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Ballot envelope, initials Republique Francaise, with a ballot box.

Élection présidentielle française - Voter pour les droits humains : Un guide pour 2022

Enveloppe de bulletin de vote, sigle Republique Francaise, avec une urne de vote, le 5 mars, Gace, France. © Sipa via AP Images

Les élections donnent aux électeurs l'occasion à la fois d'exercer leurs droits humains - de choisir librement leurs représentants et de jouir de la liberté d'opinion et d'expression - et de promouvoir les droits humains pour tous.

Dans le cadre de l’élection présidentielle française de 2022, de nombreux sujets importants pour les électeurs impliquent les droits humains fondamentaux, comme le respect de l’Etat de droit en France et en Europe, le droit d'être protégé contre les violences et les discriminations de genre, le droit à l'égalité d'accès aux vaccins et aux soins de santé dans le contexte de la pandémie de Covid-19, l'égalité de traitement par la police et les autres autorités, le respect des droits des migrants et du droit d'asile.

Être un électeur pour les droits humains, ça veut dire quoi ? 

Un électeur pour les droits humains devrait soutenir les candidat.e.s voulant que le pays adopte et renforce les lois garantissant la promotion et la protection des droits fondamentaux de chacun. Les électeurs devraient examiner ce que disent les programmes des candidats concernant les principales questions relatives aux droits humains et soutenir les candidat.e.s qui agiront en faveur de politiques donnant à chacun.e les mêmes chances d’exercer ses droits fondamentaux en France, et qui défendront le respect des droits humains à l'étranger.

Alors que les candidats cherchent à obtenir votre vote, voici quelques questions élémentaires relatives aux droits humains que vous pourriez prendre en considération.

1. Droit à un environnement propre, sain et sûr

Une jeune femme tient une pancarte sur laquelle on peut lire "Il n'y a pas de planète B" lors d'un rassemblement sur le changement climatique à Toulouse, le 6 novembre 2021. © 2021 Alain Pitton/NurPhoto via AP

La France s'est engagée à réduire ses émissions de 40 % d'ici à 2030. Néanmoins, la France est l'un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de l'UE. Elle octroie davantage de subventions aux projets liés aux énergies fossiles, à l'origine de la crise climatique, qu’aux énergies renouvelables. Le réchauffement climatique signifie que de graves phénomènes climatiques, comme des vagues de forte chaleur et des incendies de forêt, vont devenir plus fréquents et plus intenses, avec un impact de plus en plus négatif sur les droits humains.

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- La lutte contre le réchauffement climatique est-elle une priorité pour le ou la candidate ? 

- Que prévoit-il/elle de faire pour atteindre l'objectif de 2030 ?

- Que compte faire le ou la candidate pour tenir les entreprises responsables de leur rôle dans le changement climatique et la dégradation de l'environnement ?

- Que prévoit le ou la candidate aux niveaux national et européen pour mettre fin aux subventions aux énergies fossiles et restreindre les importations de produits qui favorisent la déforestation au niveau mondial ?

Ce que dit le droit international :

Le 8 octobre 2021, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté la résolution 48/13, reconnaissant le droit humain à un environnement propre, sain et durable. 

En 2021, le sommet climatique de Glasgow (COP26) a abouti à un nouveau pacte mondial engageant les gouvernements à prendre des mesures de plus en plus ambitieuses pour faire face à la crise climatique, avec pour objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.

L'article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne exige qu'un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité soient intégrés dans les politiques de l'UE et assurés conformément au principe du développement durable.

2. Les droits socio-économiques et la pandémie de Covid 19

Des bénévoles de l'association Linkee préparent des boîtes de  denrées alimentaires pour des étudiants à Paris, le 11 février 2021. © 2021 Raphael Lafargue/Abaca/Sipa via AP Images

Comme partout dans le monde, la crise du Covid-19 a exacerbé la précarité en France. Davantage de personnes ont souffert de précarité alimentaire et ont eu recours à l'aide alimentaire. La précarité a augmenté chez les jeunes, et certains n’ont pas suffisamment bénéficié des mesures de protection sociale. Les régions de France qui connaissaient déjà des inégalités économiques ont également particulièrement été impactées par les décès dus au Covid-19.

