(Bruxelles, le 30 septembre 2022) – L’Union européenne et ses États membres devraient condamner les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par les autorités israéliennes lors de la réunion du Conseil d’association UE-Israël du 3 octobre 2022, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’UE et ses États membres devraient également faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles mettent fin à la répression de la société civile palestinienne.
« Les responsables européens doivent savoir qu’ils serreront la main de représentants d’un gouvernement qui commet des crimes contre l’humanité et qui a interdit d’importants groupes de la société civile opposés à ces abus », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Faire comme si de rien n'était dans un contexte de répression accrue en Israël envoie le message que les condamnations de l’UE ne valent guère plus que le papier sur lequel elles sont rédigées. »
Le Conseil d’association UE-Israël est un forum destiné à faciliter le dialogue politique et à renforcer la coopération de l’UE avec Israël. La dernière réunion du Conseil d’association s’est tenue en 2012, et les rencontres ultérieures ont été suspendues après les objections des autorités israéliennes concernant la position de l’UE sur les colonies israéliennes en Cisjordanie.
Plusieurs organisations non gouvernementales palestiniennes, européennes et internationales, ainsi que 47 membres du Parlement européen, ont exprimé de sérieuses réserves vis-à-vis de la réunion du Conseil d’association.
L’accord portant création du Conseil d’association UE-Israël identifie le respect des droits humains comme un élément essentiel de cette initiative. Le Conseil d’association doit se réunir de nouveau alors que le mouvement international des droits humains s’accorde de plus en plus à considérer que la sévère répression exercée par les autorités israéliennes à l’encontre des Palestiniens est constitutive du crime d’apartheid.
Cette réunion intervient également quelques semaines après que les autorités israéliennes ont perquisitionné et ordonné la fermeture des bureaux de sept importantes organisations de la société civile palestinienne, dont certaines reçoivent des financements de l’UE et de ses États membres. Les autorités israéliennes ont pris l’initiative de fermer les bureaux des groupes de défense des droits des Palestiniens malgré les déclarations de l’UE et de plusieurs de ses États membres rejetant les allégations d’Israël contre ces organisations.
Pendant des années, l’UE et ses États membres ont répondu aux graves abus des autorités israéliennes en répétant des platitudes sur un « processus de paix » depuis longtemps moribond et sur la nécessité de relancer les perspectives d’une « solution à deux États ». Cette approche ne tient pas compte de la réalité de l’apartheid et des persécutions sur le terrain et conduit l’UE et ses États membres à ne pas adopter certaines mesures de défense des droits humains qui se justifieraient au vu de la gravité de la situation, a déclaré Human Rights Watch.
En août dernier, 49 Palestiniens de Gaza, dont 17 enfants, ont été tués lors d’une nouvelle vague d’hostilités entre forces israéliennes et groupes armés palestiniens. Le bouclage de Gaza par Israël, qui dure depuis 15 ans, a privé ses plus de deux millions d’habitants de la possibilité de mener une vie meilleure et a dévasté l’économie, si bien que 80 % de la population dépend aujourd’hui de l’aide humanitaire.
En Cisjordanie occupée, les autorités israéliennes ont, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, tué plus de 80 Palestiniens en 2022, un record depuis six ans. Parmi les personnes tuées figure la journaliste Shireen Abu Akleh. Au 1er septembre, les autorités israéliennes maintenaient également plus de 700 Palestiniens en détention administrative, sans procès ni inculpation, soit le chiffre le plus élevé depuis 2008.
Malgré cette situation, l’UE n’a apparemment pas exigé des autorités israéliennes qu’elles prennent des mesures pour mettre fin à ces abus avant la tenue du Conseil d’association. Elles auraient pu notamment demander aux autorités israéliennes de revenir sur leur décision d’interdire les activités de plusieurs groupes importants de la société civile palestinienne, d’assouplir le bouclage de Gaza ou de libérer Salah Hamouri, un défenseur des droits humains franco-palestinien, placé depuis des mois en détention administrative.
Dans une interview accordée en août 2022, Alon Liel, l’ancien Directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, a déclaré : « Tant que les Européens ne prennent pas de mesures concrètes sur le plan diplomatique, sécuritaire et économique, Israël s’en fichera. [Le gouvernement] est convaincu que ses actions anti-droits humains n’auront aucun coût politique sur la scène internationale ».
En mai 2021, lorsque le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a mis en place une commission d’enquête chargée d’examiner les abus et d’identifier les causes profondes du conflit, tous les États membres de l’UE se sont abstenus ou ont voté contre, ce qui tranche radicalement avec la constance de leurs votes en faveur des mécanismes de responsabilisation dans d’autres circonstances.
« Depuis des décennies, l’inaction européenne face à ces graves violations des droits humains a encouragé les autorités israéliennes à intensifier de manière flagrante leur répression à l’encontre des Palestiniens », a déclaré Claudio Francavilla, chargé du plaidoyer auprès de l’UE à Human Rights Watch. « Au lieu de réciter des platitudes dénuées de sens, les responsables européens devraient profiter de la réunion du Conseil d’association pour enfin condamner l’apartheid et la persécution pratiqués par Israël et indiquer clairement qu’il y aura des conséquences significatives si le gouvernement israélien ne change pas de cap. »
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