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Inquiétudes au sujet d’une opération policière anti-gangs prévue en Haïti

Une rue bondée dans un quartier de Port-au-Prince, à Haïti, photographiée le 5 octobre 2019. © 2019 AP Photo/Rebecca Blackwell

La semaine dernière, le ministre de la Justice et de la sécurité publique d’Haïti a annoncé que les forces gouvernementales allaient effectuer une opération coup-de-poing pour réduire les violences commises par des bandes organisées à Village de Dieu, un quartier déshérité de la capitale, Port-au-Prince. Il a donné aux « citoyens paisibles » 72 heures pour quitter les lieux, avertissant que le gouvernement ne serait « pas responsable » de ce qui se passerait après. Il s’agit là de déclarations extrêmement préoccupantes dans un pays où de précédentes descentes de police dans des bidonvilles ont conduit à des abus flagrants, y compris des meurtres et des viols.

Au lendemain de cette annonce du 24 avril, Jimmy Cherizier – un ancien membre de la police nationale impliqué dans des violations des droits humains qui a été limogé en décembre 2018 – a déclaré qu’avec 19 autres agents de police, il « nettoierait » Village de Dieu. Cherizier se présente désormais comme un chef de communauté qui protège son quartier de bandes rivales, mais des organisations locales de défense des droits humains l’ont accusé de diriger le gang de Delmas 6.

Le Réseau national de défense des droits humains et le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti ont signalé que Cherizier est impliqué dans deux massacres commis à Port-au-Prince, dont au moins un lorsqu’il était membre de la police.

Dans le premier de ces incidents, au moins 71 personnes ont été tuées dans le quartier de La Saline entre le 13 et le 17 novembre 2018. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a affirmé que des chefs d’accusation ont été retenus à l’encontre de 98 personnes impliquées dans les meurtres et dans d’autres exactions, dont 2 responsables gouvernementaux de haut rang. Selon la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti, lors d’affrontements entre bandes rivales à La Saline, 11 femmes et filles ont été violées et jusqu’à 150 habitations ont été pillées. La mission a indiqué que des bandes criminelles qui se disputent le contrôle du quartier étaient apparemment responsables de ces abus, mais qu’elles agissaient avec la complicité d’acteurs étatiques, notamment Cherizier.

Entre le 4 et le 6 novembre 2019, Cherizier et d’autres membres du gang de Delmas 6 auraient mené une attaque contre certains habitants du quartier de Bel-Air qui refusaient de démanteler des barrages routiers, érigés en signe de protestation après l’annonce par le gouvernement qu’il allait mettre fin à une subvention sur le carburant. Au moins 3 personnes ont été tuées, 6 autres blessées et environ 30 maisons et 11 voitures incendiées. Trois membres actifs de la Police nationale d’Haïti et d’autres qui étaient hors service ces jours-là auraient participé aux attaques du côté des gangs, selon la mission de l’ONU.

L’opération policière « de nettoyage » n’a pas eu lieu le 27 avril, comme l’avaient initialement annoncé les autorités haïtiennes, mais celles-ci n’ont pas confirmé qu’elles renonceraient à l’effectuer. Il incombe au gouvernement haïtien de s’occuper de l’insécurité alarmante qui règne dans le pays. Mais les autorités ont également l’obligation primordiale de respecter les droits fondamentaux dans le cadre des opérations de sécurité publique et de traduire en justice les personnes impliquées dans les abus passés. Tout particulièrement dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19, le gouvernement devrait éviter de déplacer et reloger des habitants, à moins que ce soit absolument nécessaire pour leur sécurité, et il devrait s’assurer que tous les résidents qu’il déplace, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées, bénéficient du soutien dont ils ont besoin pour avoir accès aux services de l’État en matière de logement, de santé et de nourriture, en pleine pandémie du Covid-19.

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