En janvier 2022, les taux de vaccination contre le Covid-19 étaient plus faibles parmi les personnes vivant dans la pauvreté. Bien que la vaccination soit ouverte à tous, dans la pratique de nombreux obstacles peuvent subsister pour les populations marginalisées, comme le manque d’accès à l’information.

Au niveau mondial, l'accès aux vaccins a été profondément inéquitable, en partie du fait des limites de production renforcées par les règles entravant le partage de la propriété intellectuelle et de la technologie pour les vaccins et autres outils thérapeutiques contre le Covid-19. Cette situation a augmenté de manière disproportionnée les risques de transmission de la maladie et de la mortalité chez les personnes marginalisées des pays à revenu faible ou intermédiaire. Sur le continent africain, moins de 10% de la population est vaccinée. L’opacité des contrats d’achat de vaccins conclus avec les entreprises ont nui à la transparence et à la notion de redevabilité des marchés publics.  

L'accès inéquitable aux technologies de santé liées au Covid-19 ont également favorisé l’émergence de variants et de souches, comme Omicron l’a démontré. Cela a prolongé la pandémie et la nécessité de mettre en place des mesures très contraignantes comme les confinements, qui restreignent les droits et les libertés, et peuvent menacer la sécurité de personnes vulnérables comme les victimes de violences domestiques.

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Que fera le ou la candidate pour atténuer l'impact de la crise du Covid-19 sur les populations les plus à risque en France ? 

- Que fera le ou la candidate pour s'assurer que les personnes les plus vulnérables sur le plan socio-économique en France seront mieux soutenues en cas de crise future, afin que les conséquences négatives ne se répètent pas ? 

- Le ou la candidate soutient-il/elle la levée temporaire des brevets envisagée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour faciliter l'accès universel aux vaccins, aux médicaments et aux tests à l’échelle mondiale ? Le ou la candidate soutient-il/elle les transferts de technologie des vaccins vers les fabricants des pays à revenu faible ou intermédiaire ?

- Quelles mesures le ou la candidate proposera-t-il/elle pour rendre les vaccins contre le Covid-19 et les autres contrats d'approvisionnement transparents, au niveau national, au niveau de l'Union européenne (UE), et en ce qui concerne le dispositif mondial d'approvisionnement en vaccins COVAX, afin que l’utilisation de l'argent des contribuables fasse l’objet de contrôles accrus ?

Ce que dit le droit international :

Le droit international des droits humains garantit à chacun le droit d’avoir le meilleur état de santé qu’il est possible d’atteindre et oblige les gouvernements à prendre des mesures pour prévenir les menaces à la santé publique et permettre l'accès aux soins médicaux à ceux qui en ont besoin. 

Le droit à la santé est énoncé dans :

- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 12) ;

- la Charte sociale européenne (article 11) ; et

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 35).               

En réalisant le droit à la santé, les gouvernements sont tenus de prendre des mesures « tant par [leur] effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de [leurs] ressources disponibles » (article 2.1, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a déclaré qu'il incombe tout particulièrement aux gouvernements et aux autres acteurs en mesure d'apporter leur aide, de fournir une assistance et une coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, de permettre aux pays en développement de prendre des mesures efficaces pour « le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies", y compris par "la mise en œuvre ou le renforcement des programmes de vaccination et autres stratégies de lutte contre les maladies infectieuses ».

Le droit à un niveau de vie suffisant, y compris les droits à une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, à des soins et à la sécurité sociale, est garanti par la :

- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (articles 9 et 11) ;

- la Charte sociale européenne (articles 12, 13, 14, 23, 20 et 31) ; et

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 34). 

3. Droits des femmes/Droit d'être protégé contre la violence domestique et le harcèlement sexuel au travail

Des femmes portent une banderole "Stop aux violences sexistes et sexuelles", le 20 novembre 2021 à Paris. © 2021 AP Photo/Adrienne Surprenant

La crise du Covid 19 a eu un impact disproportionné sur l'emploi des femmes. Plus de femmes que d'hommes ont réduit leur temps de travail ou quitté leur emploi pour pouvoir s’occuper de leurs familles. Les femmes sont également surreprésentées dans les métiers en première ligne dans la réponse à la pandémie, en particulier aux niveaux inférieurs, où les risques d'infection sont les plus élevés.

