(Nairobi) – Des Casques bleus des Nations Unies stationnés en République centrafricaine ont violé ou exploité sexuellement au moins huit femmes et jeunes filles d’octobre à décembre 2015. Parmi les survivantes figurent une jeune fille de 14 ans et une jeune femme de 18 ans qui ont déclaré que les Casques bleus les avaient assujetties à un viol collectif près de l’aérodrome de Bambari, dans le centre du pays.
« Dans un pays où des groupes armés s’en prennent régulièrement aux civils, les Casques bleus devraient être des protecteurs et non des prédateurs », a déclaré Hillary Margolis, chercheuse auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch. « Il ne suffit pas de renvoyer des Casques bleus dans leur pays. L’ONU doit insister pour que les pays d’où les troupes sont originaires traduisent en justice les auteurs de viols et d’autres d’abus, et pour que les survivantes puissent bénéficier du soutien dont elles ont besoin. »
Human Rights Watch a recueilli des informations sur les huit cas d’exploitation et d’abus sexuels perpétrés par des Casques bleus de la MINUSCA lors de recherches menées à Bambari du 16 au 30 janvier 2016. Seule une des survivantes avait reçu des soins médicaux ou psychosociaux, dispensés par l’hôpital de Bambari et par l’intermédiaire d’organisations non gouvernementales, avant son entretien avec Human Rights Watch.
Ces huit victimes ont toutes affirmé croire que les Casques bleus responsables étaient originaires de la République du Congo ou de la République démocratique du Congo. Un bataillon d’environ 800 militaires provenant de la République démocratique du Congo est déployé à Bambari et dans d’autres villes de la province de Ouaka. Entre la mi-septembre et la mi-décembre, un petit contingent de Casques bleus originaires de la République du Congo avait également été déployé à titre provisoire afin de protéger l’aérodrome de Bambari. Le déploiement des Casques bleus de la République du Congo correspond aux allégations d’exploitation et d’abus sexuels examinées par Human Rights Watch, la plupart de ces actes ayant été perpétrés dans l’aérodrome ou à proximité.
Une femme de 18 ans a déclaré que fin 2015, s’étant rendue dans la base située à proximité de l’aérodrome et où étaient stationnées des troupes originaires de la République du Congo, pour y chercher de la nourriture ou de l’argent, des Casques bleus armés l’avaient emmenée de force dans la brousse où ils lui avaient fait subir un viol collectif. « Je ne voulais pas avoir de rapports sexuels avec eux, mais quand je me suis rendue dans leur base, ils m’ont emmenée dans la brousse », a-t-elle déclaré. « Il y en avait trois sur moi. Ils étaient armés. Ils m’ont dit que si je résistais, ils me tueraient. Ils m’ont prise l’un après l’autre. »
Une jeune fille de 14 ans a déclaré qu’en novembre, deux Casques bleus l’avaient attaquée alors qu’elle marchait près de la base de la MINUSCA jouxtant l’aérodrome. « Les hommes portaient leur tenue militaire et ils avaient leurs fusils », a-t-elle expliqué. « Je suis passée à côté d’eux et soudain, l’un d’eux m’a attrapée par les bras et l’autre a déchiré mes vêtements. Ils m’ont traînée jusque dans les grandes herbes et l’un deux m’a tenu les bras pendant que l’autre me bloquait les jambes et me violait. Le soldat qui me tenait les bras a essayé de me bâillonner mais j’ai quand même réussi à crier. C’est pour cela qu’ils se sont enfuis avant que le second soldat ait pu me violer. »
Dans tous les cas d’exploitation et d’abus sexuels documentés par Human Rights Watch, les survivantes vivaient dans des camps de personnes déplacées internes à Bambari lorsque les exactions ont eu lieu. Plusieurs d’entre elles ont déclaré à Human Rights Watch avoir eu des rapports sexuels avec des Casques bleus en échange de nourriture ou d’argent, étant donné que le conflit qui perdure en République centrafricaine les a laissées dans une situation désespérée. La politique de l’ONU régissant le comportement des Casques bleus interdit toute relation sexuelle avec des membres de la communauté locale.
