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Mali : Nouvelle vague d’exécutions de civils

L’armée et les islamistes armés devraient cesser de commettre des atrocités, et des enquêtes indépendantes devraient être ouvertes de toute urgence

Carte du Mali montrant divers sites d’exécutions sommaires présumées de civils, de décembre 2021 à mars 2022. © 2022 John Emerson pour Human Rights Watch

(Nairobi) – L’armée malienne et des groupes islamistes armés auraient tué au moins 107 civils dans le centre et le sud-ouest du Mali depuis décembre 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les victimes, dont la plupart auraient été exécutées sommairement, incluent des commerçants, des chefs de villages, des responsables religieux et des enfants.

Le gouvernement de transition malien devrait mener des enquêtes crédibles et impartiales sur ces meurtres présumés, dont au moins 71 impliqueraient des membres des forces gouvernementales, et 36 impliqueraient des membres de groupes islamistes armés, aussi appelés djihadistes. Les deux parties devraient mettre un terme aux exactions et veiller au respect des lois de la guerre, qui s’appliquent au conflit armé au Mali. 

« On constate une hausse dramatique du nombre de civils, y compris de suspects, tués par l’armée malienne et des groupes islamistes armés », a déclaré Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch. « Ce mépris total pour la vie humaine, qui se traduit notamment par des crimes de guerre manifestes, devrait faire l’objet d’enquêtes et les personnes impliquées devraient être punies comme il se doit. »

Les autorités devraient également faciliter la conduite d’enquêtes indépendantes par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali.

Depuis que l’actuel conflit armé a éclaté au Mali il y a une décennie, des groupes islamistes armés, des rebelles séparatistes, des milices ethniques et des membres des forces de sécurité gouvernementales ont tué des centaines de civils. La plupart de ces meurtres ont été commis dans le centre du Mali, qui depuis 2015 constitue l’épicentre de la violence, des exactions et des déplacements. Les groupes islamistes armés ont aussi tué des centaines de membres des forces de sécurité maliennes, dont 27 militaires lors d’une attaque à Mondoro le 4 mars 2022.

Plusieurs membres des groupes islamistes armés ont été poursuivis pour des délits pénaux, mais pratiquement personne des forces gouvernementales ou progouvernementales n’a fait l’objet d’investigations, et encore moins été tenu de rendre des comptes. La violence a provoqué le déplacement de plus de 320 000 personnes.

De janvier à mars 2022, Human Rights Watch, qui suit la situation au Mali depuis 2012, s’est entretenu en personne et par téléphone avec 49 personnes qui avaient connaissance de huit incidents, dont des chefs communautaires, des commerçants, des gens du marché, du personnel médical et des diplomates étrangers. Ces incidents se sont produits entre le 3 décembre 2021 et début mars 2022 dans les villes, villages ou hameaux de Boudjiguiré, Danguèrè Wotoro, Feto, Nia Ouro, Petaka, Songho, Tonou et Wouro Gnaga, dans les régions maliennes de Ségou, Mopti et Koulikoro, ou à proximité de ces lieux.

Des habitants locaux ont affirmé que des combattants islamistes avaient tiré des coups de feu sur un bus conduisant des commerçants à un marché à Bandiagara début décembre 2021, tuant 32 civils, dont au moins six enfants. De nombreuses victimes ont été brûlées vives après que l’autobus a pris feu. « Je me suis retrouvé face à un véritable carnage… une scène imaginable », a raconté un témoin. « La plupart des morts présentaient des brûlures terribles, si bien qu’il est difficile de savoir s’ils sont morts fusillés ou à cause de l’incendie du bus. »

Les forces de sécurité maliennes ont commis des exactions lors d’opérations antiterroristes en réponse à la présence croissante de groupes islamistes armés liés en grande partie à Al-Qaïda. Autour du 2 mars, des militaires se seraient livrées à des exécutions extrajudiciaires contre au moins 35 suspects dont les corps calcinés ont été retrouvés près du hameau de Danguèrè Wotoro, dans la région de Ségou. Il s’agit là de l’allégation la plus grave impliquant des membres de l’armée gouvernementale depuis 2012.

À Tonou, des villageois ont déclaré que 14 civils de l’ethnie dogon auraient été exécutés sommairement par des militaires, apparemment en représailles de la mort par engin explosif improvisé (EEI) de deux militaires non loin de là. « Les militaires ont traîné deux octogénaires et quatre autres personnes jusque sur le lieu de l’explosion de la mine et ils les ont exécutés sur place », a indiqué un témoin.

Le 4 mars, Human Rights Watch a adressé un courrier au gouvernement malien résumant les conclusions de ce rapport. Dans sa réponse, le gouvernement a indiqué que la gendarmerie avait ouvert des enquêtes sur les incidents à Tonou et Nia Ouro, qui étaient toujours en cours. Le ministère a qualifié les accusations d’exécutions sommaires commises à Danguèrè Wotoro de « fausses et sont de nature à discréditer les FAMa  », précisant toutefois que l’État-major des Armées avait ouvert une enquête sur l’incident le 5 mars. Le ministère a nié que l’armée soit responsable d’abus à Feto, Wouro Gnaga et Boudjiguiré, mais a indiqué être en train de recueillir plus d’informations pour déterminer qui était responsable.