Les confinements liés au Covid-19 ont créé des risques spécifiques pour les victimes de violences domestiques, dont les signalements ont augmenté de manière significative. Le taux de féminicides en France est l'un des plus élevés d'Europe.

En octobre 2021, le Parlement français a adopté un projet de loi pour permettre à la France de ratifier la Convention sur la violence et le harcèlement au travail de l'Organisation internationale du travail (C190), mais la France ne l'a toujours pas fait.

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate fait-t-il/elle des droits des femmes et de l'élimination de la violence contre les femmes et les filles des priorités ?

- Quelles mesures concrètes le ou la candidate soutient-il/elle pour prévenir et répondre à la violence domestique et pour lutter contre les féminicides ? 

- Le ou la candidate engagera-t-il/elle les réformes nécessaires pour protéger les personnes contre la violence et le harcèlement sexuels au travail, et pour garantir que les victimes de violence domestique ne soient pas impactées par des politiques au travail qui rendent plus difficile l'obtention de l'aide dont elles ont besoin ?

Ce que dit le droit international : 

Les instruments juridiques internationaux qui portent sur la discrimination à l'égard des femmes incluent :

- La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) que la France a ratifiée en 1983.

- La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) ratifiée par la France en 2014.

- La Convention de l'OIT sur la violence et le harcèlement au travail (C190) qui établit des protections concrètes pour garantir un monde du travail exempt de violence et de harcèlement, y compris de violence fondée sur le genre et de harcèlement à caractère sexuel.

- La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 23) qui prévoit que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris l'emploi, le travail et la rémunération.

4. Le droit à l'égalité de traitement par la police

Des agents de police contrôlent les documents d'identité de passants pendant le confinement à Rennes, en France. Le 11 avril 2020. © 2020 Sipa via AP Images

Bien que le Conseil constitutionnel ait confirmé l’obligation que les contrôles d'identité de la police soient "fondés exclusivement sur des critères excluant toute forme de discrimination", le profilage ethnique lors des contrôles de police, qui affectent particulièrement les jeunes Noirs et Arabes, reste une pratique généralisée en France.

Voici des questions que vous pourrieez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à mettre fin aux pratiques policières discriminatoires visant les jeunes Noirs et Arabes ? 

- Le ou la candidate réformera-t-il/elle le cadre juridique des contrôles d'identité, engagera-t-il/elle des mesures spécifiques pour les contrôles de police ciblant les enfants, développera-t-il/elle un système d'enregistrement des contrôles d’identité, de collecte et d’analyse des données relatives à ces contrôles et créera-t-il/elle un mécanisme de plainte indépendant? 

Ce que dit le droit international : 

L’interdiction de la discrimination imprègne l'ensemble du droit international des droits humains, et les principaux traités internationaux relatifs aux droits humains contiennent une disposition protégeant les droits qui y sont énoncés sans distinction d'aucune sorte, notamment pour des motifs tels que la race, la couleur de peau, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance ou toute autre situation. Le terme "sexe" inclut la protection contre la discrimination fondée sur le genre, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.

C’est par exemple le cas :

- Des articles 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (trois instruments qui constituent la Charte internationale des droits de l'homme) ; 

- De l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

- De l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

D'autres traités fondamentaux portent sur la non-discrimination pour des motifs spécifiques, notamment la race :  

- La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) que la France a ratifiée en 1971.

5. Respect des droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile 

Un migrant de la région kurde d'Irak se réchauffe en brûlant du bois de chauffage dans un camp de migrants improvisé dans la région de Dunkerque, dans le nord de la France, le 5 décembre 2021. © 2021 Geovien So / SOPA Images/Sipa via AP Images

Dans toute l'Europe, plusieurs pays sont engagés dans de violents refoulements de personnes migrantes aux frontières et soutiennent l'externalisation des contrôles migratoires vers des pays ayant moins de capacités et moyens de surveillance. Ces pratiques menacent des droits humains protégés au niveau international, tels que le droit de chacun à quitter son pays, le droit de demander l'asile pour échapper à la persécution, et le droit de ne pas être renvoyé dans un endroit où sa vie ou sa sécurité seraient menacées.

Des organisations de défense des droits humains ont également documenté le traitement dégradant infligé aux migrants par les autorités françaises, notamment le harcèlement policier, des restrictions d’accès à l’aide humanitaire, des expulsions sommaires d’enfants non accompagnés à la frontière franco-italienne, et le refus d’accès d’enfants migrants non-accompagnés à la protection et aux services essentiels sur le territoire français.  

