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Birmanie : Les forces du gouvernement impliquées dans des meurtres et des viols

Il faut demander des comptes à l’armée et cesser l’utilisation de lois répressives

(New York) – Le nouveau gouvernement civil birman a failli à faire rendre des comptes à l’armée responsable des violations continues des droits humains commises dans l’ensemble du pays, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2017 (version abrégée en français). Le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) que dirige Aung San Suu Kyi a fourni peu d’efforts pour s’attaquer à la répression violente de l’ethnie Rohingya menée par l’armée dans l’État de Rakhine et aux autres abus à l’encontre de civils dans des secteurs avec prédominance de groupes ethniques, ou pour réformer les lois limitant les droits à la liberté d’expression et au rassemblement, ébranlant ainsi la promesse de transition politique.

Une famille rohingya sur les lieux d'un marché détruit par un incendie dans un village près de Maungdaw, dans l'État de Rakhine en Birmanie (Myanmar), le 27 octobre 2016. © 2016 Soe Zeya Tun/Reuters


Dans cette 27e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais de 687 pages, version abrégée en français de 247 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction, le Directeur exécutif, Kenneth Roth, explique qu'une nouvelle génération de populistes autoritaires cherche à infirmer le concept d'une protection individuelle basée sur les droits humains, en caractérisant ces droits comme une entrave à la volonté de la majorité. Pour toutes les personnes qui se sentent laissées de côté par l'économie mondialisée et qui craignent de plus en plus d'être exposées à des violences et à des crimes, les organisations de la société civile, les médias et le public ont des rôles essentiels à jouer en réaffirmant la validité des valeurs sur lesquelles les démocraties respectueuses des droits humains ont été édifiées.

« Aung San Suu Kyi et son nouveau gouvernement ont fait naitre l’espoir que la Birmanie avait enfin passé le cap de la transition vers une démocratie respectueuse des droits », a expliqué Brad Adams, directeur de la division Asie à Human Rights Watch. « Mais pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit se battre pour les principes des droits humains et cela implique de demander des comptes à l’armée. »

Le gouvernement dirigé par la LND est entré en fonction en mars 2016 en tant que premier gouvernement du pays élu démocratiquement depuis 1962. Cependant, les dispositions de la Constitution de 2008 accordant à l’armée le contrôle de ministères clés et 25 % des sièges au Parlement, ainsi que le recours à des lois répressives, ont permis des abus continus des droits humains et contrecarré toute véritable réforme politique. En vertu de la Constitution de 2008, l’armée reste indépendante de toute surveillance civile et détient un pouvoir étendu sur les questions de sécurité nationale.

Le 9 octobre 2016, des attaques menées par des militants Rohingya contre des postes de gardes-frontières dans l’État de Rakhine au nord ont entraîné la mort de neuf agents. En réponse, l’armée a lancé des « opérations de nettoyage » et un confinement de la zone, refusant tout accès aux groupes d’aide humanitaire, aux médias indépendants et aux observateurs des droits.

Le confinement a empêché toute enquête indépendante sur les nombreux comptes rendus d’abus graves commis par les forces du gouvernement contre les villageois Rohingya, notamment des exécutions sommaires, des viols et d’autres violences sexuelles, des actes de torture et des mauvais traitements, des arrestations arbitraires et des incendies criminels. Les images satellite ont révélé des destructions massives causées par le feu dans les villages Rohingya, avec au moins 1 500 bâtiments détruits en tout. L’analyse de ces images et les récits de Rohingya réfugiés au Bangladesh, pays voisin, impliquent l’armée dans ces atrocités. Des dizaines de milliers de villageois musulmans ont été déplacés, dont un grand nombre ont fui au Bangladesh.

Les luttes entre les forces armées birmanes et les groupes armés ethniques se sont aggravées au cours de l’année dans les États du nord de Shan, Kachin, Rakhine et Karen, entraînant le déplacement de milliers de civils. Les forces du gouvernement ont été régulièrement identifiées comme responsables de violations, incluant des exécutions sommaires, des actes de torture, des violences sexuelles et la destruction de biens. Le gouvernement continue de lancer des bombardements et des frappes aériennes contre les civils dans les secteurs avec prédominance de groupes ethniques, violant ainsi les lois de la guerre. En août, Aung San Suu Kyi et le gouvernement ont tenu la Conférence de Panglong du 21e siècle sur le processus de paix, qui n’a pas répondu aux attentes des groupes ethniques.

En avril, le gouvernement a libéré 235 prisonniers politiques lors d’une vague d’amnisties. Toutefois, le mouvement vers une nouvelle ère de transparence a été contredit par l’utilisation perpétuelle du gouvernement de lois répressives afin de restreindre la liberté d’expression et les rassemblements pacifiques. Les autorités continuent d’arrêter et de poursuivre en justice des militants pour avoir critiqué le gouvernement ou l’armée et pour avoir participé à des manifestations pacifiques. Bien que l’allègement de la censure de la presse témoigne de la transition démocratique, diverses formes de contrôle gouvernemental restent inscrites dans la législation et sont employées pour restreindre la liberté de la presse.

« Les attaques persistantes du gouvernement contre les minorités ethniques et religieuses et les arrestations de militants politiques nous rappellent malheureusement le "mauvais temps passé" birman », a déclaré Brad Adams. « Les gouvernements étrangers devraient exhorter Aung San Suu Kyi à appeler toutes les sections du gouvernement à promouvoir le respect des droits humains afin que les réformes nécessaires puissent être réalisées. »

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