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Derrière les portes closes : abus contre des enfants en confinement

Les gouvernements devraient agir pour empêcher la hausse des violences contre les enfants pendant la pandémie

Publié dans: Euronews
© 2019 Dadu Shin pour Human Rights Watch

Plusieurs semaines après le début de mesures de confinement mis en place à travers le monde, de plus en plus de signes indiquent que la violence contre les enfants à la maison est en augmentation. De nombreux parents sont stressés et soucieux de leur travail, de leurs finances ainsi que de leur santé et doivent s'occuper de leurs enfants qui souvent s’ennuient ou sont agités toute la journée. Même avant la pandémie, c’est dans leur propre domicile que les enfants couraient un plus grand risque de violence. À présent, le danger d'abus est encore plus grave. 

La plupart des pays européens ont imposé des confinements, et plusieurs lignes d'assistance aux enfants ont constaté une augmentation de la demande. En Espagne, une ligne d'assistance téléphonique a enregistré 475 cas d'enfants cherchant de l'aide depuis le début de l'isolement. Dans environ 200 de ces cas, les enfants ont déclaré avoir subi des violences physiques. L'organisation qui gère la ligne d'assistance a averti que « de nombreux enfants et adolescents souffrent de plus de violence et de vulnérabilité que jamais ».  

Dans l'une des régions les plus touchées du nord de l'Italie, un tribunal pour mineurs a ordonné pas moins de 92 mesures urgentes pour la protection des mineurs, entre le 10 et le 26 mars. Dans un cas, un père aurait menacé sa femme et ses enfants avec un couteau de cuisine, ce qui illustre à quel point les enfants sont souvent gravement touchés par les violences domestiques contre les femmes. Les informations faisant état de violences de genre ont également fortement augmenté dans toute l'Europe depuis le début du confinement.    

En France et en Allemagne, une augmentation de la violence à l'égard des enfants a aussi été constatée. De nombreux cas ont été signalés aux lignes d’assistance téléphonique, notamment la mort d'un garçon de 6 ans en France, à la suite de violences physiques commises par son père. Selon Child Helpline International, un réseau mondial d'associations nationales d'assistance téléphonique, la plupart de ses membres — en Europe et au-delà — ont vu une augmentation significative du nombre de personnes les contactant au cours des dernières semaines.    

Les informations faisant état de violences contre les enfants jusqu'à présent ne sont probablement que la partie visible de l'iceberg, car les situations de confinement empêchent souvent les victimes de trouver l'intimité et les outils nécessaires pour chercher de l’aide. La situation est aggravée par le fait que les enseignants — qui identifient fréquemment les cas de maltraitance d'enfants — ne sont pas en mesure de suivre et de signaler les cas.  

Selon une étude du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) réalisée avant la pandémie, les trois quarts des jeunes enfants (âgés de 2 à 4 ans) subissent à leur domicile une agression psychologique ou un châtiment corporel, ou les deux, par des personnes chargées de veiller sur eux. L’exposition à la violence peut nuire au développement du cerveau des enfants et elle est liée à une baisse des résultats scolaires, ainsi qu’à des taux plus élevés d’anxiété, de dépression, de toxicomanie et de suicide. Les enfants présentant un handicap courent un risque accru de violence, selon une étude de l'ONU, et peuvent donc également être particulièrement en danger pendant le confinement lié au coronavirus.   

Le 16 avril, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a lancé un appel passionné au monde, tirant la sonnette d'alarme sur les mauvais traitements et l'exploitation des enfants dans le contexte du confinement lié au coronavirus. Il a exhorté : « Protégeons nos enfants et préservons leur bien-être. »  L'appel de Guterres énonce des recommandations détaillées sur la façon de garantir que les enfants peuvent bénéficier de services de protection de l'enfance, ainsi que de nourriture, de soins de santé et de scolarisation pendant la pandémie. Ces recommandations pourraient guider les gouvernements dans leur action. Afin de renforcer la protection contre la violence au sein du foyer, Guterres demande que les services de protection de l'enfance soient désignés comme essentiels, ce qui n'est pas le cas actuellement dans de nombreux pays. Au contraire, de nombreux services de protection de l’enfance  fonctionnent en activité réduite en raison des risques d'infection.

Il existe cependant des exceptions : plusieurs semaines après le début de la pandémie, l'Allemagne a classé le personnel de protection de l'enfance parmi les travailleurs essentiels autorisés à continuer de travailler. D'autres pays devraient lui emboîter le pas. Les experts mondiaux de la protection de l'enfance conviennent qu'il existe un besoin urgent de services de santé mentale maintenus ainsi que de soutien psychosocial, de gestion des cas de protection de l'enfance, de soins alternatifs d'urgence, ainsi que de lignes d'assistance accessibles et d'autres mécanismes de signalement adaptés aux enfants.   

Des millions d'enfants se retrouvent actuellement sans accès à la protection et au soutien. Plutôt que de laisser ces enfants exposés à la violence à huis clos, les gouvernements ont une responsabilité accrue. Ils devraient agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.  

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