Mais justice sera-t-elle rendue pour les victimes d’atrocités et leurs familles ? Après tout, la République centrafricaine a, au long de son histoire, permis aux auteurs de crimes graves d’échapper à la justice, alimentant de nouvelles violences.
Conjuguée à des problèmes économiques et sociaux persistants, une amnistie en date de 2008 pour les personnes impliquées dans des crimes passés avait contribué à la formation du mouvement Séléka à l’origine du conflit actuel. L’accord conclu cette semaine prend acte des efforts en cours pour mener des enquêtes et ouvrir des poursuites judiciaires sur les crimes graves. Il prévoit également la création d’une commission vérité, justice et réconciliation dotée d’un mandat de 12 mois, et qui pourrait ouvrir la voie à « un traitement traditionnel sur les cas de réparation et de pardon » et à « la réinsertion de leaders et cadres relevant des groupes politico-militaires ». La révélation de la vérité peut jouer un rôle important après un conflit, mais ne saurait se substituer à la nécessité d’engager des poursuites judiciaires pour des crimes graves dans le cadre de procès équitables et crédibles. Les victimes ne devraient pas être privées du fait de voir leur agresseur traduit en justice, pas plus que les auteurs de crimes ne devraient pouvoir se soustraire à la loi.
Certains groupes armés responsables d’atrocités œuvrent déjà à l’obtention d’amnisties. C’est pourquoi le gouvernement centrafricain et l’opération de maintien de la paix des Nations Unies déployée dans le pays devraient continuer d’insister, comme l’a déclaré en novembre 2016 le président Faustin-Archange Touadéra, sur le fait que « la réconciliation ne pourra se faire au prix de l’impunité ».
Deux tribunaux peuvent rendre justice aux victimes, parallèlement à tout processus de réconciliation et de vérité. Le premier est la Cour pénale spéciale, une nouvelle juridiction intégrée au système judiciaire national, dotée de juges et de procureurs nationaux et internationaux, qui est chargée de mener des enquêter et d’engager des poursuites à l’encontre des crimes les plus graves commis depuis 2003. L’autre est la Cour pénale internationale, qui a pour mandat de se saisir des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés dans le pays. L’une et l’autre de ces juridictions offrent la possibilité de briser le cycle d’impunité et de violences qui a rongé la République centrafricaine.
L’accord de paix offre à la population centrafricaine un réel espoir de voir les combats prendre fin. Mais pour que sa mise en œuvre soit couronnée de succès là où d’autres ont échoué, la responsabilité pénale pour les nombreux crimes internationaux graves endurés par les civils est cruciale.