(Beyrouth) – Les enquêtes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sur des crimes de guerre présumés commis au Yémen manquent de crédibilité et n’offrent pas de recours juridiques aux victimes civiles, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.
Le rapport de 90 pages, intitulé « Hiding Behind the Coalition: Failure to Credibly Investigate and Provide Redress for Unlawful Attacks in Yemen » (« Cachés derrière la coalition : L’échec à enquêter de manière crédible et à fournir des recours juridiques pour les attaques illégales perpétrées au Yémen ») analyse les activités de l’organe d’enquête de la coalition, l’Équipe d’évaluation conjointe (Joint Incidents Assessment Team, JIAT), au cours des deux dernières années. Human Rights Watch a constaté que le travail du JIAT était loin de respecter les normes internationales en matière de transparence, d’impartialité et d’indépendance. Créé en 2016 après des preuves de violations des lois de la guerre par la coalition, le JIAT a échoué même dans son mandat limité d’évaluer les « requêtes et incidents » relatifs aux opérations militaires perpétrées par la coalition. Il a fourni des analyses de lois de la guerre très imparfaites et abouti à des conclusions douteuses.
« Pendant plus de deux ans, alors que la coalition affirmait que le JIAT enquêtait de manière crédible sur des frappes aériennes supposément illégales, les enquêteurs ne faisaient que dissimuler des crimes de guerre », a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les gouvernements qui vendent des armes à l’Arabie saoudite devraient reconnaître que les simulacres d’enquêtes de la coalition ne les exonèrent nullement de complicité dans des violations graves au Yémen. »
Les conclusions rendues publiques par le JIAT soulèvent de sérieuses questions quant aux enquêtes et à l’application des lois de la guerre. La plupart estime que la coalition a agi légalement, n’a pas mené l’attaque dont la coalition est accusée ou a commis une erreur « involontaire ». Au 31 juillet 2018, le JIAT avait recommandé que la coalition ouvre des enquêtes ou prennent des mesures disciplinaires additionnelles dans seulement deux des quelque 75 rapports rendus publics.
Témoignages cités dans le rapport :
Les noms de certaines personnes interrogées ont été modifiés pour leur propre sûreté.
« J’ai vendu tout ce que je possédais pour soigner les blessés de ma famille, en particulier mon fils de 15 ans. Nous avons eu six opérations et il faut en faire encore une à l’étranger. Des éclats d’obus se trouvent près de sa colonne vertébrale… Nous avons vendu toutes nos possessions, tous nos biens. Nous sommes totalement dévastés... Nous n’avons rien reçu, pas de procès contre les coupables ou d’indemnisation. Nous n’avons même pas eu un sac de farine. »
- « Abdullah », dont les proches ont été blessés dans une attaque pour laquelle le JIAT a recommandé que la coalition verse des réparations aux victimes.
« Je n’ai jamais entendu dire qu’il y avait une quelconque forme de compensation, vous êtes les premiers à m’en parler... Je ne savais pas qu’ils affirmaient que des frappes ont été commises par erreur ... »
- « Ahmed », dont les proches ont été blessés dans une attaque pour laquelle le JIAT a recommandé que la coalition verse des réparations aux victimes.
« À tout le moins, ils pourraient aider les innocents. Ils n’ont rien proposé… Mon ami, c’était l’homme principal dans sa famille, il est décédé, et maintenant sa famille est en difficulté. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et le ramener à la vie, mais « justice » [doit être faite], nous devons donner à chaque famille quelque chose pour les pertes subies. »
- « Abdulrahman », dont les proches ont été blessés dans une attaque pour laquelle le JIAT a recommandé que la coalition verse des réparations aux victimes.
« J’ai agrippé [ma femme] et lui ai demandé : « Où sont mes enfants ? Où sont mes enfants? » La scène était horrible. Des gens démembrés et certains, la tête ouverte et ensanglantée. Ma femme cherchait et se mettait à hurler à chaque fois qu’elle voyait quelqu’un qu’elle pensait être des membres de sa famille. En l’espace d’un instant, il est passé du statut de futur marié se préparant à ses noces à celui de sans-abri ayant tout perdu. »
- Abdo Show’ai, invité à un mariage tenu dans un lieu que la coalition a bombardé le 22 avril 2018.
« Je ne pouvais pas les reconnaître à cause de l’obscurité et les corps étaient complètement calcinés... Le dernier que j’ai vu était un homme sectionné en deux. Une partie de son corps se trouvait au sommet d’un arbre, et le reste pendait à une branche. Cette scène m’a rendu si malade que j’ai senti mes pieds se dérober au point de m’effondrer au sol... Quand je remuais les décombres, j’entendais des familles pleurer, ils ne savaient pas s’ils étaient vivants ou morts. »
- Ali Omar, dont les deux fils ont été blessés lors de l’attaque menée par la coalition en avril 2018 contre un lieu où un mariage était célébré.
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#Yémen – Les attaques menées par la coalition dirigée par l’#ArabieSaoudite ont tué et blessé de nombreux civils. HRW appelle à des enquêtes crédibles et rigoureuses en tant que premier pas vers la justice pour les victimes. https://t.co/hnO7LogANk #Crimesdeguerre
— HRW en français (@hrw_fr) 24 août 2018
#Yémen – Urgence d’enquêtes impartiales sur les attaques de la coalition dirigée par l’#ArabieSaoudite. Courte vidéo s/titres FR https://t.co/zrtKyRAU8n #Loisdelaguerre
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