L'enquête devrait déterminer les causes de l'attaque et l'armée devrait effectuer les modifications qui s'imposent, y compris dans la préparation de ses opérations, afin de minimiser les risques d'attaques similaires à l'avenir, a ajouté Human Rights Watch.
Selon l'Armée de l'air nigériane, un de ses avions de combat a déclenché un « raid aérien accidentel » lors d'opérations menées contre des combattants de Boko Haram. Le commandant des opérations anti-rébellion de l'armée dans le nord-est du pays, le général Lucky Irabor, a déclaré aux médias qu'il avait ordonné cette mission parce que des combattants de Boko Haram étaient en train de se rassembler dans le secteur. Deux militaires figurent également parmi les blessés et une enquête aura lieu, a-t-il affirmé, mais on ignore encore par qui et dans quels délais.
Des organisations humanitaires avaient auparavant affirmé que cette zone était inaccessible aux agences humanitaires jusqu'à une date récente, en raison de combats, et que l'armée était responsable de l'acheminement de l'aide aux personnes déplacées. Un accrochage armé entre les militaires et des combattants de Boko Haram à Rann le 30 décembre 2016 a pu contribuer à la hâte apparente avec laquelle le général Irabor a ordonné l'attaque, afin de réagir à de prétendues informations faisant état d'un rassemblement du groupe rebelle dans la région.
Parmi les tués, figurent neuf personnes qui travaillaient pour des organisations humanitaires. Le chef des opérations d'urgence de Médecins sans frontières, organisation qui travaille au Nigeria depuis 1971, a déclaré aux médias que l'armée contrôlait le camp de personnes déplacées situé à Rann au moment de l'attaque, par exemple en vérifiant l’identité des personnes qui y entraient et en sortaient. L'organisation a vivement condamné l'attaque, dans laquelle, selon elle, trois employés d'une compagnie camerounaise avec laquelle elle avait conclu un contrat de prestation de services ont été tués.
La Société de la Croix-Rouge nigériane a déclaré que six de ses employés ou bénévoles qui fournissaient des services humanitaires aux personnes déplacées ont été tués et 13 autres blessés.
Ce tragique incident n'est pas le premier raid aérien de l'armée dans lequel des civils sont tués, dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Le 28 février 2014, un appareil militaire nigérian avait largué des explosifs sur Daglun, un village de l'État de Borno, tuant 20 civils, pour la plupart des personnes âgées, selon des informations parues dans la presse. Le 16 mars 2014, une attaque similaire de la part des militaires sur le village de Kayamla, à moins de 10 kilomètres de Maiduguri, aurait causé la mort de 10 civils. Dans des informations publiées par les médias, des villageois étaient cités comme ayant affirmé qu'ils avaient informé les forces de sécurité de la présence près du village d'hommes soupçonnés d'être des combattants de Boko Haram, mais que la frappe aérienne était venue plusieurs jours plus tard, alors que les rebelles avaient déjà quitté la zone. Dans ces deux attaques, l'armée a nié avoir eu connaissance de victimes civiles.
Le 16 janvier 2017, les Nations Unies ont estimé que 2,4 millions de Nigérians ont été déplacés à l'intérieur du pays en conséquence des exactions perpétrées par Boko Haram et des opérations de l'armée nigériane.
Même s'il n'y a aucune preuve que les frappes aériennes étaient une attaque délibérée contre le camp pour personnes déplacées de Rann, ce qui constituerait un crime de guerre, le raid, apparemment pas dirigé contre une cible militaire spécifique, semble avoir été mené sans discernement, donc en violation du droit humanitaire international. Cette attaque semble également avoir constitué une violation du droit à la vie aux termes de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et d'autres lois internationales relatives aux droits humains applicables au Nigeria, notamment si les responsables de la préparation de l'opération n'ont pas pris de précautions suffisantes pour minimiser les risques pour les civils. Aux termes du droit international, il incombe au Nigeria d'assurer que des enquêtes transparentes et indépendantes soient menées sur ces apparentes violations, et de verser des indemnités aux victimes et à leurs familles pour les dommages causés par ces violations.
« Les autorités devraient assurer un traitement médical efficace et rapide aux personnes blessées dans ce malheureux incident », a affirmé Mausi Segun. « Et elles devraient également assurer que des indemnités effectives et adéquates soient promptement offertes à toutes les victimes d'éventuelles violations du droit international, ainsi qu'à leurs familles. »
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