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Lettre au Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères Jean-Yves le Drian

Objet : Sommet de la planification familiale 2020 de Londres

Nous vous écrivons dans la perspective de la participation de la France au Sommet de la planification familiale 2020 (FP2020) qui se tiendra à Londres le 11 juillet 2017.

La France a démontré la force de son engagement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive avec ses programmes d’aide extérieure. Lors du Sommet de la planification familiale de 2012, la France s’est engagée à consacrer 100 millions d’euros supplémentaires à la planification familiale et à la santé reproductive dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest d’ici 2015. La France a également souligné son engagement dans la Stratégie 2016 pour l’Action extérieure de la France sur les enjeux de la Population, de la Santé et des Droits sexuels et reproductifs.

Investir dans la planification familiale sauve des vies. Chaque jour, plus de 800 femmes et jeunes filles à travers le monde meurent de causes évitables dues à la grossesse ou à l’accouchement. À l’échelle mondiale, les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont la deuxième cause de décès chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’au moins 22 000 femmes meurent chaque année de complications liées à l’avortement.

On estime à 225 millions le nombre de femmes ayant des besoins non satisfaits de planification familiale. Dans une proportion importante, ces femmes sont des personnes déplacées par les conflits armés ou les catastrophes naturelles. Les interventions humanitaires négligent souvent l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive.

Dans un rapport de mai 2017 intitulé « No Control, No Choice: Lack of Access to Reproductive Healthcare in Sudan’s Rebel-Held Southern Kordofan », (« Ni contrôle, ni choix : Manque d’accès aux soins de santé reproductive dans la région soudanaise du Kordofan du Sud tenue par les rebelles »), Human Rights Watch explique ainsi comment les femmes et les jeunes filles n’ont pas accès à la contraception et ont très peu d’accès aux soins de santé quand elles font face à des complications pendant la grossesse ou l’accouchement. Les quelques données objectives existantes suggèrent que la mortalité maternelle est significativement plus élevée dans les régions touchées par le conflit par rapport à d’autres régions du Soudan, qui ont connu une baisse marquée de la mortalité maternelle.

Les risques pour la santé liés à la grossesse et à l’accouchement sont plus élevés dans des conditions d’urgence humanitaire et les prestations de services de santé sexuelle et reproductive permettent aux femmes d’accéder à l’autonomie et de sauver des vies. De plus en plus, et malgré un contexte difficile, les faits démontrent que la planification familiale en situation de crise est à la fois faisable et rentable et constitue un élément clé pour atteindre les objectifs nationaux de planification familiale et de développement.

Le Sommet de la planification familiale du 11 juillet offre à la France l’occasion d’affirmer son leadership en la matière et d’aider à atteindre l’objectif du FP2020 visant à donner accès à la planification familiale à 120 millions de femmes.

Human Rights Watch demande donc à la France d’apporter :

  •  Un soutien financier conforme à ses promesses et au soutien politique qu’elle apporte à cette question, y compris dans ses déclarations publiques, en faveur de services complets de santé sexuelle et reproductive, notamment l’accès aux avortements légaux et médicalisés ; et
  • Un appui politique, y compris par le biais de déclarations publiques, pour qu’une attention accrue soit accordée aux services de santé sexuelle et reproductive en situation d’urgence humanitaire, et pour débloquer les fonds promis.

Dans le prolongement de nos communications antérieures sur l’élargissement de la politique de Mexico City, aussi connue sous le nom de « règle du bâillon mondial » (Global Gag Rule), par le gouvernement américain, nous voudrions par ailleurs exhorter la France à :

  • Mener une étude d’impact sur la façon dont les restrictions et réductions qui résultent de cette politique pour toutes les organisations ou pays partenaires prioritaires peuvent affecter les investissements à long terme de la France dans la santé mondiale, y compris en matière de planification familiale, de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme ou la tuberculose, et de santé maternelle et infantile ;
  • Partager ces études d’impact avec le gouvernement américain, en particulier toute information qui serait disponible avant le réexamen semestriel que le Département d’État doit conclure d’ici le 15 novembre 2017 ; et
  • Soutenir les partenaires affectés par cette politique, en veillant notamment à ce qu’ils comprennent ce qui est permis ou non, car il existe en la matière une confusion générale et un manque de clarté susceptibles de compromettre la mise en œuvre des programmes de santé et le plaidoyer en matière de santé. Nous joignons à cette lettre un document explicatif sous forme de questions-réponses, dont nous tenons à la disposition du ministère, si besoin, des traductions en plusieurs langues.

Nous vous remercions pour votre attention et nous nous tenons à votre entière disposition pour tout complément d’information.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments distingués.

Nisha Varia
Directrice du plaidoyer
Division Droits des femmes
Human Rights Watch

Bénédicte Jeannerod
Directrice France
Human Rights Watch

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