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2. Pourquoi ce procès est-il important?

3. Simone Gbagbo, l’ex-Première dame, ne fait-elle pas aussi l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI?

4. Que s’est-il passé en Côte d’Ivoire?

5. La CPI prendra-t-elle des mesures concernant les exactions commises par les forces pro-Ouattara?

6. Comment le peuple de Côte d’Ivoire sera-t-il informé de ce qui se passe à La Haye?

7. Pourquoi la procédure de la CPI contre Gbagbo et Blé Goudé a-t-elle pris tant de temps?

8. Qui supporte le coût de la défense de Gbagbo et de Blé Goudé?

9. Les victimes peuvent-elles participer au procès?

10. Quelles sont les mesures prises en Côte d’Ivoire pour traduire en justice les personnes responsables de crimes des droits humains commis durant la crise postélectorale de 2010-2011?

11. La CPI prend-elle l’Afrique pour cible?

 

  1. Qui sont Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, et pourquoi sont-ils en procès ?  

Laurent Gbagbo est l’ancien Président de la Côte d’Ivoire. Charles Blé Goudé, un proche allié de Gbagbo, était le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi dans le gouvernement de Gbagbo et le dirigeant des Jeunes Patriotes, une milice pro-Gbagbo.

L’ancien Président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo assiste à une audience de confirmation des charges tenue par la Chambre de première instance à la Cour pénale internationale à La Haye, le 19 février 2013.  © 2013 Reuters

La Cour pénale internationale (CPI) a mis les deux hommes en accusation pour leur responsabilité pénale individuelle dans quatre chefs de crimes contre l'humanité, qui incluent : des meurtres ; de viols et d’autres formes de violence sexuelle ; d’actes inhumains ; et d’actes de persécution.

Ces charges sont liées à la crise postélectorale que la Côte d’Ivoire a traversée entre 2010 et 2011, lorsque Gbagbo a refusé d’accepter la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. Le refus de Gbagbo de se retirer de la présidence a entraîné un conflit armé au cours duquel au moins 3 000 civils ont été tués et plus de 150 femmes ont été violées. Les deux parties opposées ont commis de graves violations des droits humains.

Les autorités ivoiriennes ont arrêté Gbagbo le 11 avril 2011 et il a été maintenu en détention en Côte d’Ivoire jusqu’à son transfert à La Haye en novembre 2011. Les autorités ivoiriennes ont remis Blé Goudé à la CPI en mars 2014. 

En mars 2015, la Chambre de première instance de la CPI a joint les dossiers concernant les deux hommes, étant donné que leurs rôles dans les crimes présumés est « étroitement lié. » La Chambre de première instance a également expliqué que, selon le Procureur, les éléments de preuve qui seront présentés dans les deux affaires sont en grande partie les mêmes.

  1. Pourquoi ce procès est-il important ?

Gbagbo est le premier ancien chef d’État à être jugé par la CPI. Son procès envoie un message clair : que la justice peut atteindre tout le monde, même les personnes les plus puissantes, lorsqu’elles commettent les pires crimes.

La CPI a allégué que Blé Goudé faisait partie de  « l’entourage immédiat » de Gbagbo, qui a conçu un plan visant à maintenir le président en place par tous les moyens, y compris utilisant la force contre les civils. Le procès conjoint devrait révéler la structure du pouvoir qui a conduit à des nombreux abus pendant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire entre 2010 et 2011.

Le procès de Gbagbo est la tentative la plus récente d’obliger des anciens chefs d’état, accusés de graves crimes, à rendre des comptes devant la justice. En 2013, la chambre d’appel du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone a confirmé la condamnation en première instance de l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, reconnu coupable de complicité dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pendant le violent conflit armé qui a secoué la Sierra Leone entre 1991 et 2002. En 2015, les Chambres africaines extraordinaires au Sénégal ont initié le procès contre l’ancien dictateur du Tchad, Hissène Habré, sur des accusations de crimes contre l’humanité, de torture, et de crimes de guerre commis alors qu’il était au pouvoir entre 1982 et 1990.