Human Rights Watch a rendu compte de ces cas à des représentants de l’ONU à Bambari et à Bangui quelques jours après avoir recueilli ces informations. L’équipe dirigeante de la MINUSCA, qui s’est engagée à empêcher et lutter activement contre l’exploitation et les abus sexuels, a immédiatement pris des mesures suite aux allégations, et des hauts fonctionnaires de l’ONU ont ouvert des enquêtes. Human Rights Watch a appris par la suite qu’un cas avait déjà été signalé à l’ONU et qu’une enquête avait été ouverte.
En vertu de l’accord signé entre l’ONU et les pays qui fournissent des contingents aux missions de maintien de la paix, c’est au pays qui fournit les troupes d’engager des poursuites judiciaires contre les soldats qui commettent des actes d’exploitation et d’abus sexuels. L’ONU peut renvoyer des contingents dans leur pays d’origine et leur interdire de participer à de futures missions onusiennes, mais elle n’est dotée d’aucune capacité indépendante pour les poursuivre en justice.
Un rapport publié en 2015 par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) de l’ONU évaluant l’application par l’ONU de son règlement relatif à l’exploitation et aux abus sexuels a constaté que les pays fournissant des contingents ne communiquaient guère d’informations au sujet des procédures disciplinaires engagées dans les pays dont ces contingents étaient originaires. Ce rapport indiquait également que l’ONU et les pays qui fournissent des contingents s’abstenaient de tenir les commandants pour responsables des actes d’exploitation et d’abus sexuels perpétrés par leurs contingents.
Un examen indépendant consacré ultérieurement à l’exploitation et aux abus sexuels commis par les Casques bleus en République centrafricaine, publié en décembre 2015, recommandait que de nouveaux accords soient négociés avec les pays qui fournissent des contingents afin d’assurer des poursuites en justice, une transparence et une coopération aux processus de responsabilité.
L’ONU devrait s’assurer que les Casques bleus fassent l’objet de contrôles avant d’être déployés et qu’ils soient formés à la politique de zéro tolérance de l’ONU à l’égard de l’exploitation et des abus sexuels. Les États membres de l’ONU devraient par ailleurs veiller à ce que les équipes Conduite et discipline de la MINUSCA et celles du BSCI, en sous-effectifs, reçoivent les ressources nécessaires pour répondre aux cas d’exploitation et d’abus sexuels et d’autres crimes commis par le personnel de l’ONU.
Human Rights Watch a exhorté la MINUSCA à s’assurer que sa réponse à l’exploitation et aux abus sexuels commis par les Casques bleus accorde un degré de priorité élevé à la sécurité et au bien-être des survivantes. Il devrait notamment s’agir de veiller à maintenir la confidentialité afin de réduire le risque de stigmatisation, à minimiser la répétition du traumatisme imputable aux multiples entretiens et à permettre un accès rapide aux soins médicaux et psychosociaux.
En juin 2014, Human Rights Watch a publié des informations sur les disparitions forcées de 11 à 18 personnes commises par des Casques bleus originaires de la République du Congo à Boali, ainsi que sur la mort sous la torture de deux autres personnes à Bossangoa. À l’époque, les Casques bleus congolais étaient placés sous les ordres de la mission de l’Union africaine (UA) en République centrafricaine, la MISCA. Les contingents impliqués ont fini par être retirés, mais Human Rights Watch n’a pas connaissance d’enquêtes ou de poursuites en justice qu’auraient menées des autorités judiciaires en République du Congo en rapport avec ces crimes graves.
L’ONU et les pays qui fournissent des contingents devraient prendre de toute urgence des mesures pour mettre fin à tout incident actuel d’exploitation et d’abus sexuels commis par les Casques bleus en République centrafricaine, et mettre en œuvre des dispositifs efficaces pour enquêter sur ces crimes, traduire en justice les responsables et fournir des services et un soutien aux victimes.
