« Je ne sais pas si je devrais en rire, être en colère ou être anéantie », a confié Myriam Bribri, une activiste tunisienne, à Human Rights Watch, suite à la peine de quatre mois d’emprisonnement prononcée à son encontre, avec l’imposition d’une amende, par un tribunal de la ville de Sfax le 21 décembre 2021. Myriam Bribri avait publié une vidéo sur sa page Facebook en octobre 2020, où l’on voyait la police arrêter un homme de façon brutale, assortie du commentaire : « Salauds, soyez maudits ! »
Des policiers ont interrogé Myriam Bribri à propos de la vidéo et de son commentaire le 8 octobre 2020. Le même jour, un procureur l’a inculpée de « sciemment nuire aux tiers ou perturber leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications », en vertu de l’article 86 du Code des télécommunications tunisien. C’est cette inculpation qui a conduit à sa condamnation le mois dernier. Elle demeure en liberté provisoire en attendant d’être rejugée en appel.
Myriam Bribri a participé à un certain nombre de manifestations au cours de l’année, en particulier celles organisées par des groupes représentant les personnes qui ont été blessées ou tuées lors de la révolution de 2011 et qui continuent à réclamer réparation et justice.
Myriam Bribri était par ailleurs active dans le mouvement « Manich Msamah » (« Je n’oublierai pas »), qui s’est opposé en vain à l’adoption en 2017 d’une loi octroyant, en vertu de la réconciliation, l’amnistie aux fonctionnaires qui étaient en poste sous la présidence du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali et qui n’ont pas été impliqués dans de graves atteintes aux droits humains.
On ne sait pas clairement si les autorités ont poursuivi Myriam Bribi en représailles pour son activisme, tout en laissant de côté les nombreuses autres personnes ayant publié des commentaires semblables en réaction à la même vidéo. En tout cas elle rejoint des centaines d’autres Tunisien·ne·s, y compris des blogueur·se·s, des activistes et des personnes publiant des commentaires sur les médias sociaux, qui ont été poursuivi·e·s pour leurs critiques pacifiques à l’égard de représentants et d’institutions de l’État, même si la critique en question ne consistait souvent qu’en une exclamation sarcastique ou grossière.
Les lois répressives remontant à la période pré-révolution sont encore très vivaces en Tunisie. Tout comme Myriam Bribri, qui jure que ces lois et les autorités qui s’en servent ne la réduiront pas au silence.