L’État d’Israël a récemment annoncé qu'il expulserait sous peu le défenseur palestinien des droits humains Salah Hamouri, un acte qui pourrait constituer une grave violation du droit international. Nous soussignées organisations de défense des droits humains, appelons les compagnies aériennes commerciales à faire leur possible pour refuser de participer à ce qui pourrait constituer un crime de guerre, en refusant de transporter des personnes faisant l'objet d'une expulsion forcée illégale et en faisant une déclaration publique à cet effet.
Le document ci-dessous présente le contexte du cas de Salah Hamouri, fait référence aux obligations légales pertinentes des compagnies aériennes commerciales et définit les mesures pratiques que les compagnies aériennes doivent prendre afin de s'assurer qu'elles ne contribuent pas à de graves violations du droit international.
Contexte
Le 30 novembre 2022, les autorités israéliennes ont informé Salah Hamouri, 37 ans, avocat franco-palestinien emprisonné, qu’il serait expulsé de force de Jérusalem occupée - sa ville natale - vers la France pour « défaut d’allégeance » à l’État d’Israël. Hamouri est en détention administrative depuis mars 2022 sans inculpation ni procès sur la base de « preuves secrètes », et la décision de l’expulser fait suite à la révocation par Israël du statut de résident permanent de Hamouri à Jérusalem.[1] Hamouri a dit qu’il refuse l’expulsion et qu’il ne montera pas contre sa volonté à bord d’un avion.
L’expulsion de Hamouri, qui peut avoir lieu à tout moment à partir du 4 décembre 2022, représentera une escalade claire dans le harcèlement et le ciblage prolongés d’Israël à son encontre par le biais d’arrestations arbitraires, d’interdictions de voyager, de surveillance et de séparation d’avec sa famille.
Les expulsions illégales et les révocations de résidence en territoire occupé violent de nombreuses dispositions du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains. La déportation de Salah Hamouri hors du territoire occupé pourrait constituer une violation grave de la Quatrième Convention de Genève et potentiellement un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Conformément au Règlement de La Haye et à la Quatrième Convention de Genève, la population protégée dans un territoire occupé reconnu internationalement, comme c’est le cas à Jérusalem-Est, n’a pas de devoir d’allégeance à la Puissance occupante (Israël), la raison pour laquelle Hamouri doit être expulsé.[2]
Selon une déclaration d’experts des Nations Unies en date du 2 décembre 2022 :
« De telles mesures unilatérales et arbitraires prises par les autorités israéliennes en représailles à M. Hamouri en tant que défenseur des droits humains violent tous les principes et l’esprit même du droit international.
[… ]
Ces mesures créent un précédent extrêmement dangereux pour tous les Palestiniens de Jérusalem. La communauté internationale ne doit pas rester silencieuse et observer tranquillement cette énième violation. »[3]
Les acteurs commerciaux privés ont la responsabilité de respecter les droits humains et le droit international humanitaire dans leurs propres activités. Lorsqu’ils ne respectent pas ces obligations dans leurs activités et leurs relations, ils risquent de contribuer à de graves violations et à des crimes reconnus à l’échelle internationale.[4]
Compte tenu de ce qui précède, nous exhortons vivement les compagnies aériennes commerciales à refuser et à s’abstenir d’aider les autorités israéliennes à procéder à la déportation forcée inhumaine, discriminatoire et vraisemblablement illégale de Salah Hamouri.[5] En outre, nous demandons aux compagnies aériennes commerciales qui exploitent des vols directs vers la France de faire une déclaration sur leur site internet indiquant leur refus de participer à toute expulsion illégale par Israël de la population du Territoire palestinien occupé.
À l’heure où la famille et les proches de Hamouri, la société civile palestinienne et internationale, les Nations Unies et les États demandent à Israël de mettre fin à sa déportation et à son transfert par la force et de permettre à Hamouri de rester dans sa ville natale, les compagnies aériennes commerciales devraient examiner et agir en conformité avec les obligations fixées, à savoir celles en vertu du droit international des droits humains et du droit humanitaire.
Organisations signataires
Adalah Justice Project
Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
Al-Haq, Law in Service of Man
Alice Rothchild, MD
Al-Mezan Center for Human Rights
Bisan Center for Research and Development
Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
Canadian BDS Coalition
Canadians for Justice and Peace in the Middle East (CJPME)
Center for Constitutional Rights
Community Action Center, Al-Quds University
Democracy for the Arab World (DAWN)
Equipo Juridico Pueblos
European Legal Support Center (ELSC)
Freedom Archives
Human Rights Watch
International Association of Democratic Lawyers
International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)
Just Peace Advocates
Justice for Palestinians
Law for Palestine
Lawyers’ Rights Watch Canada
National Lawyers Guild, International Committee
National Lawyers Guild, Palestine Committee
Oakville Palestinian Rights Association (Canada)
Observatorio de Derechos Humanos de los Pueblos
Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)
Palestinian Committee in Norway
Paz con Dignidad
Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
[1] Pour plus d'informations concernant le cas d'Hamouri, voir : https://justiceforsalah.net/12/2022/press-release-en/intervention-needed-salah-identity-revoked-and-to-be-deported et https://www.hrw.org/fr/news/2022/08/16/israel-liberer-un-defenseur-des-droits-humains-franco-palestinien.
[2] Pour lire une analyse plus détaillée, voir : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2022/12/israel-opt-deporting-salah-Hamouri-would-constitute-a-war-crime/
[3] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, « Israeli deportation order against French-Palestinian activist Salah Hamouri could constitute war crime: UN experts », 2 décembre 2022, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/12 /ordre-de-deportation-israelien-contre-l-activiste-palestinien-francais-salah-Hamouri
[4] DCAF, CICR et Centre de Genève pour les entreprises et les droits humains (GCBHR), « Fact Sheet: How does armed conflict impact responsible security management? », https://securityhumanrightshub.org/sites/default/files/2022-05/Standalone%20-%20Factsheet %20%20Armed%20Conflicts_FINAL.pdf
[5] Au fil des ans, les compagnies aériennes commerciales du monde entier ont démontré de plus en plus souvent leur engagement en faveur de ces principes, en refusant d'accepter de participer à des expulsions forcées de réfugiés, de demandeurs d'asile et d'immigrants. Voir https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/uk-virgin-atlantic-to-stop-accepting-forced-deportations-amid-concern-over-removal-of-windrush-generation-migrants -demandeurs-d'asile-lgbt/