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Kosovo : Ouverture à La Haye du procès pour crimes de guerre

En Serbie, cependant, l’obligation de rendre des comptes demeure rare

L'ancien président du Kosovo, Hashim Thaçi, comparaissait devant les Chambres spécialisées pour le Kosovo à La Haye, le 9 novembre 2020.     © 2020 Jerry Lampen/EPA-EFE/Shutterstock

(La Haye) – Le procès de l'ancien dirigeant du Kosovo Hashim Thaçi et de trois autres individus accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité met en évidence le besoin persistant de justice, 24 ans après la fin de la guerre du Kosovo, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ce procès a débuté le 3 avril devant les Chambres spécialisées pour le Kosovo, situées à La Haye, aux Pays-Bas.

Hashim Thaçi, ancien président et premier ministre du Kosovo, est sur le banc des accusés avec trois autres ex-membres de haut rang de l'Armée de libération du Kosovo (Ushtria Çlirimtare e Kosovës, UÇK) également devenus des responsables politiques du Kosovo. Ils sont accusés de crimes commis pendant et juste après le conflit du Kosovo de 1998-1999, notamment dans le nord de l'Albanie. L’UÇK a combattu les forces serbes et yougoslaves jusqu'à ce qu'une campagne aérienne de 78 jours de l'OTAN oblige ces forces à quitter le Kosovo. Thaçi a démissionné de son poste de président après que les accusations ont été portées en novembre 2020, et a été transféré à La Haye, peu de temps après.

« Ce procès concerne quatre personnes accusées d'avoir commis des crimes terribles pendant et après la guerre, lorsque les combats ont cessé, y compris contre des personnes de divers groupes ethniques », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Après tant d'années, ce procès permettra aux proches des victimes d'en savoir plus sur ce qui s'est réellement passé ; cela sert aussi de rappel de l'impunité qui perdure encore en grande partie à l’égard du conflit du Kosovo, et de manière plus générale, des guerres dans l'ex-Yougoslavie. »

Le conflit du Kosovo a été marqué par une litanie de crimes de guerre, commis en grande majorité par les forces serbes et yougoslaves, y compris des meurtres, des viols, des tortures, des déplacements forcés et le transfert organisé de plus de 1 000 corps vers la Serbie, où ils ont été jetés dans des fosses communes. Le gouvernement serbe a toujours refusé de divulguer l'emplacement de ces fosses communes. Seul un petit nombre de dirigeants militaires et politiques serbes ont été jugés pour crimes de guerre dans le conflit du Kosovo, notamment l'ancien président serbe et yougoslave Slobodan Milosevic.

La création des Chambres spécialisées pour le Kosovo (CSK) a fait suite à la publication en 2011 d'un rapport du Conseil de l'Europe  (ang fra), rédigé en 2010 par le sénateur suisse Dick Marty ; ce rapport décrivait des crimes graves qui auraient été commis par des membres de l'UCK, dont Hashim Thaçi, pendant et juste après la guerre. L'Union européenne a créé une équipe spéciale d'enquête pour examiner ces allégations. Cette équipe a conclu en 2014 qu'il y avait des motifs d'inculpation, et l'UE a œuvré pour la création du tribunal spécialisé en 2015. Le gouvernement des États-Unis a soutenu cet effort, et les procureurs en chef, à ce jour, sont des ressortissants américains.

Ce tribunal spécialisé fait partie du système judiciaire du Kosovo, après que l'Assemblée du Kosovo a adopté une nouvelle loi et modifié sa constitution, mais est basé aux Pays-Bas en raison du nombre de menaces et de violences contre des témoins dans d'autres affaires contre des membres de l'UÇK, dont au moins un décès. Le tribunal emploie du personnel international, ainsi que des juges, des procureurs et le greffier en raison de préoccupations concernant les fuites et l'intimidation des témoins.

Les quatre prévenus sont accusés de quatre chefs de crimes de guerre et de six chefs de crimes contre l'humanité, dont des meurtres, des disparitions forcées, la persécution et la torture. Le procureur allègue que Hashim Thaçi et les trois coaccusés – Kadri Veseli (ex-chef du service de renseignement de l'UÇK), Rexhep Selimi (ex-chef de la direction opérationnelle de l'UÇK), et Jakup Krasniqi (ex-membre de la direction politique de l'UÇK) – faisaient partie d'une entreprise criminelle commune visant à contrôler le Kosovo en « intimidant, maltraitant, soumettant à des violences et expulsant illégalement les personnes considérées comme des opposants ». Parmi les victimes de ces crimes présumés figuraient des Serbes, des Roms et des Albanais de souche qui étaient considérés comme alliés aux forces serbes, ou comme des opposants politiques à l'UÇK.

Les quatre accusés ont été arrêtés et transférés à La Haye les 4 et 5 novembre 2020. Dans le cadre de leur procès devant les Chambres spécialisées pour le Kosovo, les accusés ont droit à plusieurs garanties d'un procès équitable, notamment la présomption d'innocence, le droit à un avocat, le droit à présenter des éléments de preuve, le droit de confronter les témoins et le droit d'interjeter appel.

Outre Hashim Thaçi et les trois autres accusés, le tribunal a des affaires contre deux anciens membres de l'UÇK, Salih Mustafa et Pjetër Shala, et deux membres de l'Association des anciens combattants de l'UÇK, qui ont été jugés et condamnés pour avoir divulgué les noms de témoins dans d'autres affaires. Mustafa a été reconnu coupable en décembre 2022 de crimes de guerre contre des détenus albanais du Kosovo, et condamné à 26 ans de prison ; son affaire est en appel. Le procès de Shala a commencé en février.

Plus de 1 600 personnes sont toujours portées disparues depuis le conflit du Kosovo, selon les Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge. Plus de 400 cas concernent des disparitions survenues après la fin de la guerre en juin 1999 et l'entrée des forces de l'OTAN au Kosovo ; il s’agit d’une centaine d'Albanais de souche, les autres « disparus » étant essentiellement des Roms et des Serbes.

Le 18 mars 2023, le Kosovo et la Serbie ont convenu de mettre en œuvre un accord soutenu par l'UE sur la normalisation de leurs relations, qui comprend un engagement à travailler ensemble sur le sort des personnes disparues.

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a poursuivi Slobodan Milosevic et six de ses hauts responsables pour des crimes graves commis au Kosovo, en condamnant cinq et en acquittant un. Milosevic est décédé au cours de son procès avant qu'un verdict ne soit rendu.

Le TPIY a également jugé six Albanais de souche pour crimes de guerre au Kosovo, dont deux ont été condamnés et quatre ont été acquittés.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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Reuters   RTS.ch

 

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