Le 28 janvier, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization, FAO) des Nations Unies a décerné au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed la Médaille Agricola, la plus haute distinction décernée par le Directeur général de l’agence, en reconnaissance de sa « contribution au développement rural et économique en Éthiopie ».
Ce choix peut paraître surprenant, compte tenu de la grave crise humanitaire que traverse l’Éthiopie et des informations faisant état d’une insécurité alimentaire généralisée. Selon la Commission éthiopienne de gestion des risques de catastrophe (EDRMC), environ quatre millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire et nutritionnelle d'urgence dans le Tigré, l'Afar et l'Amhara, des régions ayant subi un conflit armé dévastateur durant deux ans, ainsi que dans certaines parties de l'Oromia et des régions du sud du pays.
Deux ans après le début du conflit armé qui a éclaté dans le nord de l’Éthiopie en novembre 2020, l’ONU a désigné l’Éthiopie comme l’un de six pays exposés au risque de famine. Dans la région du Tigré, ce risque n’était pas une conséquence de la guerre, mais plutôt des tactiques délibérées adoptées par les forces gouvernementales éthiopiennes sous Abiy.
Les forces gouvernementales et leurs alliés ont pillé et attaqué les systèmes alimentaires au Tigré, et en juin 2021, les autorités ont imposé un siège de facto dans cette région. En septembre 2022, un rapport d’une enquête indépendante de l’ONU a conclu que les tactiques du gouvernement éthiopien visant à « priver la population du Tigré des services matériels indispensables à sa survie » équivalaient à l’utilisation de la famine comme arme de guerre, et à un crime contre l’humanité. Tout au long du conflit, les dirigeants mondiaux, l’ONU et d’autres organismes internationaux se sont largement abstenus de condamner ces politiques ou de prendre des mesures concrètes pour y mettre un terme ; ainsi le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas agi de manière adéquate face à la famine provoquée par le conflit.
Même après l’accord de cessez-le-feu de novembre 2022, et l’allègement du siège qui avait été imposé au Tigré par le gouvernement éthiopien, les médias ont rapporté des allégations selon lesquelles les autorités détournaient de l’aide alimentaire destinée aux personnes affamées. Suite à ces informations, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Agence américaine pour le développement international (USAID) ont annoncé en juin 2023 leur décision de suspendre provisoirement l'aide alimentaire dans tout le pays.
L'insécurité alimentaire persiste dans les régions du Tigré et d’Afar, ainsi que dans la région d’Amhara, où les combats en cours entre les forces gouvernementales éthiopiennes et des groupes armés exacerbent le problème.
Pour les millions d’Éthiopiens vivant dans les zones touchées par le conflit et qui luttent pour répondre à leurs besoins fondamentaux, les dirigeants mondiaux devraient reconnaître la réalité de la catastrophe humanitaire que connaît l’Éthiopie, et le fait que des actions délibérées du gouvernement contribuent à ces souffrances.
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