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à traiter les migrants et les demandeurs d'asile avec humanité, à respecter pleinement leurs droits, et à protéger le droit d'asile ? 

- Le ou la candidate soutient-il/elle la mise en place d'un mécanisme permanent de relocalisation et de partage des responsabilités au sein de l'UE afin d'alléger la pression sur les premiers pays d'arrivée et la souffrance des personnes aux frontières extérieures de l'UE ? Défendra-t-il/elle des programmes de relocalisation temporaire d'urgence en cas d'augmentation des arrivées ? 

- Le ou la candidate  s'engage-t-il/elle à garantir que les enfants migrants non accompagnés présents sur le territoire français bénéficient de la protection et des services auxquels ils ont droit ?

Ce que dit le droit international : 

Le droit international garantit à chacun le droit de chercher asile :

- La Déclaration universelle des droits de l'homme (article 14) qui stipule que devant la persécution, toute personne a le droit de demander et de bénéficier de l'asile en d’autres pays.

- La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit le droit d'asile (article 18).

Pour les personnes reconnues comme réfugiées, la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951 (et son protocole de 1967) définit un cadre de protection, notamment contre le renvoi dans des pays où elles risquent d'être persécutées.

Indépendamment de leur statut, de la manière dont elles arrivent dans un pays et des raisons pour lesquelles elles le font, toutes les personnes en déplacement - qu'il s'agisse de réfugiés, de demandeurs d'asile ou de migrants - ont des droits fondamentaux que les États doivent respecter. Le droit de ne pas subir de peines ou de traitements cruels, inhumains et dégradants fait partie intégrante de ces droits. Il s’agit d’un droit absolu, ce qui signifie qu’y porter atteinte n'est justifié en aucune circonstance. Le retour ou le renvoi d'une personne vers un pays où elle court un risque réel de torture constitue une violation de ce droit. L'interdiction de la torture fait partie du droit international coutumier, mais elle est également prévue par plusieurs traités, notamment :

- La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 7) ;

- La Convention européenne des droits de l'homme (article 3) ;

- La Convention relative aux droits de l'enfant (article 37).

Cette dernière stipule que les enfants ont droit à une prise en charge, une protection et une assistance particulières, en particulier s'ils ne sont pas accompagnés ou s'ils sont "temporairement ou définitivement privés de leur milieu familial". Les enfants bénéficient également du droit d’être protégés contre la violence, la négligence et l'exploitation.

Le droit de l'Union européenne comprend de multiples directives qui régissent la procédure d'asile.  La directive "qualification" (2011) contient les exigences relatives à l'examen d'une demande d'asile. Son objectif est de garantir des conditions harmonisées dans toute l'UE pour obtenir le statut de réfugié ou le droit à la protection subsidiaire. La directive sur les conditions d'accueil (2013) établit des normes communes pour les conditions de vie des demandeurs d'asile pendant la procédure d'asile. Cela inclut des règles sur le logement, les soins médicaux et le marché du travail. La directive sur les procédures d'asile (2013) détermine les normes minimales pour le déroulement de la procédure d'asile.

6. L'État de droit et les droits à la liberté d'association et de manifestation pacifique

Des policiers et une brigade anti-criminalité sécurisent une rue lors d'une opération anti-terroriste à Argenteuil (banlieue parisienne) le 21 juillet 2016, date à laquelle l'état d'urgence en vigueur en France depuis le 14 novembre 2015 a été prorogé. © 2016 Reuters / Charles Platiau

Depuis 2015, la France a passé plus de 35 mois sous le régime de l’état d'urgence, d'abord pour des raisons sécuritaires, puis sanitaires, pour faire face à la pandémie de Covid-19. L’état d'urgence octroie au pouvoir exécutif des pouvoirs exceptionnels et peut imposer des restrictions temporaires à l'exercice de certains droits et libertés fondamentauxs. Des mesures telles que les couvre-feux, les fermetures administratives de lieux de culte, les restrictions à la circulation et à la tenue de manifestations, et les mesures de surveillance restreignent les droits à la liberté de réunion et d'association.