Toutes les parties au conflit armé au Mali sont tenues de respecter le droit international humanitaire, notamment l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit coutumier de la guerre, qui stipulent le traitement humain des combattants capturés et des civils en détention. Les individus qui commettent des violations graves du droit de la guerre, y compris des exécutions sommaires et des actes de torture, devraient être poursuivis pour crimes de guerre. Les autorités maliennes sont également tenues de respecter le droit international des droits humains, qui garantit le respect de la procédure aux personnes soupçonnées d’avoir commis un crime. Le Mali est un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, laquelle a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis au Mali depuis 2012.

Le ministère de la Défense devrait mettre à pied le personnel militaire impliqué dans des exactions graves et veiller à ce que la gendarmerie prévôtale, chargée du respect de la discipline et des droits des détenus, soient présente lors de toutes les opérations militaires, a déclaré Human Rights Watch.

« Les magistrats et les procureurs militaires maliens devraient enquêter de manière impartiale sur les exactions présumées commises par toutes les parties », a précisé Corinne Dufka. « La CPI a une enquête ouverte sur le Mali et reste la juridiction de dernier ressort lorsque les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent pas enquêter et poursuivre les crimes les plus graves. »

Pour lire des récits détaillés sur ces attaques, veuillez voir ci-après. L’identité des personnes interviewées n’est pas divulguée pour leur sécurité.

Meurtres présumés de civils par des groupes islamistes armés

Petaka, 16 janvier 2022

Le 16 janvier, vers 17 heures, des combattants islamistes armés ont exécuté quatre hommes de l’ethnie dogon qu’ils avaient fait sortir de force d’un convoi de commerçants de retour du marché dans la ville de Douentza, dans la région de Mopti. Deux témoins ont indiqué que les combattants avaient ciblé ces hommes au motif qu’ils auraient soutenu une force de défense villageoise.

Un témoin qui a assisté à l’enterrement a identifié les quatre hommes comme étant Abdou Nouh, 63 ans ; Hama Bouka, 65 ans ; Nouh Diamgouno, 66 ans ; et Moctar Djibo, 40 ans. Il a précisé qu’ils avaient tous les quatre reçu une balle dans la tête. Un commerçant qui faisait partie du convoi a affirmé que les victimes, qui habitaient toutes le village voisin de Petaka, semblaient avoir été désignées spécifiquement dans le but d’être exécutées :

À environ cinq kilomètres de Douentza, entre Drimbe et Petaka, une douzaine d’hommes armés vêtus de boubous et quelques autres en tenue de camouflage ont fait irruption du bas-côté de la route et forcé notre convoi de tricycles motorisés et un autre véhicule à s’arrêter. Les assaillants ont pointé leurs armes et ordonné à tous les hommes de s’allonger sur la chaussée. Trois des assaillants ont fait le tour des commerçants, les dévisageant l’un après l’autre. Ils ont ordonné à quatre d’entre eux de s’allonger de l’autre côté de la route, puis leur ont attaché les mains derrière le dos. Ils ont ordonné au reste d’entre nous de partir. Ils n’ont pas posé de questions. Ils savaient qui ils recherchaient.

Des chefs communautaires ont affirmé que la situation était tendue entre les communautés peules et dogons du cercle de Douentza (une zone administrative) depuis 2018, lorsqu’une milice dogon avait démarré ses opérations dans la région. Human Rights Watch a précédemment documenté l’exécution par des miliciens dogons de plusieurs hommes peuls qui avaient été forcés de descendre de leur véhicule de transport en commun qui circulait dans la même zone que celle où l’attaque du 16 janvier avait été perpétrée.

Songho, 3 décembre 2021

Six témoins ont décrit une attaque commise le 3 décembre par un groupe islamiste armé contre un bus qui conduisait des commerçants de Songho jusqu’au marché de Bandiagara, à 15 kilomètres. Au moins 32 villageois sont morts dans cette attaque – un grand nombre d’entre eux de brûlures ou d’asphyxie par fumée, leur bus ayant pris feu alors que son conducteur, qui a également péri, tentait d’échapper à l’embuscade.

Un sage de la communauté dogon a communiqué à Human Rights Watch les noms des personnes décédées, parmi lesquelles figuraient 17 femmes et six enfants. Les villageois qui ont aidé à enterrer les défunts ont déclaré que les dépouilles de 28 personnes avaient été enterrées sur le lieu de l’accident, et que quatre autres, qui avaient péri après avoir été évacuées, étaient enterrées à Songho. Toutes les victimes appartenaient à l’ethnie dogon.

