(Beyrouth, le 11 juillet 2021) – De nouveaux témoignages contiennent des allégations de torture de prisonnières et prisonniers politiques dans des prisons saoudiennes, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ces informations s’ajoutent aux précédentes allégations selon lesquelles des militantes saoudiennes des droits des femmes, arrêtées au début de l’année 2018, auraient été torturées avec des décharges électriques, battues, fouettées et soumises à diverses formes de harcèlement sexuel. Les autorités saoudiennes n'ont toujours pas mené d'enquêtes indépendantes et crédibles sur ces allégations, ni sur celles portant sur la torture d’autres détenus.
Human Rights Watch a obtenu une série de SMS anonymes qui avaient été envoyés en janvier 2021 par une personne s'identifiant comme un·e gardien·ne de prison en Arabie saoudite. Ces messages SMS décrivaient les tortures et les mauvais traitements infligés par des interrogateurs saoudiens à des détenu·e·s de premier plan vers la mi-2018, et ayant duré jusqu’à la fin de cette année. La personne qui a été témoin de ces abus a préféré rester anonyme par crainte de représailles, et a transmis des SMS d'autres gardiens de prison comportant des témoignages semblables.
« De nouvelles allégations de torture brutale de militantes des droits des femmes et d'autres détenus de premier plan lèvent un peu plus le voile sur le mépris de l'Arabie saoudite à l’égard de l'état de droit, et sur son refus d’enquêter de manière crédible sur de telles allégations », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Permettre aux auteurs d’abus de s'en sortir ainsi envoie le message qu'ils peuvent torturer en toute impunité, sans craindre de devoir rendre des comptes pour ces crimes. »
Les témoignages reçus par SMS provenaient de la prison de Dhabhan, au nord de Djeddah, et d'un autre centre de détention que les gardiens ont décrit comme une prison secrète. Les SMS ont évoqué des incidents lors desquels plusieurs personnes incarcérées, dont l'éminente militante des droits des femmes Loujain al-Hathloul et le défenseur des droits humains Mohammed al-Rabiah, auraient subi des actes de torture et d'autres mauvais traitements.
L’un des SMS transmis par un gardien de prison concernait une éminente militante des droits des femmes que les autorités saoudiennes ont arrêtée lors d'une vaste campagne de répression menée à partir de mai 2018, et dont Human Rights Watch connaît l’identité. Le SMS expliquait : « Lors d'une de ses séances de torture, [X] a perdu connaissance et nous étions tous terrifiés. Nous craignions qu'elle ne soit morte, et que nous serions tenus responsables. Nous avions reçu l’ordre de ne tuer aucun des détenus, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes. »
Dans un autre SMS, le gardien de prison a évoqué le harcèlement sexuel que les interrogateurs saoudiens ont infligée à Loujain al-Hathloul, qui a fini par bénéficier d’une remise en liberté conditionnelle en février 2021 : « Loujain al-Hathloul a fait l'objet d'un harcèlement sexuel sans précédent, dont j'ai été témoin. Ils l'insultaient sans relâche. Ils se moquaient d'elle en disant qu'en tant que femme [sexuellement] libérée, ceci ne devait pas la déranger. Ils la harcelaient en glissant leurs mains dans ses sous-vêtements ou en touchant ses cuisses, tout en l’insultant de manière obscène. »
En novembre 2018, des organisations de défense des droits humains dont Human Rights Watch ont fait état d’allégations selon lesquelles des interrogateurs saoudiens auraient torturé au moins quatre militantes, notamment avec des décharges électriques et des coups de fouet, et les auraient harcelées et agressées sexuellement. En janvier 2019, Human Rights Watch et Amnesty International ont conjointement appelé les autorités saoudiennes à autoriser des observateurs internationaux à se rendre dans le pays afin d’enquêter sur les allégations de torture.
Par ailleurs, une autre source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que les autorités pénitentiaires ont torturé Mohammed al-Rabiah pendant des mois après son arrestation en mai 2018, notamment avec des décharges électriques, des simulacres de noyade (« waterboarding ») et des passages à tabac. Lors de sa première année de détention, il était détenu dans une petite cellule, souvent privé de repas ou de sommeil, et parfois suspendu la tête en bas, selon la source. Le 27 juillet, une cour d'appel devrait rendre une décision sur le cas d'al-Rabiah. Il est le dernier des activistes arrêtés lors de la vague de répression de mai 2018 qui est toujours en prison.
Compte tenu du refus des autorités saoudiennes à mener elles-mêmes une enquête crédible et indépendante sur les allégations de torture, l'image du pays restera ternie jusqu'à ce qu’elles autorisent des observateurs internationaux indépendants à se rendre dans le pays afin d’enquêter sur les allégations de torture, a déclaré Human Rights Watch. Les dirigeants saoudiens devraient également annuler toutes les charges, condamnations et peines infligées aux militantes des droits des femmes et aux autres personnes ciblées en raison de leur activisme pacifique et pour avoir exprimé leurs opinions, a ajouté Human Rights Watch.
Communiqué complet en anglais : en ligne ici.
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