« Il ne faudrait pas se contenter de renvoyer chez eux, sans engagement à l’égard de la justice, les Casques bleus qui violent, qui exploitent ou qui tuent », a déclaré Lewis Mudge, chercheur auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « L’ONU devrait tirer parti de toute l’influence qu’elle exerce sur les pays qui fournissent des contingents afin de s’assurer que ceux qui soumettent des victimes à des abus et ternissent l’image de l’ONU ainsi que sa mission doivent répondre de leurs crimes devant les tribunaux. »
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Informations détaillées sur les cas d’abus documentés par Human Rights Watch
Exploitation et abus sexuels commis par des Casques bleus à Bambari
Human Rights Watch a présenté des informations sur les cas suivants d’exploitation et d’abus sexuels commis par des Casques bleus de l’ONU fin 2015. Parmi ces actes figurent deux cas de viols collectifs, y compris d’un enfant ; quatre cas de viols, dont deux d’enfants ; et quatre cas d’échange d’actes sexuels contre de la nourriture ou de l’argent, dont un impliquait un enfant. Deux des victimes de viol ont déclaré avoir aussi pris part à des rapports sexuels transactionnels, qui entrent dans la définition de l’exploitation sexuelle formulée par l’ONU.
1er cas : Une jeune fille de 14 ans a déclaré que deux Casques bleus l’avaient attaquée en novembre alors qu’elle rentrait chez elle depuis la base de la MINUSCA située dans l’aérodrome. Ces Casques bleus auraient été membres du contingent originaire de la République du Congo qui gardait l’aéroport. Elle a expliqué à Human Rights Watch :
Les hommes portaient leur tenue militaire et ils avaient leurs fusils. Je suis passée à côté d’eux et soudain, l’un d’eux m’a attrapée par les bras et l’autre a déchiré mes vêtements. Ils m’ont traînée jusque dans les grandes herbes et l’un deux m’a tenu les bras pendant que l’autre me bloquait les jambes et me violait. Le militaire qui me tenait les bras a essayé de me bâillonner mais j’ai quand même réussi à crier. C’est pour cela qu’ils se sont enfuis avant que le second militaire ait pu me violer.
2ème cas : Une femme de 30 ans a déclaré qu’en novembre, un Casque bleu l’avait violée à Bambari alors qu’elle coupait du bois dans la brousse jouxtant l’aérodrome :
J’ai levé la tête et j’ai vu quelqu’un. Il était en uniforme, avec un fusil… Il m’a prise de force et m’a dit : « Nous allons avoir un rapport sexuel comme un homme avec sa femme. » J’ai eu peur et j’ai essayé de résister et il m’a donné un coup de poing au visage. Je suis tombée par terre derrière lui. Il a pris mes habits et a eu des relations sexuelles forcées avec moi… Depuis, j’ai peur d’aller dans cette partie du camp [de personnes déplacées]. Sur un plan émotif, j’y pense beaucoup. Nous avons fui pour venir ici [dans le camp de personnes déplacées]. Nous avons tout perdu.
3ème cas : Une femme de 18 ans a déclaré que, fin 2015, des Casques bleus armés l’avaient emmenée de force dans la brousse où ils lui avaient fait subir un viol collectif alors qu’elle se rendait à la base des contingents de la République du Congo jouxtant l’aérodrome pour y chercher de la nourriture ou de l’argent. Elle a déclaré : « Quand une femme refuse [d’avoir un rapport sexuel avec] des militaires, ils disent que leur chef va arriver. Parfois, ils viennent en groupe et la violent. » Quelques mois avant d’être violée, cette femme avait également eu des rapports sexuels avec des Casques bleus stationnés à l’aérodrome en échange de nourriture. Elle a indiqué :
Avant, quand on y allait, il fallait avoir un rapport sexuel avant qu’on nous donne des choses… Ils nous demandaient d’aller dans la brousse et, une fois là-bas, ils nous demandaient de coucher avec eux… C’était toujours après le rapport sexuel qu’ils nous donnaient des choses.