Un commerçant de 30 ans blessé dans l’incident et dont le bébé a péri dans l’attaque a indiqué :

À seulement quatre kilomètres de Songho, un groupe de djihadistes lourdement armés a surgi de la brousse, agitant leurs fusils en l’air et criant « Arrêtez-vous ! » Le conducteur a ralenti, faisant semblant d’obéir, avant de manœuvrer son véhicule de toutes ses forces pour faire demi-tour. Mais un autre groupe de djihadistes est sorti de derrière et s’est mis à tirer sur le bus. C’était la panique, les balles fusaient…. J’ai été touché. Le chauffeur a été touché et s’est effondré, sans vie, perdant le contrôle du bus, qui s’est renversé avant de s’enflammer.

Un autre passager a raconté : « Le véhicule était chargé de lourdes marchandises et il s’est renversé sur le côté du réservoir, dans une zone herbeuse, et avec des coups de feu tout autour. Il y a eu une explosion, ‘Boum !’, puis des cris, et une épaisse fumée noire lorsque tout a pris feu et que les gens ont tout fait pour tenter de s’échapper. »

Un autre passager a indiqué : « Nous avons réussi à retirer huit passagers blessés, mais quatre ont rapidement succombé à leurs blessures. »

Des chefs communautaires dogons de la région de Mopti ont raconté que l’incident du bus n’était que la dernière attaque en date à avoir été perpétrée par des groupes islamistes armés dans la région. En novembre, les insurgés ont enlevé des dizaines de civils dogons, dont un grand nombre dans les villages de Dimbal et Sokanka ; certains se trouvent toujours entre les mains des djihadistes. Des anciens de la communauté dogon ont affirmé que les enlèvements semblaient avoir eu pour but de les punir de leur soutien réel ou supposé à l’armée malienne.

Pillages et meurtres extrajudiciaires présumés commis par les forces de sécurité maliennes

Human Rights Watch a documenté des exactions présumées par les forces de sécurité maliennes qui se sont produites dans le contexte d’opérations militaires de grande ampleur, y compris les opérations Maliko et Kèlètigui qui ont démarré en décembre 2021. Les islamistes armés ont concentré leurs efforts de recrutement sur les éleveurs peuls en exploitant les griefs de ceux-ci à l’égard du gouvernement et d’autres groupes ethniques. La plupart des victimes des exactions présumées de l’armée appartenaient à l’ethnie peule, à l’exception de celles qui ont été tuées dans le village de Tonou, qui appartenaient à l’ethnie dogon.

Danguèrè Wotoro, autour du 2 mars 2022

Le 3 mars, des villageois ont découvert au moins 35 corps calcinés près du hameau de Danguèrè Wotoro, à environ 11 kilomètres de Diabaly, dans la région de Ségou. Trois témoins qui s’étaient rendus sur les lieux ont dit à Human Rights Watch que les victimes étaient toutes des hommes et qu’un grand nombre d’entre eux avaient les mains attachées et les yeux bandés et semblaient avoir été abattus par balles.

Trois parents ou amis d’hommes détenus lors d’opérations de sécurité dans la région de Ségou en février ont affirmé avoir identifié les hommes disparus parmi les morts. Le 5 mars, la mission de maintien de la paix des Nations Unies a affirmé qu’elle enquêtait sur l’incident. Dans un communiqué, le ministère malien de la Défense a nié toute implication de l’armée dans l’incident.  

Un homme qui s’était rendu sur place a déclaré :

J’ai vu des traces de pneus et de moto, et le bouchon d’un bidon plastique de 20 litres qui sentait le gasoil frais. Les corps étaient allongés en plusieurs groupes, sous des arbres, en plein soleil. La tête de certains semblait indiquer qu’ils avaient reçu une balle ; d’autres avaient la poitrine perforée. Leurs vêtements étaient brûlés et certains avaient les mains liées et les yeux bandés. Mon cœur battait la chamade. Je n’ai pas pu supporter de rester très longtemps. 

Un autre témoin qui s’était rendu sur les lieux a indiqué :    

J’ai comptabilisé 34 corps regroupés, plus un corps à une quinzaine de mètres. Un autre villageois sur place m’a dit qu’il venait d’identifier son frère et deux amis parmi les morts. Il a précisé que les trois hommes étaient des négociants en bétail et que l’armée les avait arrêtés en février. Plus tard ce jour-là, après mon retour au village, un autre homme que je connais m’a dit que lui aussi s’était rendu sur les lieux et qu’il avait reconnu quatre de ses bergers parmi les morts.