Sous le régime de l’état d'urgence, les lois peuvent être adoptées selon des procédures parlementaires accélérées, avec un temps de débat, de consultation et d’examen réduit, et peuvent ne pas prévoir de contrôle judiciaire des mesures. Dans certains cas, des mesures exceptionnelles introduites pendant l'état d'urgence ont ensuite été incorporées dans des lois ordinaires, élargissant leur application au-delà de l'urgence pour laquelle elles étaient jugées nécessaires. Les autorités françaises ont ordonné la dissolution d'une organisation anti-discriminations, alléguant entre autres que ses activités incitait à la discrimination.

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Que compte faire le ou la candidate pour garantir le respect des libertés fondamentales et de l'État de droit tout en protégeant la population des menaces liées à la sécurité nationale et au Covid-19 ?

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à faire en sorte que les mesures d'urgence soient soumises à un contrôle parlementaire et judiciaire approprié et ne deviennent pas des mesures permanentes intégrées au droit ordinaire pour être utilisées au-delà de l'état d'urgence ?  

- Le ou la candidate considère-t-il/elle les associations de lutte contre les discriminations comme faisant partie du problème ou respecte-t-il/elle leur droit d'association ?   

Ce que dit le droit international : 

Les droits de réunion et de manifestation pacifiques et d'association sont protégés par plusieurs traités, notamment :

- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 21 et 22) ;

- La Convention européenne des droits de l'homme (article 7) ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 12). 

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 4) et la Convention européenne des droits de l'homme (article 15) reconnaissent que dans le contexte de graves dangers publics menaçant la vie de la nation, les restrictions de certains droits peuvent être justifiées lorsqu'elles ont une base légale, sont strictement nécessaires, et ne sont ni arbitraires ni discriminatoires dans leur application. Elles doivent avoir une durée limitée, respecter la dignité humaine, être sujettes à un réexamen et être proportionnées pour atteindre l'objectif poursuivi. 

7. Union européenne - Défendre l'État de droit et les réfugiés

Des migrants au camp de réfugiés de Kara Tepe, sur l'île de Lesbos, au nord-est de la mer Égée, en Grèce, le 14 octobre 2020. © 2020 AP Photo/Panagiotis Balaskas

L'Union européenne (UE) se trouve à un moment critique lorsqu'il s'agit de défendre ses valeurs. Plusieurs responsables politiques d’Etats membres de l’UE s’adonnent à une remise en cause accrue des valeurs fondatrices de l’UE. Ils tentent de saper les institutions démocratiques et l'État de droit en instaurant des lois ciblant les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (LGBT), les droits des femmes, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté des médias et les défenseurs des droits humains. Des mécanismes européens existent pour tenir les États responsables du non-respect de ses valeurs, notamment par le biais de sanctions et en conditionnant les fonds de l'UE à des réformes.

Human Rights Watch et de nombreuses autres organisations non gouvernementales et internationales ont documenté des refoulements illégaux, parfois accompagnés de violences, de migrants et de demandeurs d'asile aux frontières extérieures de l'UE, notamment en Croatie, en Grèce, en Hongrie, en Espagne et, plus récemment, en Pologne. Les institutions européennes ont échoué de manière récurrente à répondre à ces graves violations. Depuis 2014, plus de 23 300 personnes sont mortes en mer Méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe. L'UE ne pratique pas d’opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée et les ONG qui tentent de pallier ce manque se heurtent à des tentatives d’obstruction. Les États membres et agences de l'UE (comme l’agence de garde-frontières et de garde-côtes Frontex) fournissent un soutien matériel et financier aux garde-côtes libyens pour intercepter les personnes en mer et les ramener en Libye où elles sont détenues de manière abusive et arbitraire. 

La Commission européenne a appelé les États membres de l'UE à mettre en place des mécanismes indépendants de suivi de la situation aux frontières qui peuvent enquêter sur les allégations de violations des droits fondamentaux aux frontières. De plus en plus de voix s'élèvent pour demander des comptes sur les décès en mer et pour mettre fin à la coopération avec la Libye qui contribuent aux abus contre les migrants. 

La France est un membre fondateur de l'UE et assure la présidence du Conseil de l'UE du 1er janvier au 30 juin 2022. Elle a donc un rôle majeur à jouer pour que le respect de l'État de droit et des droits humains dans la politique migratoire de l'UE soit une priorité. 