4ème cas : Une jeune fille âgée de 14 ans a déclaré que, fin décembre, elle marchait près de la base de la MINUSCA installée dans une ancienne usine de coton lorsqu’un Casque bleu originaire de la République démocratique du Congo l’a attaquée :
J’étais sur un chemin de brousse, je venais de passer à côté de gardes de la MINUSCA lorsqu’un militaire m’a sauté dessus. Il était en uniforme comme les autres militaires de la [République démocratique du] Congo. Il avait son fusil avec lui. Il m’a giflée et obligée à continuer de marcher sur ce chemin… Nous avons marché pendant un moment, puis il m’a arraché mes habits et s’en est servi pour m’attacher les mains derrière le dos. Il m’a jetée par terre, a mis son fusil de côté et a grimpé sur moi pour me violer. Quand il avait terminé, il est parti, comme ça. J’ai dû me rhabiller et je suis rentrée chez moi… Cet homme devrait rendre compte de ses actes devant la justice.
5ème cas : Une femme de 29 ans a déclaré qu’un militaire de la République démocratique du Congo l’avait violée en octobre 2015 :
C’était un soir, je faisais ma toilette dans ma case. On a frappé à la porte et j’ai répondu que j’étais occupée. Mais un homme a dit : « Non, ouvre la porte… Je suis venu te voir. » Je l’ai ignoré, et je pensais quelques minutes plus tard qu’il était parti. Mais alors que je terminais ma toilette, il est entré. C’était un militaire de la MINUSCA, qui portait un casque bleu. Je lui ai demandé : « Que faites-vous ici ? » et l’ai prié de partir. Mais il m’a contrainte à avoir un rapport sexuel avec lui et, comme il était plus fort, je n’ai pas eu le choix.
Cette femme avait également eu des rapports sexuels avec des Casques bleus de la MINUSCA en échange de nourriture et d’argent quelques mois plus tôt. Elle a précisé :
Les conditions de vie dans le camp [de personnes déplacées] étaient précaires. Je ne savais pas quoi faire, alors j’ai commencé à avoir des rapports sexuels avec des membres des forces internationales. En échange, ils me donnaient du poisson, du poulet, de la confiture et du pain. Parfois, ils me donnaient entre 1 000 et 2 000 CFA (soit environ entre 1,60 et 3,30 dollars US)… Avant [le conflit], les choses n’étaient pas comme cela… J’ai dû prendre des décisions parce que la vie était si difficile, et j’ai donc choisi d’entamer ce genre de relations pour survivre.
6ème cas : Une jeune fille de 16 ans a déclaré qu’un Casque bleu originaire de la République du Congo qui était stationné à l’aérodrome lui avait donné de la nourriture et de l’argent en échange de rapports sexuels d’octobre à décembre 2015. Elle a expliqué que des militaires avaient été les instigateurs de relations sexuelles avec elle lorsqu’elle-même et une amie s’étaient rendues à la base pour y vendre de l’alcool : « Je l’ai rencontré quand il était de garde à l’aéroport. C’est là que nous avons eu un rapport sexuel. Après cela, il venait dans ma case. » Elle a précisé que le Casque bleu lui donnait de la nourriture ou 1 000 CFA (environ 1,60 dollar US). Elle a ajouté que lorsque le conflit avait éclaté à Bambari, elle n’avait pas eu d’autre choix que d’aller s’installer près de l’aérodrome pour assurer sa sécurité et celle d’un parent handicapé. Une fois installée près de l’aérodrome, n’ayant pas les moyens de subvenir à leurs besoins, elle s’était dit que la seule chose à faire était d’échanger des rapports sexuels contre de la nourriture et de l’argent.