  1. Simone Gbagbo, l’ex-Première dame, ne fait-elle pas aussi l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI ?

En effet. L’épouse de Laurent Gbagbo, Simone, se trouve en détention en Côte d’Ivoire depuis avril 2011. En février 2012, la CPI a émis un mandat d’arrêt confidentiel à son encontre, alléguant qu’elle faisait également partie de « l’entourage immédiat » qui était responsable de crimes contre l’humanité commis par les forces pro-Gbagbo. Néanmoins la CPI est un tribunal de dernier recours, et n’est pas compétente pour juger des affaires déjà jugées par des tribunaux nationaux, à condition que ces efforts de justice au niveau national soient véritables.

En octobre 2013, les autorités ivoiriennes ont formellement contesté la recevabilité de l’affaire devant la CPI, arguant que Simone Gbagbo faisait l’objet d’une enquête au niveau national pour des faits similaires aux accusations portées contre elle par la CPI.

En décembre 2014, la Chambre de première instance de la CPI a rejeté la contestation de la Côte d’Ivoire, concluant que les « mesures d’enquête [en Côte d’Ivoire] touchant à la responsabilité pénale de Simone Gbagbo [pour crimes contre l’humanité] ne sont pas seulement rares et dénuées de progression », mais qu’il « reste impossible de discerner les contours factuels d’ensemble des enquêtes. »

En mars 2015,  un tribunal ivoirien a déclaré Simone Gbagbo coupable de crimes contre l’État commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011, lors d’un procès entaché d’irrégularités préoccupantes. Elle a été condamnée à 20 ans de prison, mais l’affaire fait l’objet d’une procédure d’appel de la part du Parquet tout comme de la défense en Côte d’Ivoire. Ce procès portait uniquement sur des crimes contre l’État, et non sur les meurtres et les viols qui constituent la base des accusations pour crimes contre l’humanité portées contre elle par la CPI.

En mai, la CPI a rejeté l’appel interjeté par le gouvernement ivoirien contre la décision de la Chambre de première instance. La Côte d’Ivoire demeure obliger de remettre Simone Gbagbo à la CPI.

  1. Que s’est-il passé en Côte d’Ivoire?

En décembre 2010, Gbagbo a refusé de se retirer lorsque la Commission électorale indépendante et les observateurs internationaux ont proclamé son rival, Ouattara, comme le vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. Pendant les cinq mois de violence et de conflit qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes ont été violées. Les forces armées des deux parties ont ciblé des populations civiles selon leur affiliation politique et, dans de nombreux cas, leur appartenance ethnique ou religieuse.

Les unités d’élite des forces de sécurité étroitement liées à Gbagbo ont fait disparaître des dirigeants politiques liés à la coalition de Ouattara,  les enlevant de restaurants ou de leurs domiciles, et nombreux d’eux ont été retrouvés plus tard criblés de balles par leurs proches à la morgue.

Les miliciens pro-Gbagbo installés à des postes de contrôle informels dans tout Abidjan ont tué un grand nombre de partisans réels ou présumés d’Ouattara, les battant à mort avec des briques, les exécutant à bout portant, ou les brûlants vifs. Les femmes actives politiquement, ou qui portaient tout simplement des tee-shirts pro-Ouattara, ont été ciblées et souvent sont devenues victimes de viols collectifs aux mains des membres de forces de sécurité et des milices pro-Gbagbo. Dans l’ouest du pays, les miliciens de Gbagbo et des mercenaires libériens ont tué des centaines de personnes, choisissant la plupart de leurs victimes seulement sur la base de leur affiliation ethnique.

Les abus des forces pro-Ouattara ont atteint une intensité comparable après le lancement d’une offensive militaire en mars 2011 qui visait à prendre le contrôle du pays. Dans village après village dans l’extrême ouest du pays, des membres des Forces républicaines fidèles à Ouattara ont tué des civils appartenant à des groupes ethniques liés à Gbagbo, dont des personnes âgées dans l’incapacité de fuir ; ils ont violé des femmes et réduit des villages en cendres. À Duékoué, une ville de l’ouest du pays, les Forces républicaines et les milices alliées ont massacré plusieurs centaines de personnes, extrayant de leur domicile des hommes non armés appartenant à des groupes ethniques présumés de milices pro-Gbagbo, puis les exécutant. Plus tard, au cours de l’offensive militaire destinée à prendre le contrôle d’Abidjan et à consolider la ville, les Forces républicaines ont encore exécuté et torturé un grand nombre de personnes issues de groupes ethniques liés à Gbagbo, parfois sur les lieux mêmes de leur détention.