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à ne mettre en œuvre que des politiques respectueuses des valeurs fondatrices communes de l’Union européenne de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit et de droits humains, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités, inscrites à l'article 2 du Traité sur l'Union européenne (TUE) ?

- Le ou la candidate a-t-il/elle l'intention de faire pression pour l’utilisation des outils disponibles pour obliger les États de l'UE qui attaquent l'État de droit à rendre des comptes, en liant notamment les financements de l’UE au respect des valeurs de l’UE, et en renforçant les mesures prévues par le TUE ? 

- Que compte faire le ou la candidate pour prévenir les décès en mer et conditionner la coopération migratoire avec des pays comme la Libye au respect des droits des migrants ? Le ou la candidate a-t-il/elle l’intention de soutenir la mise en place de mécanismes de contrôles indépendants aux frontières afin que les refoulements et d’autres pratiques illégales aux frontières de l'UE soient sanctionnées ? 

Ce que dit le droit européen et international : 

L'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE) indique que l'Union européenne s'est construite sur un socle de valeurs communes de "respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit et de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités".

L'article 3 du TUE renforce l'article 2 en indiquant que "l'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples" et que "l'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière (...) d'asile".

L'article 7 du TUE donne à l'UE la possibilité de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas ses valeurs fondatrices. Il décrit la procédure d'activation de ce mécanisme de sanction. En théorie, cela peut conduire à suspendre le droit de vote de l'État membre concerné au Conseil de l'Union européenne –et donc sa participation à une grande partie des décisions européennes, qui continueraient néanmoins de s'appliquer à lui.

Le règlement sur la conditionnalité a été adopté en décembre 2020 afin de lutter contre les violations des droits par les États membres de l'UE. Il permet à l'UE de prendre des mesures - comme la suspension des paiements ou des sanctions financières - pour protéger le budget.

8. Les droits humains au cœur de la diplomatie française et de la politique étrangère de l'UE

Rassemblement contre le traitement du peuple ouïghour par les autorités chinoises, à Paris, France, le 2 octobre 2021. © 2021 Georges Darmon/Avenir Pictures/Abaca/Sipa via AP Images

Les gouvernements doivent défendre le respect pour les droits humains dans le monde entier à travers une diplomatie robuste en matière de droits humains.  

La France a un rôle essentiel à jouer en tant que membre du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Conformément à ses engagements internationaux, la France devrait jouer un rôle moteur et initier des actions coordonnées dans les instances multilatérales sur les situations spécifiques dans certains pays. De telles situations incluent les crimes contre l'humanité commis par les autorités chinoises contre les Ouïghours au Xinjiang ; les crimes perpétrés par la junte du Myanmar avant et pendant le récent coup d’Etat ; de potentiels crimes de guerre en Ukraine ; les atrocités en Ethiopie, en Syrie, au Yémen, au Cameroun, les crimes d'apartheid et de persécution par les autorités israéliennes contre des millions de Palestiniens ; la répression brutale en Égypte ; la répression au Soudan, et les autres situations d’abus généralisés qui nécessitent des réponses internationales fortes. 

La France a également un rôle important à jouer dans la politique étrangère de l'Union européenne. La réponse de l'UE aux violations des droits humains dans le monde a souvent pâti d’un « deux poids deux mesures », des Etats-membres bloquant souvent  des initiatives guidées par le respect des droits pour protéger leurs intérêts propres et les relations bilatérales qu’ils entretiennent avec certains gouvernements abusifs.

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix : 

- Le ou la candidate envisage-t-il/elle de placer les droits humains au cœur de la diplomatie française ?

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à soutenir publiquement la société civile et les défenseurs des droits humains menacés, notamment dans les pays avec lesquels la France entretient des partenariats forts (militaires, économiques, culturels) ?

- Le ou la candidate souhaite-t-il/elle jouer un rôle moteur au sein des instances multilatérales pour mettre fin aux graves violations des droits humains et du droit humanitaire dans des situations et des pays dans le monde ?

- S'engagera-t-il/elle en faveur d'une politique étrangère de l'UE qui reste fidèle aux valeurs de l'Union, et qui défende les droits humains et la démocratie en toutes circonstances et auprès de tous les Etats du monde ?

Que dit le droit international ? 