7ème cas : Une femme de 18 ans a déclaré qu’en novembre, elle avait échangé des relations sexuelles contre de la nourriture et de l’argent avec des militaires dont on présume qu’ils étaient originaires de la République du Congo, et qui étaient stationnés à l’aérodrome. Ses amies, qui vendaient déjà leur corps en échange de produits de première nécessité, et un membre de sa famille l’ont encouragée à aborder le contingent car sa famille avait « des problèmes de nourriture et d’argent ». Elle a expliqué que ses amies lui avaient dit : « Au lieu de rester dans cette situation, tu devrais aller avec les Congolais, ils te donneront de l’argent pour nourrir ta famille. » Elle a affirmé : « Je me suis mis dans l’idée d’y aller. Je savais déjà qu’ils demandaient des rapports sexuels. J’ai dit à mes amies : ‘Bon. Mon père est mort, ma mère est morte. Je ne peux pas mourir moi aussi.’ J’ai suivi mes amies, et les choses qu’elles faisaient, je les ai faites. »
8ème cas : Human Rights Watch a reçu des informations crédibles de sources multiples, y compris d’un parent d’une survivante, concernant le viol à la mi-novembre d’une jeune fille de 13 ans par deux Casques bleus de la MINUSCA près de l’aérodrome de Bambari. La fille a eu un rapport sexuel avec un Casque bleu en échange de nourriture, après quoi deux autres Casques bleus sont apparus et l’ont violée.
Mesures prises par l’ONU pour lutter contre l’exploitation et les abus sexuels (EAS)
Les actes que sont le viol, les rapports sexuels en échange d’argent, de marchandises ou de services et les rapports sexuels avec une personne de moins de 18 ans commis par des militaires de l’ONU, des membres de la police ou des civils sont considérés comme des actes d’exploitation et d’abus sexuels et sont interdits par l’ONU. L’ONU déclare appliquer une politique de zéro tolérance à l’égard de l’exploitation et des abus sexuels.
En 2005, l’ONU a créé une unité « Déontologie et discipline » chargée de surveiller ce genre de problématiques au sein des missions de maintien de la paix. Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) enquête, soumet des rapports et recommande des mesures concernant les abus qu’auraient perpétrés les Casques bleus de l’ONU. Mais la République centrafricaine ne compte qu’un seul BSCI temporaire chargé d’enquêter sur une multitude d’allégations.
Les pays qui fournissent des contingents aux missions de maintien de la paix signent un protocole d’accord avec l’ONU qui énumère leurs obligations en matière de conduite et de discipline de leurs Casques bleus. Tous les personnels de l’ONU doivent obligatoirement suivre une formation sur la question de l’exploitation et des abus sexuels dès leur arrivée au sein d’une mission. Les pays sont également tenus de dispenser, avant le déploiement des contingents, une formation sur la problématique de l’exploitation et des abus sexuels s’appuyant sur les directives de l’ONU.
Si un Casque bleu est accusé d’exploitation ou d’abus sexuels, c’est à son pays d’origine qu’il revient en premier de mener une enquête. Sous réserve d’un accord, l’ONU et les pays qui fournissent les contingents peuvent mener des enquêtes conjointes. Si le pays qui a fourni le contingent n’a pas donné de réponse dans les dix jours suivant la réception de l’information sur l’allégation, l’ONU peut ouvrir une enquête de son propre chef.
Si une allégation est justifiée, des mesures disciplinaires—dont une poursuite en justice—sont déterminées par le pays d’origine du militaire. Les seules mesures que l’ONU puisse prendre directement se limitent à rapatrier les Casques bleus accusés et à leur interdire de participer à toute autre mission de maintien de la paix. Les pays qui fournissent des contingents doivent rendre compte à l’ONU du résultat des enquêtes, de toute mesure disciplinaire qui a été prise ou de toute condamnation qui a été imposée. Si cette exigence n’est pas remplie, l’ONU doit assurer un suivi du dossier en adressant de nouvelles demandes d’informations à intervalles réguliers. L’ONU a récemment annoncé que les pays qui fournissent des contingents auraient désormais six mois pour conclure des enquêtes ou engager des poursuites.
Autres actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des Casques bleus en République centrafricaine
En mai 2015, un rapport de l’ONU datant de 2014 a fait l’objet d’une fuite, détaillant des abus sexuels commis par des militaires français sur des garçons, dont certains n’avaient que 9 ans.
