(Paris) – Il est crucial que le président Emmanuel Macron fasse des droits humains une priorité de sa politique nationale et internationale pendant son second mandat, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Selon les résultats disponibles du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 en France, Emmanuel Macron a obtenu 58.5% des votes face à Marine Le Pen qui en a obtenu 41.4% et reconnu sa défaite. 28% des électeurs se sont abstenus, en augmentation significative par rapport au second tour de 2017 entre les deux mêmes candidats. L’écart entre ces derniers s’est fortement réduit et l’extrême droite atteint son plus haut niveau lors d’une élection en France.
« Pour que Macron soit véritablement le président de tous, comme il l'a déclaré, il est nécessaire qu’il mène des politiques faisant des droits humains une réalité pour toutes et tous », a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France à Human Rights Watch. « La poussée de l'extrême droite rend encore plus impératif que Macron agisse contre la xénophobie, la discrimination et l'intolérance en France. »
Le niveau historique de l’extrême droite ainsi que le fort niveau d’abstention en France sont largement analysés comme une manifestation de l’inquiétude d’une partie importante de la population face à la précarité et aux inégalités sociales et d’une forte défiance vis-à-vis des dirigeants politiques et de leur capacité à leur apporter des réponses adéquates. Dans ce contexte, il est plus que jamais urgent pour le président Macron et son gouvernement de s’attaquer plus vigoureusement aux injustices, à l’exclusion et aux inégalités socio-économiques, tout en renforçant la gouvernance démocratique et le respect des droits, des libertés et de l’État de droits.
Le contexte international devrait également pousser le président Macron à placer les droits humains au cœur de sa diplomatie. Parmi ces défis figurent notamment la guerre en Ukraine et d'autres conflits marqués par de graves violations à l'encontre des civils, la montée des autocrates en Europe et ailleurs, l'impact de la pandémie de Covid-19 sur les plus vulnérables et la crise climatique mondiale.
Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron n’a souvent pas été à la hauteur de ses promesses et des fortes attentes en matière de respect des droits fondamentaux sur le territoire national et à travers la diplomatie française.
Au plan national, des organisations et des institutions de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont critiqué les contrôles de police discriminatoires ciblant les jeunes hommes noirs et arabes. Le traitement souvent abusif des migrants et des demandeurs d’asile, y compris des enfants non-accompagnés, par les autorités françaises notamment dans le nord de la France et à la frontière franco-italienne constitue une autre source d’inquiétude. Les organisations de défense des droits humains et des experts de l’ONU ont également exprimé leurs fortes préoccupations quant à la prolifération de lois antiterroristes et à l’intégration de mesures d’urgence temporaires dans le droit commun. Ces mesures ont été prises en dépit de leur impact disproportionné sur les droits humains, notamment sur la liberté d’expression, d’association et de religion. Ces mesures anti-terroristes ont particulièrement impacté et stigmatisé les musulmans. Les autorités françaises ont également été critiquées pour les abus commis par les forces de sécurité lors de manifestations.
La diplomatie des droits humains souvent à géométrie variable d’Emmanuel Macron lors de son premier mandat a nui à la crédibilité de la France en la matière. La France a joué un rôle de premier plan dans la réponse internationale aux crimes de guerre apparents des forces russes en Ukraine. Elle a aussi fait preuve de leadership pour l’accès humanitaire en Syrie et la lutte contre l’impunité pour l’emploi d’armes chimiques par le gouvernement de Bachar al-Assad.
Mais la France a également poursuivi ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et passé un contrat d’armement historique avec les Emirats arabes unis malgré les crimes de guerre présumés contre les civils au Yémen. Le soutien inconditionnel de la France à l’Egypte n’a pas faibli sous la présidence d’Emmanuel Macron qui a remis la grand-croix de la Légion d’honneur, plus haute distinction française, au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, alors que ce dernier supervise la pire répression que connait le pays depuis des décennies.
Emmanuel Macron et son gouvernement ont fait de la protection de l’Etat de droit au sein de l’Union européenne une priorité de la présidence française du Conseil de l’UE, mais les avancées concrètes se font attendre. Pendant la présidence française de l’UE, l’examen par l’UE de la Pologne et de la Hongrie au titre de l’article 7 -la procédure prévue par le traité de l'UE à l'égard des États membres de l'UE qui manquent à leurs obligations en matière d'État de droit- devrait progresser rapidement. Et la France devrait soutenir l'utilisation rapide du mécanisme européen conditionnant l'accès aux fonds européens au respect de l'État de droit.
La France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici à 2030 et Emmanuel Macron a fait de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité revendiquée de son précédent mandat. Mais le pays reste l'un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de l'UE et le Haut Conseil pour le climat a jugé les efforts du gouvernement insuffisants et trop lents. La France octroie davantage de subventions aux énergies fossiles qu'elle n'en alloue aux énergies renouvelables, ce qui alimente la crise climatique qui menace directement les droits.
Le gouvernement de Macron devrait également renforcer les avancées réalisées en matière de droits des femmes et faire de la lutte contre les féminicides et de l'élimination de la violence et du harcèlement sexuels au travail une priorité.
« Le second mandat du président Macron devrait être l'occasion de réellement faire des droits humains une priorité de sa politique nationale et internationale », a déclaré Bénédicte Jeannerod. « Macron devrait démontrer comment une démocratie fortement ancrée dans le respect des droits fondamentaux de toutes et tous et de l'État de droit est à même de répondre aux grands enjeux nationaux et internationaux et, ce faisant, de contrer la montée de l'extrême droite. »
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