En février, des activistes et des sages communautaires locaux ont remis à Human Rights Watch les listes des noms d’une quarantaine d’hommes arrêtés depuis janvier 2022 lors de patrouilles et d’opérations militaires dans la région de Ségou et qui avaient ensuite disparu. Un activiste qui enquêtait sur ces disparitions a déclaré : « J’ai parlé avec des dizaines de membres de familles qui recherchaient un proche dans les prisons de Ségou, Bamako et Niono. Je crains que nous ne sachions désormais où ils se trouvent. »

Human Rights Watch s’est entretenu avec trois hommes qui avaient été détenus dans leur village de la région de Ségou lors d’opérations militaires en janvier et février, puis détenus dans le camp militaire de Diabaly. Un homme a vu des soldats faire sortir une trentaine d’hommes de leur cellule pendant la nuit, la veille du jour où les corps sans vie avaient été découverts. Il a affirmé :

Je faisais partie des 16 commerçants arrêtés par l’armée dans un marché au bétail à la mi-février, et pendant que j’étais détenu au camp militaire de Diabaly, de nombreux autres prisonniers sont arrivés. Moi et un grand nombre d’autres hommes avons été terriblement tabassés par des militaires maliens et quelques soldats blancs qui parlaient une langue que je n’avais jamais entendue. … Beaucoup d’entre nous avons été torturés. Un jour, un prisonnier a réussi à s’évader, ce qui a enragé les militaires. Ce soir-là, ils [les militaires] sont venus dans la zone close où nous étions détenus en déclarant : « Cette cellule est trop bondée ; nous devons réduire le nombre de personnes sinon d’autres parmi vous vont s’échapper. » Je ne sais pas selon quels critères certains hommes ont été choisis mais on aurait dit qu’ils prenaient les plus faibles, ceux qui avaient une fracture au bras ou à la jambe, ceux qui avaient perdu espoir ; ils leur ont ordonné de monter dans les camions. Un vieillard était tellement affaibli qu’il s’est effondré alors qu’il s’approchait du véhicule… et les militaires l’ont simplement ramassé et jeté à l’intérieur du camion comme un sac de riz.

Tonou, 27 janvier 2022

Neuf villageois ont décrit l’exécution sommaire de 14 villageois dogons par des militaires de l’armée malienne dans ce qui semble avoir été une attaque de représailles. Ils ont affirmé que vers 15 heures, le dernier véhicule d’un convoi composé d’environ 25 véhicules de l’armée qui traversait Tonou avait heurté un EEI à environ 500 mètres du village, tuant deux soldats et en blessant plusieurs autres. Les militaires ont immédiatement rassemblé et exécuté 14 villageois, dont le chef du village et un garçon. Un villageois a raconté :

Alors que le convoi passait à grand bruit, les gens sont sortis regarder ; certains saluaient les militaires en agitant les bras quand soudain on a entendu dans la direction du nord un grand « Boum ! ». Le dernier véhicule – une camionnette équipée d’une grosse mitrailleuse à l’arrière – avait heurté une mine. C’était à l’extérieur du village – les djihadistes avaient dû la poser là pendant la nuit. Nous ne comprenions pas du tout ce qui s’était passé. D’autres personnes ont accouru en se demandant ce qui était arrivé et si nous pouvions faire quelque chose. Les militaires ont fait faire demi-tour au convoi, ramassé leurs morts et leurs blessés, et sont devenus fous. Ils hurlaient, ils étaient furieux, et ils se sont mis à tuer des gens et à incendier le village. Nous n’aurions jamais cru pouvoir avoir peur de notre propre armée.

Les villageois ont indiqué que les militaires avaient rassemblé le chef du village, Sadou Tenbere Goro, et Boureima Agnome Goro, tous les deux octogénaires, ainsi que quatre autres personnes, dont un adolescent. Un villageois a affirmé :

Après l’explosion, plusieurs groupes de militaires ont patrouillé dans la ville, tuant des gens. Un groupe s’est rendu chez le chef. Nous pensions que les militaires voulaient juste s’entretenir avec lui et un autre sage qui se trouvait chez lui, comme cela se produit quand il arrive un tel événement, mais ils ont ordonné aux anciens de les suivre. En route, les militaires ont ordonné à quatre autres personnes sur lesquelles ils sont tombés par hasard – Hamid, Allaye et Halidou, des cinquantenaires, et Dauda, qui n’avait que 16 ans – de marcher jusqu’au lieu de l’explosion. Là, ils leur ont ordonné de se coucher par terre et ont tiré une balle dans la tête de chacun d’entre eux. Nous les avons retrouvés alignés, tous exécutés.

Le voisin d’une autre victime, Soumaila Goro, 53 ans, a indiqué : « C’était le boulanger du village, il vivait à la périphérie. Les militaires ont hurlé : ‘Vous n’avez même pas pu nous avertir qu’il y avait cette mine !’, ce à quoi le vieillard a répondu : ‘Les djihadistes ont posé les mines pendant la nuit…Comment vouliez-vous que l’on vous prévienne si nous n’étions pas au courant nous-mêmes ?’ Sentant monter la colère des militaires, il a couru se réfugier chez lui, mais les militaires ont enfoncé la porte et quelques minutes plus tard j’ai entendu trois coups de feu. Soumaila avait reçu des tirs à la tête, au ventre et au pied. Par la suite, ils ont volé les bijoux de sa femme et incendié ses motos. »

Un villageois qui aidait à enterrer les morts a rapporté :

Quand nous avons vu leur furie [des militaires], tous ceux d’entre nous qui en étions capables avons couru pour tenter de sauver notre peau. Quand je suis revenu sur les lieux, j’ai vu 14 personnes mortes : les six qui avaient été exécutées près du lieu de l’explosion ; deux aux abords du village ; et six autres à l’intérieur du village, dont Sita Goro, un étudiant de 25 ans tout juste revenu de Côte d’Ivoire ; Ali Malick Goro, tué par balle alors qu’il faisait ses ablutions ; le boulanger ; un négociant du nom d’Issaka, que l’on avait fait descendre de sa moto par la force et traîné pour l’abattre ; et quelques autres.

