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Pourquoi le cas de Nabeel Rajab ne suscite-t-il pas un tollé ?

Le militant bahreïnien des droits humains risque 15 ans de prison

En janvier 2014, Stephen Colbert, célèbre animateur de la chaîne de télévision américaine CBS, a interviewé Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch, et lui a demandé qui serait pour lui le prochain Nelson Mandela. Avec l'écrivain dissident chinois Liu Xiaobo, Roth a cité le nom du militant bahreïnien des droits humains Nabeel Rajab (cf vidéo à 4’29).

Le militant bahreïnien des droits humains Nabeel Rajab, photographié à Manama le 2 novembre 2014, peu avant sa libération sous caution . © 2014 Ahmed Al-Fardan

Ken Roth ne savait pas à ce moment-là que Nabeel Rajab aurait à affronter une longue et injuste détention qui remuerait la conscience du monde. Mais Nabeel Rajab, en prison depuis juin, doit comparaître cette semaine devant un tribunal qui le condamnera très probablement à 15 ans de prison sur la base d’accusations absurdes liées à la liberté d’expression. Mais contrairement à Mandela, il semble que cela ne gêne pas plus que cela les États européens.

L'un des supposés crimes de Nabeel Rajab est sa critique des frappes aériennes menées au Yémen par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, qui ont ciblé des hôpitaux, des écoles et des marchés, tuant plus de 1 900 civils selon les estimations de l'ONU. L’autre soi-disant délit qui lui est reproché sont les remarques faites sur Twitter à propos de la torture dans la tristement célèbre prison de Jau, à Bahreïn.

L’on pourrait penser qu’il serait facile pour les gouvernements d’appeler à la libération immédiate de Nabeel Rajab, comme Human Rights Watch et 21 autres organisations leur ont demandé de le faire. Or jusqu'à présent, seuls les États-Unis – ont explicitement demandé à la famille régnante de Bahreïn de libérer Rajab.

Pourtant, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Marc Ayrault a qualifié Mandela de « source d'inspiration pour l'humanité toute entière » ; le ministre britannique pour le Moyen-Orient, Tobias Ellwood, a posté son hommage parlementaire à Mandela sur son site internet ; et Frank Walter Steinmeier a évoqué la photo de Mandela qui trône dans son bureau au ministère des Affaires étrangères allemand. Pourtant, ni eux ni leurs gouvernements n’ont appelé à la libération de Nabeel Rajab.

Est-il pertinent de comparer Rajab à Mandela ? C’est un débat, mais il est certainement censé de comparer la déification d'un activiste par des États à leur silence sur un autre cas, et Mandela - ardent défenseur de la liberté d'expression - aurait certainement relevé le deux-poids-deux-mesures. Nabeel Rajab devrait être condamné le 6 octobre. Si les ministres des Affaires étrangères sollicitées par les ONG n’appellent pas à l’abandon des poursuites à son encontre et à sa libération avant cette date, ils auront à ruminer leur propre manque de courage pendant les 15 prochaines années.

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Kenneth Roth, invité de l'émission "Colbert Report" le 6 janvier 2014,
évoque le cas de Nabeel Rajab (à 04:29 de la vidéo) :

 

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