À la fin du conflit, Human Rights Watch, une commission d’enquête de l’ONU, la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnesty International, et une coalition ivoirienne d’organisations de défense des droits humains avaient documenté des crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité commis par les deux parties. En août 2012, une commission nationale d’enquête mise en place par le Président Ouattara a publié un rapport rendant compte également de crimes graves commis par les forces des deux parties, notamment des actes de torture et des centaines d’exécutions sommaires.

  1. La CPI prendra-t-elle des mesures concernant les exactions commises par les forces pro-Ouattara ?

Si la procureure de la CPI a insisté à maintes reprises sur l’impartialité de son bureau, la CPI n’a encore porté aucune accusation contre des suspects du camp Ouattara. Le personnel de la Cour a expliqué que le souci de finaliser les affaires contre Gbagbo et Blé Goudé, ainsi que des contraintes en termes de ressources, ont affecté leur capacité de pouvoir avancer dans les enquêtes sur les forces pro-Ouattara. En 2015, la procureure, Fatou Bensouda, a indiqué qu’elle prévoyait une accélération dans le rythme des enquêtes sur les crimes commis par des commandants affiliés à Ouattara. Il est difficile de prévoir la façon dont le budget 2016 alloué au Bureau du Procureur—qui a reçu moins de ressources que demandé—affectera ces enquêtes.

Le personnel de la Cour a indiqué que la décision du Bureau du Procureur de progresser initialement seulement contre les forces pro-Gbagbo a résulté de sa capacité à préparer l’affaire rapidement, étant donné la disponibilité d’éléments de preuve déterminants et de témoins. Face à l’incertitude quant à la possibilité que la remise de Gbagbo puisse durer, et sur la base des informations qui étaient à sa disposition à ce moment-là, le Bureau du Procureur a décidé qu’il valait mieux avancer pour garantir l’affaire à sa portée.

Toutefois, la décision de progresser initialement contre une seule partie du conflit est contestable. Le gouvernement ivoirien voulait désespérément retirer Gbagbo de la scène politique. Néanmoins, plutôt que poursuivre des affaires contre les deux parties simultanément, et d’utiliser la remise de Gbagbo à La Haye comme moyen de garantir la coopération dans les affaires contre les forces pro-Ouattara, l’approche par étapes du Bureau du Procureur et la remise rapide de Gbagbo — privant la Procureure d’un point clé d’influence sur le gouvernement — a permis au gouvernement ivoirien de traîner les pieds dans sa coopération avec la CPI. Le manque de coopération explicite avec la demande de la CPI de remettre l’épouse de Gbagbo, Simone, en est un exemple.

Le travail de la CPI en Côte d’Ivoire a été rendu encore plus difficile par les déclarations du Président Ouattara, en avril 2015, qu’il ne transfèrerait aucun autre suspect à la CPI, et que tous les procès futurs se dérouleraient devant des tribunaux nationaux. Cependant, même si les juges ivoiriens ont fait récemment des progrès dans les enquêtes, il est difficile de savoir si le gouvernement d’Ouattara soutient suffisamment le système judiciaire dans ses efforts pour amener les responsables devant la justice, en particulier pour les cas des commandants des forces pro-Ouattara.

L’absence d’accusations contre les forces pro-Ouattara à la CPI, étant donné la nature des crimes détaillés dans les allégations, a entraîné une opinion très polarisée à propos de la CPI en Côte d’Ivoire, et a porté atteinte à la légitimité de la Cour dans l’opinion populaire. Il est d’une importance primordiale que la CPI progresse dans ses enquêtes sur les forces pro-Ouattara, qu’elle cherche à rendre justice aux victimes et qu’elle fasse pression en faveur d’une justice impartiale nationale en Côte d’Ivoire.

  1. Comment le peuple de Côte d’Ivoire sera-t-il informé de ce qui se passe à La Haye ?

La CPI se trouve loin des sites où les crimes présumés de Gbagbo et de Blé Goudé ont été commis. La Cour est confrontée par le défi de garantir que les personnes affectées par les crimes, notamment les victimes, comprennent les procédures de la Cour. La défense de Gbagbo a demandé que l’ouverture du procès se tienne à Abidjan, mais la Chambre de première instance a rejeté cette requête, invoquant, entre autres, des considérations de sécurité.