Un autre villageois qui avait aidé à sauver les villageois blessés dans une structure en feu a précisé : « Nos maisons se sont rapidement enflammées – elles ont de la paille tout autour pour nos animaux. D’une de ces maisons, nous avons extirpé deux dames âgées et un vieillard, tous à moitié inconscients et souffrant de brûlures. Un infirmier en a traité deux autres, dont un homme qui avait reçu des militaires des coups de pied au visage et dans les dents. »

Les témoins ont pensé que les militaires arrivés par la suite à bord d’un hélicoptère pour évacuer les soldats morts et blessés avaient contribué à mettre fin à la tuerie. « À l’arrivée de l’hélicoptère, les militaires ont immédiatement relâché une dizaine d’hommes, qui étaient allongés face contre terre près de la mosquée. Mais le mal était fait. »

Des sages dogons ont dit qu’ils avaient été choqués par les meurtres et que le gouvernement n’avait pas reconnu l’incident publiquement. « Ce n’est pas un village djihadiste ici », a précisé un ancien. « Les djihadistes nous ont apporté beaucoup de malheur : ils ont volé des centaines de nos bêtes, nous ont interdit de cultiver la terre et ont tué les fils du village qui avaient formé un groupe d’autodéfense. Nous réclamons une enquête pour empêcher qu’un dérapage comme celui-ci ne se reproduise. »

Le ministère de la Défense a indiqué à Human Rights Watch que la gendarmerie nationale avait ouvert une enquête sur l'incident de Tonou le 2 février.

Feto et Wouro Gnaga, 14 janvier 2022

Trois témoins ont décrit une opération militaire malienne le 14 janvier dans le village de Feto et dans le hameau voisin de Wouro Gnaga, dans le cercle de Niono, région de Ségou, où des militaires ont tué cinq civils. Trois des victimes semblent avoir été tuées d’une balle dans la bouche. Deux villageois étaient des personnes âgées, dont une a été brûlée vive chez elle après que des militaires avaient pillé et incendié des habitations et des commerces du village.

Les témoins ont indiqué que jusqu’à dix soldats « blancs » d’une nationalité incertaine, qui se déplaçaient à moto, avaient pris part à l’opération et se trouvaient dans les environs du lieu où les meurtres avaient été perpétrés – meurtres qui, d’après les témoins avaient été commis par l’armée malienne.

Deux témoins ont décrit l’arrestation à Feto de trois hommes retrouvés morts quelques heures plus tard. Un négociant de 45 ans a raconté :

Alors que j’étais caché près du pont à la sortie du village, j’ai vu des militaires arrêter mon ami Hamaï Modibo Bah [37 ans], l’attacher avec son turban et le faire monter à bord d’une camionnette. Je suis descendu de ma moto et tandis que je m’empressais de rentrer chez moi à pied, j’ai vu quatre militaires qui s’en prenaient à Ousmane Hama Boura [55 ans] devant chez lui. Il s’est précipité à l’intérieur, mais ils l’ont fait sortir de force et l’ont mis dans la camionnette avec Hamaï. Une troisième personne, Allaye Bah [33 ans], a également été arrêtée à son domicile ; ce n’est pas moi qui ai vu cela, mais sa femme m’a dit que les militaires avaient ordonné qu’on lui attache les mains et l’avaient mis dans la camionnette avec les deux autres.

Un autre témoin a indiqué :

Depuis ma fenêtre, j’ai vu un véhicule emmener les trois hommes vers le nord du village et, quelques minutes plus tard, j’ai entendu des coups de feu, « Pan ! Pan ! Pan ! » Je me suis dit : « Oh mon Dieu, ils sont en train de les tuer ! » Nous avons retrouvé leurs corps plus tard, à environ 800 mètres dans la brousse ; chacun avait un grand trou béant dans la nuque – tellement énorme qu’on aurait pu y passer la main… comme s’ils avaient reçu une balle dans la bouche. L’un d’eux avait des blessures sur le côté du visage, comme s’il s’était débattu avec le fusil qu’on lui avait mis dans la bouche.

