebuteli, un institut de recherches congolais. « L’ANR [Agence nationale de renseignements] et d’autres services de renseignement jouent un rôle de plus en plus important dans cette répression qui rappelle les années de la présidence de [Joseph] Kabila».
Gloria Sengha est une ancienne membre du mouvement citoyen de la Lutte pour le Changement (LUCHA) et, dans le passé, elle avait affirmé à Human Rights Watch qu’elle et une autre activiste avaient subi des abus, notamment sexuels, de la part d’agents de police, lorsque le gouvernement avait fait arrêter des activistes pro-démocratie à l’approche des élections présidentielles de 2018.
En mai 2023, Lens Omelonga, coordinateur de la communication numérique pour le parti Envol, avait lui aussi été enlevé après avoir participé à une réunion. Il avait expliqué à Human Rights Watch que des agents de l’ANR en tenue civile l’avaient fait monter de force dans une jeep blanche avant de s’éclipser dans des circonstances qui paraissent semblables à celles de l’enlèvement de Gloria Sengha. Il avait ensuite passé sept mois en détention pour avoir retweeté un post critiquant une fondation créée par Denise Nyakeru Tshisekedi, l’épouse du président Félix Tshisekedi.
Les autorités ont intensifié leur répression contre les membres de l’opposition, les activistes de la société civile, les détracteurs du gouvernement et les journalistes pendant toute la période électorale de 2023, et l’ont poursuivie depuis lors. Parmi les autres personnes ciblées figurent l’éminent journaliste Stanis Bujakera, qui a passé des semaines en détention sur la base d’accusations douteuses, ainsi que le comédien Junior Nkole, qui a été arbitrairement arrêté et détenu pour des vidéos satiriques qui exposaient certaines réalités socio-économiques du pays.
« L’enlèvement de Gloria Sengha, quelques mois seulement après la prestation de serment du président Félix Tshisekedi pour son deuxième mandat, constitue un signal terrible pour les libertés civiles au Congo », a affirmé Carine Kaneza Nantulya. « L’administration Tshisekedi devrait saisir l’occasion de ce nouveau mandat pour démontrer un attachement sincère aux libertés fondamentales et garantir que les activistes de l’opposition puissent se réunir et s’exprimer librement ».