Nous venons d’entendre les récits terrifiants des atrocités perpétrées dans la région du Kasaï en République démocratique du Congo, qui, d’après les conclusions de l’équipe d’experts du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les forces de sécurité congolaises et par plusieurs milices. Depuis août 2016, environ 5 000 personnes, et bien plus possiblement, ont été tuées au Kasaï, et plus de 1,4 million de personnes ont été déplacées. Seuls quelques suspects de rang subalterne ont été traduits en justice et aucun n’a été jugé responsable pour le meurtre des deux enquêteurs des Nations Unies et la disparition de leurs chauffeurs et de leur interprète congolais en mars 2017. Les attaques contre les civils se poursuivent au Kasaï et il existe un risque de nouvelle intensification, car les causes sous-jacentes des violences n’ont pas été résolues.
Aujourd’hui, près de 4,5 millions de personnes dans toute la RD Congo ont été déplacées. Depuis décembre dernier, les violences se sont intensifiées dans la province d’Ituri, avec des incidents terrifiants de massacres, de viols et de décapitations. Les civils continuent également d’être pris pour cibles dans les provinces du Kivu, où des groupes armés et les forces de sécurité ont tué plus de 460 personnes et enlevé 730 autres depuis janvier. Dans la province du Tanganyika, plus de 200 personnes ont été tuées et de nombreux villages et camps de déplacés ont été incendiés depuis la résurgence des violences au milieu de l’année 2016.
Les récentes violences en RD Congo sont, en grande partie, suscitées ou exacerbées par la crise politique du pays, alors que le président Joseph Kabila s’est maintenu au pouvoir au-delà des deux mandats permis par la Constitution en retardant les élections et en réprimant la dissidence. Même si des élections sont prévues pour décembre, la répression continue, Joseph Kabila n’a pas encore annoncé explicitement qu’il quittait le pouvoir et l’opposition comme la société civile accordent peu de confiance à la crédibilité du processus. Le risque d’une reprise des violences, des abus et de la répression dans les mois à venir est très élevé, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la région.
Les abus commis en RD Congo et le fort potentiel de nouvelles flambées de violences à grande échelle sur fond de contexte politique incertain requièrent des enquêtes sur les droits humains et un suivi supplémentaires.
Human Rights Watch estime qu’un mécanisme dédié couvrant le pays dans son ensemble est nécessaire pour garantir la surveillance et l’établissement de rapports auprès du CDH, pour répondre rapidement aux événements dès qu’ils se produisent et pour fournir des recommandations au gouvernement de la RD Congo et à la communauté internationale. Par conséquent, nous demandons instamment au Conseil de renouveler et d’étendre le mandat des experts pendant au moins un an pour mener de nouvelles enquêtes sur les Kasaï et au-delà, à des fins de responsabilisation.