Un témoin a décrit le pillage : « Les militaires enfonçaient les portes des gens, pillaient l’argent, des sacs de riz et les bijoux des femmes. Chez mon cousin, ils ont pris 700 000 CFA [1 200 dollars US]. C’est ça, l’armée professionnelle ? » Un autre homme a précisé : « Les militaires se sont introduits chez moi de force, ils ont fouillé dans tous mes sacs et ont volé des boucles d’oreilles, des bijoux et des vêtements. Je les ai vus bousculer ma voisine, une dame d’une soixantaine d’années, qui essayait de les empêcher de rentrer chez elle ; elle a été gravement blessée à la main. »

Un autre témoin a déclaré : « Je m’étais caché dans la forêt pendant l’attaque et en rentrant j’ai découvert 11 motos carbonisées, dont la mienne. J’ai vu des portes défoncées, des sacs de mil brûlés et des sacs d’engrais qui se déversaient dans la rivière. Les gens disaient qu’ils avaient volé des animaux et jeté notre nourriture. »

Un témoin a précisé que quelques soldats blancs étaient arrivés dans le village de Feto « à la fin de l’attaque, après la tuerie. Ils portaient des uniformes différents de ceux de l’armée malienne. Ils se déplaçaient à moto. Je n’ai pas reconnu la langue qu’ils parlaient. Ce n’était pas le français. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il s’agissait de soldats blancs, et que c’est quand ils sont arrivés que le pillage a pris fin ».

Les témoins ont dit que l’opération militaire s’était poursuivie jusque dans le hameau de Wouro Gnaga, à deux kilomètres à l’est, que les militaires avaient incendié et où ils avaient tué Coumba Bah, 84 ans, et Alphaga Bah, 65 ans. Les autres habitants avaient fui avant l’opération. Un témoin a indiqué qu’à environ 700 mètres, elle avait vu un convoi de 19 véhicules de l’armée et de soldats blancs sur 9 motos. Elle n’a été témoin d’aucun meurtre et ne savait pas non plus quel était le rôle des soldats blancs dans cette opération.

Elle a indiqué :

Après avoir entendu les coups de feu à Feto et appris que les FAMa [Forces armées maliennes, l’armée malienne] pillaient et tuaient, tout le monde s’est sauvé en courant, à l’exception de Coumba et d’Alphaga qui étaient trop faibles pour courir. Le convoi est arrivé vers 9 heures du matin et il est resté deux heures. J’ai vu des soldats qui encerclaient le hameau, et au bout de quelques minutes j’ai vu des flammes et de la fumée. Quelques heures plus tard, je suis revenue et j’ai trouvé le corps calciné de Coumba chez elle. Dieu seul sait si les militaires savaient qu’elle était là. Alphaga avait reçu deux balles dans la poitrine, près de l’épaule, et dans les deux pieds. Il n’y a pas eu de bataille – les djihadistes n’étaient absolument pas dans les parages ce jour-là.

Un témoin de Feto a affirmé :

Il y a des djihadistes dans cette zone, mais eux et leurs familles ne sont pas stupides… ils se sont enfuis avant l’attaque. Nous, nous sommes restés. Nous souffrons à cause des djihadistes qui imposent la zakat [une taxe] et nous interdisent de nous rendre sur les tombes de nos anciens, qu’ils qualifient de haram [interdit]. Alors pourquoi l’armée nous a-t-elle tués nous ?

Nia Ouro, 4 janvier 2022

Le 4 janvier, les forces de sécurité maliennes auraient tué quatre personnes et incendié et pillé des biens appartenant à des civils lors d’une opération de sécurité dans le village de Nia Ouro, cercle de Djenné, région de Mopti. Des témoins ont affirmé que les corps avaient été retrouvés après le départ des soldats. France 24 et RFI ont également rendu compte de l’attaque.

Deux témoins ont dit avoir reconnu certains des soldats impliqués dans l’opération. « J’ai vu un convoi de 13 véhicules militaires quitter Sofara [à dix kilomètres de Nia Ouro] le 3 janvier, en fin d’après-midi, et le lendemain, quand en allant au marché de Nia j’ai été arrêté par certains de ces soldats », a indiqué un témoin.

Un autre témoin a affirmé : « Arrivés à Nia Ouro le 3 janvier, les soldats ont interdit aux gens de parler dans leur téléphone pour les empêcher de prévenir les djihadistes de leur présence. Le 4 janvier, dès le petit matin, ils ont érigé des barrages routiers, arrêtant toute personne qui entrait dans le village ou en sortait. »

Un troisième témoin a indiqué : « D’autres soldats se sont dispersés à travers le village, arrêtant des hommes qui se rendaient dans leur champ ou au marché, ou qui sortaient du village. D’autres ont été capturés à leur domicile. Je les ai entendus accuser des gens d’être des complices des djihadistes. »

Un témoin a décrit la détention de deux des quatre hommes dont les corps ont ensuite été retrouvés dans une tombe peu profonde :

Les soldats nous ont donné l’ordre de nous allonger sur le ventre – nous étions plus de dix dans mon groupe et, à quelques mètres de là, il y avait un autre groupe d’hommes qui avaient été arrêtés. Les soldats nous ont pris tous nos téléphones pour voir si les djihadistes essayaient de nous contacter. Tandis que nous étions allongés, les téléphones de certains d’entre nous se sont mis à sonner – la nouvelle de l’opération s’était répandue, et nos familles venaient aux nouvelles. Chaque fois qu’un nouveau téléphone sonnait, un soldat le prenait en demandant : « À qui appartient ce téléphone ? Levez-vous… répondez-y ! » Ils le mettaient alors sur haut-parleur et écoutaient la conversation. Ceux dont la famille demandait des nouvelles ont été relâchés. Mais deux hommes – Allaye Sadou Diagayete, 50 ans, un marabout [chef religieux], et Issa Alpha Sangaré, 40 ans – ont refusé de parler à la personne au bout du fil ou ont raccroché. Pour les soldats, cela prouvait que le correspondant et les hommes étaient des djihadistes. Les soldats les ont tabassés, leur ont bandé les yeux, leur ont attaché les mains et les ont mis dans leur véhicule. Ils ont libéré les autres, dont moi.

