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Crise des Rohingyas : Dix principes pour protéger les réfugiés

Parmi ces principes, le maintien d’une frontière ouverte avec le Bangladesh et la non-imposition de retours forcés vers la Birmanie

Un groupe de Rohingyas ayant fui la Birmanie traverse une rivière frontalière près de la ville de Teknaf dans le sud du Bangladesh, afin de trouver refuge dans ce pays, le 1er septembre 2017. © 2017 Mohammad Ponir Hossain/Reuters

(New York, le 7 novembre 2017) – Les besoins de protection et d’assistance des Rohingyas qui ont fui le nettoyage ethnique de Birmanie devraient être une des priorités des dirigeants mondiaux lors des sommets qui auront bientôt lieu au Vietnam et aux Philippines, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion de la publication de ses « Dix principes pour protéger les personnes réfugiées et déplacées suite à la crise touchant les Rohingyas de Birmanie ».

Depuis fin août 2017, plus de 600 000 réfugiés rohingyas se sont enfuis vers le Bangladesh tandis que des centaines de milliers de personnes déplacées au sein du pays se trouvent toujours dans l’État birman de Rakhine (Arakan). Les réfugiés rohingyas ont le droit de retourner chez eux en Birmanie, mais tous les retours doivent être volontaires et sans danger, dans le plein respect des droits humains de ceux qui décident de repartir. Il faut que les dirigeants mondiaux fassent pression sur la Birmanie pour qu’elle mette fin à ses opérations abusives, qu’elle prenne des mesures préventives pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus et qu’elle crée les conditions nécessaires pour que les Rohingyas puissent rentrer chez eux dans la sécurité et la dignité, a déclaré Human Rights Watch.

« La crise des Rohingyas a pris des proportions titanesques et doit être résolue de toute urgence », a déclaré
Bill Frelick, directeur de la division Droits des réfugiés à Human Rights Watch. « Les dirigeants bientôt réunis lors des sommets de l’APEC et de l’ASEAN devraient inscrire les droits des Rohingyas parmi les sujets importants de leur ordre du jour. »



Ces « dix principes » visent à éclairer les gouvernements et les organisations humanitaires dans leur façon de traiter la crise des réfugiés rohingyas. Ils comprennent un appel urgent aux gouvernements donateurs pour qu’ils apportent un généreux soutien financier afin de répondre aux besoins humanitaires des réfugiés rohingyas au Bangladesh et des personnes déplacées de diverses ethnies qui demeurent sur le territoire birman.

Le gouvernement du Bangladesh devrait laisser sa frontière ouverte aux demandeurs d’asile et ne pas forcer les retours, dans le respect du principe de non-refoulement des réfugiés vers des lieux où ils seraient persécutés ou soumis à un risque réel de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

De nombreux réfugiés ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils voulaient rentrer chez eux, mais aucune des personnes interrogées ne pensait que ce serait prudent, ni actuellement ni dans un futur proche.

Les camps de réfugiés au Bangladesh ne constituent pas une option à long terme, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement bangladais et ses partenaires humanitaires doivent considérer que les camps de réfugiés ne sont qu’un remède temporaire à la crise et opérer aussi vite que possible la transition vers des hébergements propices à la liberté de déplacement et favorisant l’indépendance économique des personnes.



Le Bangladesh est en train de construire un vaste camp de réfugiés dans le district de Cox’s Bazar, qui devrait être clos de fils barbelés, selon des responsables. Les autorités du Bangladesh avaient déjà suggéré auparavant que des réfugiés rohingyas présents dans la zone du Cox’s Bazar pourraient être relogés vers Thengar Char, une île côtière inhabitée et non aménagée, où les risques d’inondation sont élevés. Ces deux situations priveraient les réfugiés de leurs droits à la liberté de déplacement, à la subsistance, à la nourriture et à l’éducation, donc violeraient les obligations du Bangladesh aux yeux du droit international des droits humains.

« Le gouvernement bangladais a répondu à la crise actuelle avec générosité, en laissant ses frontières ouvertes aux Rohingyas qui fuyaient la Birmanie », a déclaré Bill Frelick. « Mais une étroite observation internationale est nécessaire pour garantir que le Bangladesh continue à ouvrir sa frontière aux demandeurs d’asile, tout en respectant les droits des réfugiés à l’éducation, à la santé et au travail. »

Le gouvernement birman a indiqué que les Rohingyas qui désiraient rentrer au pays devraient vivre dans des camps conçus pour les personnes déplacées à l’intérieur de la Birmanie. Ces camps pour personnes déplacées, de même que les « zones sécurisées » de Birmanie, ne sont pas des solutions acceptables pour ceux qui rentrent au pays, a déclaré Human Rights Watch. Les personnes réfugiées, ou déplacées à l’intérieur du pays, qui ont été privées de façon arbitraire ou illégale de leur domicile, de leurs terres, de leurs biens ou de leur lieu de résidence habituel, ont le droit de retourner à l’endroit de leur ancienne résidence ou de leur choix, et de reprendre possession de leurs biens. La Birmanie doit également respecter le droit de ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas retourner chez eux de choisir d’être dédommagés pour la perte de leurs domiciles et de leurs biens.



Comme cela avait été le cas pour les personnes rohingyas déplacées à l’intérieur du pays suite aux violences anti-Rohingyas de 2012 dans l’État de Rakhine, tout hébergement dans ce type de camps restreindrait à coup sûr leurs droits fondamentaux ; il instaurerait une ségrégation entre les personnes rohingyas réfugiées ou déplacées et les autres Birmans, et exacerberait les discriminations ethniques et religieuses. Des camps de ce genre pourraient devenir permanents et constituer un obstacle lorsque les personnes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays, revenues chez elles, voudraient reconstruire leurs foyers, travailler leurs terres, reconstituer leurs moyens de subsistance et réintégrer la société birmane.

La population de réfugiés rohingyas au Bangladesh est formée non seulement de ceux qui ont fui la récente campagne de nettoyage ethnique, constitutive de crimes contre l’humanité selon Human Rights Watch, mais aussi des centaines de milliers de personnes qui avaient fui auparavant la répression et la violence du gouvernement birman. Au total, il pourrait y avoir un million de réfugiés rohingyas au Bangladesh.

La situation désespérée des Rohingyas en Birmanie est exacerbée par le déni de citoyenneté de fait que le gouvernement birman a instauré à travers la loi discriminatoire de 1982 sur la nationalité. Cela a facilité les violations de leurs droits, notamment via une restriction de leurs déplacements, un accès limité aux soins de santé, aux moyens de subsistance, au logement et à l’éducation, ainsi que des arrestations et détentions arbitraires.

« Dans chaque réunion internationale où on aborde cette crise, les dirigeants devraient désigner les réfugiés rohingyas par le terme qui dit ce qu’ils sont vraiment : ‘des réfugiés rohingyas’ », a conclu Bill Frelick. « Les gouvernements devraient cesser d’utiliser des euphémismes, ou d’en parler à demi-mot, comme pour suggérer que ce ne sont pas des réfugiés, pourvus de tous leurs droits de réfugiés, ou bien nier leur identité ethnique ou leurs liens nationaux avec la Birmanie. »

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