(Bruxelles, le 23 juin 2021) – L'agence de garde-frontières de l'Union européenne n'a pas utilisé ses mécanismes de surveillance de manière adéquate pour empêcher de graves abus à l’encontre de personnes aux frontières extérieures de l'UE, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Une analyse des actions de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex montre qu’elle a régulièrement omis d’enquêter de manière crédible sur des allégations d’abus à l’encontre de migrants aux frontières extérieures de l'UE, ou de chercher à atténuer ces abus, même dans des cas de preuves concrètes de telles violations.
« Frontex a échoué à plusieurs reprises à prendre des mesures efficaces quand des allégations de violations des droits humains ont été portées à son attention », a déclaré Eva Cossé, chercheuse sur l'Europe de l’Ouest à Human Rights Watch. « La croissance rapide de cette agence européenne, dotée de pouvoirs et de financement accrus, rend urgente la mise en place de moyens efficaces pour protéger les droits fondamentaux des personnes, conformément à ses responsabilités juridiques. »
Human Rights Watch a examiné en détail la situation dans trois pays où Frontex mène des opérations majeures, et où l’agence n'a pas agi rapidement (voire pas du tout) face à des preuves crédibles d'abus. Le 8 juin, Human Rights Watch a adressé à Frontex un courrier résumant les principales conclusions de son rapport, afin d'y intégrer la réponse de l’agence, mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.
En Grèce, des preuves recueillies depuis octobre 2020 indiquent que Frontex a joué un rôle actif dans la dissimulation de refoulements de migrants aux frontières terrestres et maritimes avec la Turquie, et a soutenu de telles actions.
En Hongrie, Frontex a échoué pendant quatre ans à prendre des mesures pour empêcher des violations des droits humains ou exiger leur cessation, malgré les rapports de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur le traitement abusif de demandeurs d'asile et de migrants. En outre, le forum consultatif de Frontex sur les droits fondamentaux avait recommandé la suspension des opérations en Hongrie, et la Commission européenne avait intenté une action en justice contre ce pays. Malgré cela, Frontex n'y a suspendu ses opérations qu'après une décision la Cour de justice de l'UE (CJUE) rendue en décembre 2020, selon laquelle la Hongrie avait « manqué à ses obligations découlant du droit de l’Union ».
En Croatie, Frontex maintient sa présence malgré les nombreux rapports crédibles de Human Rights Watch et d'autres organisations faisant état de refoulements, souvent violents, de migrants et de demandeurs d'asile vers la Bosnie-Herzégovine et la Serbie depuis 2016.
En tant qu'agence de l'UE, Frontex est tenue de mener toutes ses opérations conformément à la Charte des droits fondamentaux de l'UE (y compris à l’égard du droit d'asile), à la Convention européenne des droits de l'homme, et à d'autres normes du droit international.
« L'Union européenne et ses États membres ont la responsabilité collective de veiller à ce que Frontex opère conformément aux normes de l'UE et du droit international en matière de droits humains », a observé Eva Cossé. « Cela ne sera possible que si Frontex évite de participer ou d'être complice d'abus et si ses fonctionnaires sont tenus de rendre des comptes s'ils abusent des personnes ou mettent leurs droits en danger. »
Communiqué complet en anglais : en ligne ici.
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