Deux témoins ont décrit le meurtre d’un homme qui était détenu par un second groupe de soldats. L’un d’eux a expliqué :

J’étais détenu avec huit autres à un poste de contrôle tenu par cinq soldats. Les soldats nous ont demandé notre religion. Quand nous avons répondu que nous étions musulmans, l’officier en charge a dit : « Mensonges ! Vous êtes tous des terroristes, c’est vous qui minez les routes et qui nous attaquez ! » À un moment, ils ont donné l’ordre à un autre groupe de commerçants qui arrivaient dans la ville de descendre de leurs motos. Lorsqu’un de ces commerçants, Aldjouma Boureima Diagayete, 53 ans, a pris un appel sur son téléphone sans en avoir la permission, un soldat lui a ordonné de s’approcher de lui. L’homme a expliqué que c’était sa famille qui l’appelait, mais le soldat l’a frappé avec la crosse de son arme, et après sa chute, il lui a tiré dessus, « Boum ! », à la tête ! En voyant cela, l’un des hommes détenus a dit : « La ilaha illa-Allah [Il n’y a de dieu qu’Allah, la première phrase de la profession de foi islamique ou chahada] », ce qui a poussé le soldat à menacer de le tuer, lui aussi. Il était l’un des quatre hommes qui avaient été arrêtés pendant l’opération puis emmenés à Bamako ; il avait juste dit une prière pour le défunt.

Deux témoins ont indiqué que d’autres soldats qui participaient à l’opération avaient tué un autre homme, vraisemblablement parce qu’il avait refusé de s’arrêter à un poste de contrôle : « Les soldats ont donné à un vieil homme qui sortait du village à bord d’une carriole à âne l’ordre de s’arrêter », a expliqué un témoin. « Je ne sais pas s’il n’a pas entendu l’ordre, mais il a continué d’avancer, ce qui semble avoir surpris les soldats, et ils l’ont abattu. »

Des témoins ont déclaré que, le 5 janvier, des villageois avaient trouvé les dépouilles de quatre hommes dans une tombe peu profonde située à environ un kilomètre à l’est de Nia Ouro. Parmi eux se trouvaient les deux hommes qui avaient été détenus au poste de contrôle, qui avaient tous les deux les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos ; l’homme qui avait été tué après avoir refusé d’obéir aux soldats qui lui ordonnaient de s’arrêter ; et l’homme abattu au poste de contrôle.

« Un fermier qui se rendait dans son champ s’est empressé de regagner le village et nous a dit qu’il avait vu des parties de corps dans le sable », a indiqué un témoin. « Nous sommes allés voir en groupe et avons découvert quatre corps… Nous les avons enterrés correctement, dans des tombes individuelles. »

Les témoins ont rapporté que les soldats avaient aussi incendié et pillé le village de Nia Ouro, et sérieusement battus deux autres habitants. « Je les ai vus mettre le feu à des maisons et des motos, et voler des bijoux et les bracelets d’amies à moi », a raconté une femme de 59 ans.

Un commerçant de 61 ans a raconté :

J’ai trouvé des biens calcinés, dont 16 habitations, trois greniers à mil, trois motos et une bicyclette. J’ai aussi vu Allaye Boubou Diawodio, 60 ans, et Baba Diagayete, 50 ans, qui avaient été gravement tabassés. L’un d’eux m’a dit que des soldats l’avaient fait sortir de force d’en dessous de son lit et l’avaient battu à coups de crosse de fusil. L’autre avait un bras fracturé. Les deux saignaient… Ils avaient du mal à parler et à marcher. Ils ont dit que les soldats leur demandaient sans cesse où se cachaient les djihadistes.

Le porte-parole de l’armée malienne a affirmé dans une déclaration le 5 janvier que l’armée avait « déjoué une autre action terroriste coordonnée dans le secteur de Nia Ouro », ajoutant que les forces avaient neutralisé 15 motocyclistes « observés en provenance de la forêt de Sama ».

Dans une lettre adressée à Human Rights Watch, le ministère de la Défense et des Anciens combattants a indiqué qu'il avait ordonné le 8 février une enquête sur cet incident, et que, le 22 février, la gendarmerie nationale avait mené sa première mission dans le village.