En août 2015, Amnesty International a allégué qu’un Casque bleu de la MINUSCA avait violé une fille de 12 ans à Bangui.
Suite à plusieurs allégations d’exploitation et d’abus sexuels, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a demandé la démission de Babacar Gaye, alors chef de la MINUSCA, et rappelé la politique de zéro tolérance de l’ONU.
Quelques jours plus tard, toujours en août, la MINUSCA a rendu publiques des allégations selon lesquelles des Casques bleus auraient violé trois femmes à Bambari, où étaient stationnés des contingents originaires de la République démocratique du Congo. Le rapatriement de l’ensemble des Casques bleus de la MINUSCA originaires de la République démocratique du Congo est prévu pour février 2016 – ils ont échoué lors d’un examen interne de l’ONU qui visait à évaluer la qualité des équipements, les procédures de contrôle de sécurité des militaires et leur niveau de préparation.
Début janvier 2016, la MINUSCA a annoncé qu’elle enquêtait sur des cas d’exploitation et d’abus sexuels découverts récemment dans le camp de personnes déplacées de M’poko, à Bangui, la capitale centrafricaine. Parmi ces abus, qu’auraient commis des Casques bleus, figurent des attaques visant des enfants. Le 29 janvier, le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a confirmé que des cas supplémentaires d’exploitation et d’abus sexuels visant des enfants avaient été découverts. Ces attaques, dont la plupart ont eu lieu en 2014, auraient été perpétrées par des membres des forces françaises de l’opération Sangaris et des forces géorgiennes de la mission EUFOR.
Le 29 janvier, lors d’une conférence de presse, le secrétaire général adjoint Anthony Banbury a déclaré qu’en 2015, les allégations confirmées d’exploitation et d’abus sexuels se rapportant à des Casques bleus de l’ONU en République centrafricaine étaient au nombre de 22, sur les 69 cas confirmés à l’échelle de toutes les missions onusiennes. Banbury a précisé que le secrétaire général publierait en 2016 un rapport énumérant ces allégations. Ce rapport indiquera les pays d’origine des contingents mis en cause, fournira des détails sur le statut des enquêtes et comprendra des mises à jour régulières.
Autres abus commis par des Casques bleus originaires de la République du Congo
Human Rights Watch a signalé d’autres crimes graves perpétrés par des Casques bleus originaires de la République du Congo lorsqu’ils étaient sous les ordres de la MISCA, la force de maintien de la paix de l’Union africaine. Citons notamment la disparition forcée de 11 à 18 personnes à Boali le 24 mars 2014 et la mort sous la torture de deux prisonniers anti-balaka à Bossangoa le 22 décembre 2013.
Le 22 décembre 2014, la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine a publié son rapport en fournissant des informations détaillées sur sa propre enquête consacrée à la disparition des personnes à Boali qui avaient été détenues par des contingents de la MISCA originaires de la République du Congo. La Commission a conclu qu’elle estimait que l’affaire correspondait à la définition de disparitions forcées. La Commission a également signalé que les deux hommes issus de la milice locale anti-balaka, instaurée pour lutter contre la Séléka, à majorité musulmane, étaient morts dans des circonstances suspectes.
Le 5 juin 2015, le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a publié un rapport dans lequel il concluait que des contingents de la MISCA originaires de la République du Congo avaient commis des actes de disparitions forcées, de torture et de meurtres extrajudiciaires à Boali.
Lors d’un autre incident, signalé pour la première fois par l’ONU le 10 juin 2015, après le transfert depuis la mission de l’UA vers la mission de l’ONU de contingents originaires de la République du Congo, au moins une personne a été tuée à l’extérieur de Berbérati, dans le sud-ouest du pays, suite à un recours à la force excessif de la part de contingents originaires de la République du Congo. Un groupe de militaires de la République du Congo a été renvoyé dans son pays après cet événement, mais l’ONU n’a pas précisé si les enquêtes nationales sur cet incident avaient progressé ou été conclues.
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Liberation.fr 05.02.16
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Jeune Afrique / AFP 06.02.16
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