L'obligation qu’ont les États de respecter et promouvoir les droits humains au-delà de leurs propres frontières et de les prendre en compte dans les relations qu’ils entretiennent à l’international puise son origine dans plusieurs sources juridiques, notamment :

- Les articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies exigent de tous les États membres qu'ils agissent « conjointement et séparément » pour promouvoir « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. »

- Le traité sur l'UE (TUE), dans son article 21, stipule que l'action de l'UE sur la scène internationale est guidée par « la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité. »

9. Le soutien de la France à la justice internationale

L'entrée de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. © 2021 AP Photo/Peter Dejong

La France est un membre de la Cour pénale internationale (CPI), une institution essentielle pour garantir que les victimes des pires crimes internationaux, notamment le génocide, les crimes de guerre, et les crimes contre l’humanité aient accès à la justice. Alors que les crises des droits humains se multiplient, le besoin de responsabilité et de justice n'a jamais été aussi grand. La France a été à l'avant-garde des discussions sur la coopération avec la CPI, et il est crucial qu'elle s'assure, avec les autres pays membres, que la Cour reçoive le soutien politique, financier et pratique dont elle a besoin pour accomplir son mandat essentiel, tout en respectant et en sauvegardant son indépendance.

En vertu du principe juridique de la compétence universelle, la justice française peut enquêter et poursuivre les crimes les plus graves au regard du droit international, même s'ils n'ont pas été commis sur le territoire français, ou par ou contre un citoyen français. Mais la loi française comporte des restrictions qui limitent l'application de la compétence universelle et font craindre que la France ne devienne un refuge pour les auteurs présumés d'atrocités.

 Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à lutter contre l'impunité pour les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité en assurant un fort soutien politique et financier à la Cour pénale internationale ?

- Le ou la candidate prendra-t-il/elle des mesures pour remédier aux restrictions juridiques qui affaiblissent le principe de compétence universelle en France ?

Ce que dit le droit international :

Le Statut de Rome (1998) définit les crimes internationaux sur lesquels la Cour pénale internationale (CPI) a juridiction, notamment le génocide, les crimes contre l'humanité, et les crimes de guerre. Il exige également de toutes les parties à la Cour qu'elles coopèrent pour aider à faire en sorte que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes, notamment pour permettre l’arrestation des suspects.

10. Les exportations d'armes françaises

Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire "Envoyez de l'aide, pas des armes", le 9 mai 2019 dans le port du Havre, dans le nord de la France. © 2019 JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images

Parmi les principaux clients de la France en matière d'exportation d'armes au cours de la dernière décennie figurent l'Arabie saoudite, l'Égypte et les Émirats arabes unis (EAU), qui sont tous responsables de graves violations des droits humains dans leur pays, et dont certains sont accusés de crimes de guerre et d'attaques illégales dans le conflit yéménite.

Les exportations d'armes françaises sont caractérisées par leur opacité et l'absence de contrôle démocratique. Depuis des années, les ONG et d'autres acteurs appellent les autorités françaises à renforcer la transparence et le contrôle parlementaire sur les ventes d'armes françaises. 

Voici des questions que vous pourriez vous poser pour vous aider à faire votre choix :

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à stopper les ventes d'armes à des gouvernements lorsqu'il existe un risque qu'elles soient utilisées à des fins de répression interne ou pour commettre des violations du droit international humanitaire ?  

- Le ou la candidate prévoit-il/elle de suspendre le transfert d'armes françaises aux pays membres de la coalition militaire engagée dans le conflit au Yémen, notamment l'Arabie saoudite et les EAU, compte tenu des violations généralisées des droits humains et du droit international humanitaire ?  

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à mettre fin au soutien inconditionnel de la France à l'Égypte face au bilan catastrophique de ce pays en matière de droits humains ?  

- Le ou la candidate s'engage-t-il/elle à renforcer la transparence et le contrôle parlementaire sur les exportations d'armes de la France ? 

Ce que dit le droit international :

L'article 6.3 du Traité sur le commerce des armes (TCA) (2013) stipule que "Un État partie n'autorise aucun transfert d'armes classiques s'il a connaissance, au moment de l'autorisation, que les armes ou les articles seraient utilisés pour commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des biens de caractère civil ou des civils protégés en tant que tels, ou d'autres crimes de guerre ". 

La position commune européenne (2008) fixe des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipements militaires.

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