Boudjiguiré, 31 décembre 2021

Le 31 décembre, l’armée malienne a mené une opération de grande ampleur à Boudjiguiré, dans la région de Koulikoro, lors de laquelle des soldats ont détenu puis exécuté au moins 13 hommes. Plusieurs témoins estiment que les soldats impliqués dans les meurtres étaient basés à Nara, à 60 kilomètres de là, car des amis qui vivent à Nara les avaient appelés le matin de l’opération pour leur dire qu’ils avaient vu un important convoi militaire quitter sa base de Nara et se diriger vers le nord en direction de Boudjiguiré.

Des sages communautaires ont affirmé que, d’après eux, les meurtres de civils avaient été commis en représailles d’une attaque perpétrée dans la zone par des groupes islamistes armés le 29 décembre, lors de laquelle huit soldats avaient trouvé la mort et une dizaine d’autres avaient été blessés.

« Aux alentours de 10 heures du matin, une colonne d’une trentaine de véhicules de l’armée dont trois camions est passée, puis quelques heures plus tard je les ai vus quitter la ville ; au milieu se trouvait un [camion] avec une dizaine d’hommes, les yeux bandés et les mains attachées », a indiqué un témoin à Boudjiguiré. « J’ai pensé qu’ils les emmenaient à Nara à des fins d’enquête. »

Un autre témoin a expliqué :

Les soldats ont encerclé le marché et arrêté des gens qui vendaient leurs marchandises ou leur bétail sur le marché, devant leurs habitations et leurs commerces, et près de la mosquée. La plupart étaient de la ville, mais plusieurs venaient de villages voisins. Parmi eux se trouvait le troisième adjoint au maire et notre médecin, après qu’il avait interrogé les soldats sur les raisons pour lesquelles ils arrêtaient des gens. Certes, cette zone compte de nombreux djihadistes. Et quelques jeunes du village ont rejoint leurs rangs, mais quand l’armée est arrivée, elle n’a trouvé aucun djihadiste. L’armée a commis une grave erreur.

Le lendemain, des villageois ont trouvé les hommes enterrés dans une tombe peu profonde près du hameau de Doloba, à trois kilomètres de Boudjiguiré. Les sages de la localité ont remis à Human Rights Watch une liste des 13 hommes, âgés de 25 à 80 ans, qui ont été tués, dont l’adjoint au maire Hama Lamine Doucouré, 52 ans ; El Hadj Sidi, responsable de l’association de la jeunesse ; et le Dr Modibo Doucouré, médecin.

Un villageois a expliqué :

Quand nous avons découvert la tombe peu profonde, je me suis mis à trembler en voyant le visage du médecin ; il avait reçu une balle dans la tête. J’ai également reconnu El Hadj Sidi, le président de l’association de la jeunesse, qui avait reçu des balles à l’épaule, à la main et au pied. J’ai vu Ibrahim, Sekou, Yamarou, qui vend du mil, et Dembele, un octogénaire qui avait été appréhendé près de la mosquée. Quant aux autres, les bandeaux qu’ils avaient sur les yeux étaient tellement serrés qu’il a fallu les découper pour voir leurs visages. C’était trop… Nous avons creusé deux tombes pour les y enterrer.

Des villageois ont affirmé qu’aucun combattant islamiste ne se trouvait parmi les personnes tuées. « Certes, quelques jeunes gens de la région ont rejoint les djihadistes, mais ce jour-là, il n’y a eu aucune bataille et ceux qui ont été tués n’étaient pas des djihadistes », a précisé l’un d’entre eux. D’autres villageois ont expliqué avoir été menacés par des groupes islamistes armés. L’un d’eux a ainsi raconté :

L’année dernière, ils nous ont donné l’ordre de laisser pousser nos barbes et de raccourcir nos pantalons et ils nous ont mis la pression pour que nous les aidions à combattre les soldats, qu’ils appelaient des « infidèles ». Ils ont menacé de me tuer parce que je remettais en question leur vision de l’Islam. Nous connaissons les djihadistes. Ceux qui ont été tués par notre armée étaient des civils. Et puis, les djihadistes savent bien à l’avance quand l’armée arrive. J’ai personnellement vu des djihadistes recevoir des appels sur leur talkiewalkie où on les avertissait de ce que les soldats allaient dans leur direction.

Deux témoins ont indiqué que les victimes avaient été faussement identifiées comme étant des « djihadistes » par un habitant local qui travaillait comme guide pour l’armée et qui avaient des différends avec plusieurs membres de la communauté. « C’était un règlement de comptes », a commenté un témoin. « L’armée est tombée dans son piège. »

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Correction

Une version précédente de cette version en ligne indiquait, « Le ministère a qualifié les accusations d’exécutions sommaires commises à Danguèrè Wotoro [Wotoro Danga] de « ‘fake news’ […] dont l’objectif est de discréditer les FAMA », précisant toutefois que l’État-major des Armées avait ouvert une enquête sur l’incident le 5 mars.

Le français a été mis à jour pour lire : « Le ministère a qualifié les accusations d’exécutions sommaires commises à Danguèrè Wotoro [Wotoro Danga] de « ‘fausses et sont de nature à discréditer les FAMa », précisant toutefois que l’État-major des Armées avait ouvert une enquête sur l’incident le 5 mars.

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