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Un air de déjà vu devant le Palais de justice de Tunis

Des militants des droits humains chevronnés se mobilisent contre de nouveaux procès politiques

L'avocat Ayachi Hammami, poursuivi pour s'être exprimé librement, avant son audience au tribunal à Tunis, le 9 janvier 2023. © 2023 Eric Goldstein/Human Rights Watch

Sous la longue présidence de Zine el-Abidine Ben Ali, la police empêchait, dans une large mesure, les associations et défenseurs des droits humains de se rassembler. Mais souvent, lorsqu’un procès politique très médiatisé avait lieu, une foule d’activistes se rassemblait devant le Tribunal de première instance de Tunis pour soutenir les accusés.

Malgré la répression de plus en plus sévère qui sévit depuis que le président Kais Saied s’est arrogé des pouvoirs extraordinaires le 25 juillet 2021, la société civile en Tunisie reste plus libre aujourd’hui que sous Ben Ali, chassé en janvier 2011 après plus de 20 ans au pouvoir. Mais le 10 janvier, une affaire politique préoccupante contre un militant de longue date a ramené de nouveau la flash mob des droits humains sur ce même trottoir, en face du tribunal.

Elle a rassemblé un nombre rarement observé depuis la révolution qui a conduit à la chute de Ben Ali en 2011, d’activistes, d’avocats et d’anciens prisonniers politiques de cette époque, qui ont rejoint leurs camarades plus jeunes, en solidarité avec l’avocat des droits humains Ayachi Hammami, 63 ans, qui comparaissait ce matin-là.

Hammami est accusé d’avoir, dans une interview accordée à la radio le 29 décembre 2022, en tant que coordinateur du Comité de défense des juges révoqués, condamné les efforts du président Saied visant à éviscérer l’indépendance de la justice. Le 1er juin 2022, Saied s’est arrogé le pouvoir de démettre les magistrats, et le même jour en a licencié 57. Hammami a accusé la ministre de la Justice, Leila Jaffel, de « commettre un crime » en refusant d’appliquer une décision du tribunal administratif de réintégrer la plupart de ces juges, et de « fabriquer » des affaires criminelles à leur encontre.

L’accusation contre Hammami s’appuie sur une plainte déposée par Leila Jaffel en vertu du décret 54, promulguée par le président Saied en septembre dernier. Hammami est accusé, en vertu de l’article 24 de cette loi, de diffuser « de fausses informations dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui et de menacer la sécurité publique, et d’attribuer de fausses informations pour diffamer autrui ». Provisoirement en liberté, Hammami risque 10 ans de prison.

Ces derniers mois, Leila Jaffel a déposé des plaintes pénales contre plusieurs personnalités politiques et médiatiques ayant critiqué le président et son gouvernement.

Le 10 janvier, dans la salle d’audience du juge d’instruction, 22 avocats de la défense se sont relayés pour affirmer que Hammami n’avait fait qu’exercer son droit à la liberté d’expression pour défendre l’indépendance de la justice. Le juge doit maintenant décider s’il renvoie Hammami devant un tribunal.

En fin d’après-midi, quand les avocats de la défense ont conclu leurs plaidoiries, la cohue s’était calmée sur le trottoir en face du tribunal. Mais les pionniers des droits humains venus en force ce matin-là semblaient résolus à devoir revenir sur place.

« Je pensais que ces temps-là étaient derrière nous », a déclaré Khadija Cherif, 72 ans, qui a dirigé l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) pendant les années Ben Ali.

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