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Allées et venues de visiteurs devant le Palais de Justice à Tunis, le 26 mai 2017.  © 2017 Hassene Dridi/AP Images

Depuis le coup de force institutionnel du président Kais Saied du 25 juillet 2021, en passant par son décret du 22 septembre de la même année abrogeant implicitement l’ordre constitutionnel, à l'adoption un an plus tard de sa Constitution taillée sur mesure, le pouvoir judiciaire fait l’objet d’attaques incessantes visant à anéantir son indépendance et balayant ainsi le droit à un procès juste et équitable.  

Par le décret-loi n°11 en date du 12 février 2022, le président de la République a dissous le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) élu, organe consacré par la Constitution de 2014 et censé garantir l’indépendance des magistrats, l’a remplacé par un Conseil provisoire dont il nomme directement près de la moitié des membres, avant de révoquer 57 magistrats le 1er juin 2022 en s’en octroyant le droit par le décret-loi n°35. L’indépendance de la magistrature, garantie par un CSM indépendant pour lequel des générations de militants et de juristes s’étaient battus, a ainsi été annihilée par le pouvoir exécutif qui s’est autorisé à révoquer unilatéralement juges et procureurs, bafouant le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial.

En août 2022, le président du tribunal administratif de Tunis, saisi par des juges révoqués, a ordonné le sursis à exécution de la révocation et la réintégration de 49 d’entre eux, au motif, notamment, que leur révocation n’était basée sur aucune preuve tangible de faute grave. Pour l’heure, le gouvernement a refusé de s'y conformer. Le démantèlement de l'indépendance de la magistrature s’est alors doublé d’une atteinte flagrante à l'Etat de droit à travers le refus d’exécuter ces décisions judiciaires. Pis encore, le ministère de la Justice a ultérieurement engagé des poursuites pénales contre tous ceux qui ont été révoqués, entre autres devant le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, pour tenter de justifier leur révocation rétrospectivement.

En faisant de la justice une « fonction » et non plus un « pouvoir » à part entière, la nouvelle Constitution, adoptée lors d’un référendum auquel n’ont participé qu’un tiers des citoyens en âge de voter, inscrit la mise au pas de la justice dans la loi Fondamentale. Le même texte a vidé le CSM de sa substance et l’a déchu de son statut d’instance constitutionnelle.

Alors que les autorités multiplient les arrestations arbitraires et les poursuites judiciaires infondées contre des personnalités critiques du président Saied, celui-ci a publiquement averti « ceux qui innocenteraient » ses opposants, qu’il a qualifiés à plusieurs reprises de « terroristes », qu’ils seraient considérés « complices ». Entre ces menaces dirigées à son encontre de manière à peine voilée et la révocation arbitraire des magistrats, la justice tunisienne ne peut plus, aujourd’hui, pleinement remplir son rôle de garante des libertés et droits fondamentaux.

Les associations signataires mettent en garde contre une instrumentalisation de la justice dangereuse pour tous les justiciables, dont l’ultime rempart contre l’arbitraire demeure un pouvoir judiciaire indépendant, seul garant d’un procès équitable.

À cet effet, les associations signataires appellent :

  • À la réintégration des juges, conformément aux décisions rendues en août 2022 par le président du tribunal administratif de Tunis ; 
  • À la cessation des ingérences de l’exécutif dans les affaires judiciaires ; 
  • Au respect du droit fondamental à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial ;
  • À l’abrogation du décret-loi n°11 du 12 février 2022 tel que modifié par le décret-loi n°35 du 1er juin 2022 ; et
  • Au respect des standards internationaux relatifs à l’indépendance de la justice et au droit à un procès juste et équitable en conformité avec les engagements internationaux de la Tunisie. 

Organisations signataires :

  1. Al Bawsala
  2. Amnesty International
  3. Association Al Karama pour les droits et les libertés
  4. Association Beity 
  5. Association Citoyenneté et liberté Djerba
  6. Association des familles des martyrs et blessés de la Révolution (Awfia) 
  7. Association des femmes pour la citoyenneté et le développement à Jendouba 
  8. Association des Magistrats Tunisiens (AMT)
  9. Association Ensemble Pour La Citoyenneté Et le Changement 
  10. Association Ifeda 
  11. Association Joussour de citoyenneté 
  12. Association Karama Tozeur 
  13. Association Sawt Al Insen 
  14. Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles 
  15. Association Volontaires Bouarada 
  16. Avocats Sans Frontières (ASF)
  17. Coalition civile pour la défense de la Justice transitionelle 
  18. Comité Civil pour l’Indépendance du pouvoir judiciaire  
  19. Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme 
  20. Commission Internationale de Juristes (CIJ)
  21. Commission nationale pour les militants de gauche
  22. Damj / Association Tunisienne pour la Justice et l'égalité 
  23. Danner
  24. Euromed Droits 
  25. Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) 
  26. Human Rights Watch (HRW)
  27. Initiative Mawjoudin 
  28. Instance nationale pour la défense des libertés et de la démocratie 
  29. Intersection Association for Rights and Freedoms
  30. Justice & Rehabilitation 
  31. Legal Agenda 
  32. Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme
  33. No Peace Without Justice 
  34. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
  35. Psychologue du Monde Tunisie 
  36. Réseau Tunisien pour la Justice Transitionnelle
  37. Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)

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