Étant donné la distance séparant les procédures et les communautés affectées, il est absolument nécessaire que la CPI prépare des stratégies de sensibilisation et de communications afin de garantir que les informations sur le procès soient largement diffusées. Le redéploiement sur le terrain d’un responsable chargé de la sensibilisation, qui pourrait faire un travail à long terme, demeure essentiel pour fournir des informations à propos des procédures se déroulant à La Haye, et pour lutter contre les perceptions d’une Cour partielle.

Si dans l’ensemble, la Cour dispose de ressources très limitées pour mener un travail de sensibilisation, au minimum l’unité de sensibilisation devrait fournir des comptes rendus écrits réguliers sur les procédures aux associations de victimes et aux médias. Elle devrait également, comme dans d’autres pays où elle a travaillé, produire des résumés audiovisuels sur les procédures de la Cour et les distribuer aux médias et aux partenaires de la société civile en Côte d’Ivoire. La Cour devrait également envisager d’inviter plusieurs journalistes ivoiriens, et organisations de défense des droits humains à La Haye, pour renforcer la couverture indépendante des déclarations préliminaires par les médias ivoiriens et les organisations de contrôle.

  1. Pourquoi la procédure de la CPI contre Gbagbo et Blé Goudé a-t-elle pris tant de temps ?

En février 2013, la Chambre préliminaire a entendu les preuves contre Gbagbo afin de déterminer la confirmation des charges portées à son encontre. En juin 2013, une majorité des juges de la Chambre préliminaire est arrivée à la conclusion que la Procureure n’avait pas réussi à présenter suffisamment de preuves pour soutenir les charges. Au lieu de rejeter l’affaire, les juges ont accordé au Bureau du Procureur une extension pour leur enquête, et ils ont fourni une liste de points exigeant des preuves supplémentaires. En juin 2014, après avoir examiné ces preuves supplémentaires soumises par l’accusation, une majorité des juges de la Chambre préliminaire a confirmé les charges contre Gbagbo.

En décembre 2014, la Chambre préliminaire a confirmé les charges contre Blé Goudé. Après avoir joint leurs affaires en mars 2015, la Chambre de première instance a repoussé le début du procès jusqu’au 10 novembre.

La date du procès a été de nouveau retardée en fin octobre 2015 à la suite d’une demande adressée aux juges de la CPI par les avocats de Gbagbo, qui visait à évaluer si la santé de Gbagbo lui permettrait de participer au procès. En novembre, la Chambre de première instance a entendu les arguments de la procureure et de la défense et a conclu, en se basant sur l’opinion unanime de trois experts médicaux, que Gbagbo était apte à subir son procès.

  1. Qui supporte le coût de la défense de Gbagbo et de Blé Goudé ?

Le Greffier de la CPI a jugé que Gbagbo, tout comme Blé Goudé, sont indigents, ce qui signifie que la CPI paie pour leurs défenseurs respectifs dans le cadre de l’aide judiciaire aux frais de la Cour. Ce statut peut quand même être modifié, si le greffier de la Cour détermine que l’un ou l’autre des accusés est disposé des moyens nécessaires pour payer pour sa défense.

  1. Les victimes peuvent-elles participer au procès ?

Le Statut de Rome, document fondateur de la CPI, a mis en place un système innovateur qui permet aux victimes pour la première fois de pouvoir participer devant un tribunal pénal international. Selon ces dispositions, les victimes des crimes présumés peuvent présenter leurs « points de vue et leurs préoccupations » à la Cour pendant le procès de Gbagbo. La Cour a autorisé plus de 700 personnes à participer. La participation des victimes est une caractéristique importante de la CPI qui peut contribuer à combler l’écart entre les victimes et un tribunal situé à des milliers de kilomètres des lieux où les crimes ont été commis.

Comme participants, les victimes sont une partie de plein droit au procès, même si peu d’entre elles se présenteront au tribunal en personne. Il s’agit là d’un rôle différent que celui de se présenter comme un témoin convoqué par le Bureau du Procureur.

Au lieu de cela, les intérêts des victimes sont représentés collectivement par un avocat, connu comme un représentant légal commun. Le conseiller principal du Bureau du conseil public pour les victimes, basé à La Haye, tient le poste de représentant légal commun et se rend épisodiquement en Côte d’Ivoire pour communiquer avec les victimes. Une personne de l’équipe juridique est également basée en Côte d’Ivoire. Les représentants légaux pour les victimes seront autorisés à faire des déclarations liminaires et à participer dans toutes les audiences. Ils peuvent également interroger les témoins et soumettre des éléments de preuve, après en avoir obtenu l’autorisation de la Chambre.

  1. Quelles sont les mesures prises en Côte d’Ivoire pour traduire en justice les personnes responsables de crimes des droits humains commis durant la crise postélectorale de 2010-2011 ?

En 2011, le gouvernement a créé une équipe spéciale de juges et de procureurs, connue sous le nom de Cellule spéciale d’enquête, aujourd’hui rebaptisée comme Cellule spéciale d’enquête et d’instruction, pour enquêter sur les crimes commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011.

Après des années d’un soutien insuffisant de la part du gouvernement, la Cellule spéciale a reçu des ressources accrues fin 2014, et en 2015 elle a mis en accusation plus de 20 personnes —y compris des commandants de haut niveau des deux parties au conflit — pour leur rôle dans des violations de droits humains commises pendant la crise postélectorale. Il s’agit là d’une avancée positive — et trop longtemps attendue — pour rendre justice aux victimes dans des tribunaux nationaux.

Cependant des préoccupations demeurent quant à la capacité des tribunaux ivoiriens à traduire en justice les auteurs présumés d’abus dans des procédures impartiales, indépendantes et régulières. En juin, des informations ont indiqué que des pressions avaient été exercées par l’exécutif sur les juges d’instruction dans la Cellule spéciale pour qu’ils terminent prématurément des enquêtes importantes sur des violations des droits de l’homme. Même si ces enquêtes ont finalement pu progresser, il existe encore des préoccupations sur le faible niveau d’indépendance judiciaire ; le manque de protection pour les témoins, les juges et les procureurs ; ainsi que l’absence d’un droit d’appel véritable pour les personnes reconnues coupables d’un crime.

La Côte d’Ivoire devrait renforcer les institutions judiciaires clés de sorte que les tribunaux puissent rendre une justice crédible – essentielle pour les victimes et pour contribuer à consolider l’État de droit dans le pays.

  1. La CPI prend-elle l’Afrique pour cible ?

Depuis que la CPI a commencé à fonctionner en 2003, ses enquêtes ont concerné huit pays africains. Les enquêteurs de l’accusation de la CPI examinent un certain nombre de situations en dehors de l’Afrique — notamment en Palestine — afin de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête formelle. En fait, en 2015, la Procureure de la CPI a demandé aux juges de la Cour l’autorisation d’enquêter sur des crimes en Géorgie.

Le fait que la CPI se concentre sur des crimes commis en Afrique a conduit à des accusations selon lesquelles la Cour prendrait injustement pour cible de ses poursuites des dirigeants africains en exercice, en particulier à la suite de l’ouverture des affaires de la CPI contre le Président Omar al-Béchir du Soudan, ainsi que le président actuel et vice-président du Kenya, Uhuru Kenyatta et William Ruto.

Cette critique est injuste. Les pays africains représentent le bloc régional le plus nombreux de pays membres de la CPI. Dans cinq pays — la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, le Mali, et l’Ouganda — le procureur de la CPI a ouvert des enquêtes à la suite de la demande, ou de la délégation de compétence, des gouvernements concernés. Dans deux autres pays — le Soudan, pour le Darfour, et la Libye — le procureur de la CPI n’a agi qu’à la suite d’un renvoi au nom de la communauté internationale par le Conseil de sécurité de l’ONU. Au Kenya, la procureure de la CPI a reçu l’autorisation d’une chambre préliminaire de la CPI pour ouvrir des enquêtes.

Certains dirigeants politiques en Afrique se sont opposés à la lutte contre l’impunité et ont tenté de détourner la mission de la Cour en la dépeignant comme un instrument néo-colonialiste.

En même temps, il est important de constater que la justice internationale a été appliquée d’une façon inégale. Des pays puissants et leurs alliés se sont souvent échappés de la justice lorsque des crimes graves sont commis sur leurs territoires. Cela est dû partiellement au fait que certains pays n’ont pas rejoint la CPI, et au fait que c’est le Conseil de sécurité de l’ONU qui est chargé de déterminer quelles situations devraient être référées à la CPI lorsque des crimes graves sont commis dans des pays qui ne sont pas membres de la CPI.

Human Rights Watch fait campagne en faveur de la justice quel que soit l’endroit où des crimes graves sont commis, indépendamment de toute considération politique.

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