(Tunis, le 28 septembre 2015) – Un Tunisien de 22 ans accusé de se livrer à des pratiques homosexuelles a, le 22 septembre 2015, été condamné à un an d’emprisonnement, en violation de la constitution de la Tunisie et du droit international, a annoncé aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités tunisiennes l’ont contraint à subir un examen anal, vraisemblablement pour être utilisé comme élément de preuve dans l’affaire.
Les autorités tunisiennes devraient immédiatement annuler la peine de prison de cet homme et le libérer, a déclaré Human Rights Watch. Le parlement tunisien doit abroger l’article 230 du code pénal qui fait de la sodomie un crime sanctionné d’une peine d’emprisonnement de trois ans. La police doit également mettre un terme aux examens anaux médico-légaux sur les personnes soupçonnées de pratiques homosexuelles. Ces examens sont intrusifs, invasifs et représentent un traitement cruel, inhumain et dégradant qui enfreint le droit international. Les examens anaux pratiqués de force cautionnés par l’État violent l’éthique médicale et ont été reconnus comme un acte de torture par le Comité contre la Torture des Nations Unies.
« Le gouvernement tunisien devrait cesser de poursuivre des personnes en justice pour des pratiques sexuelles privées et consenties », a expliqué Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. « Si la Tunisie aspire véritablement à devenir l’un des leaders de la région en matière de droits de l’homme, elle doit montrer l’exemple en dépénalisant les comportements homosexuels. »
Interview d'Amna Guellali (20 Minutes) :
20Minutes
La police de Hammam Sousse, ville située à 120 kilomètres au sud de Tunis, a arrêté cet homme, dont le nom est passé sous silence pour le protéger, le 6 septembre. Son avocate, Fadoua Braham, a raconté que la police avait convoqué son client en qualité de témoin après avoir trouvé son numéro de téléphone dans le portable d’un homme assassiné une semaine auparavant. L’avocate a ajouté que l’homme convoqué pour un interrogatoire avait ensuite été questionné sur son homosexualité. Il a avoué s’être livré à la sodomie, a-t-il dit à son avocate, car la police l’a menacé de l’inculper de meurtre s’il ne l’admettait pas.
La police a ensuite ouvert une autre enquête pour homosexualité présumée et a exigé que l’homme subisse un examen anal par un praticien médico-légal à l’Hôpital Sahloul de Sousse le 9 septembre a déclaré l’avocate. Le Procureur du Tribunal de première instance de Sousse a alors inculpé l’homme de « pratiques homosexuelles » en application de l’article 230 du code pénal, qui impose des peines de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. Le ministère public a présenté les examens anaux comme preuve. L’homme est actuellement détenu en prison en attendant l’appel de sa condamnation.
La constitution tunisienne, tout comme le droit international, contraint le gouvernement à respecter la vie privée et la liberté personnelle de tous en Tunisie, et à cesser les poursuites contre des personnes en raison de rapports sexuels consentis entre adultes, a indiqué Human Rights Watch. Les Ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé doivent immédiatement donner l’ordre de mettre un terme au recours aux examens annaux imposés par la police dans le cadre d’enquêtes sur des pratiques sexuelles consenties.
Les autorités d’un certain nombre de pays soumettent les hommes soupçonnés d’être homosexuels ou bisexuels à des examens anaux médico-légaux dans le but de « prouver » qu’ils se sont livrés à la pénétration anale de façon « habituelle », selon Human Rights Watch. Ces examens sont tout à fait intrusifs, invasifs et abusifs et en violation des droits de tout individu au respect de son intégrité, sa dignité et sa vie privée. Ils constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant qui peut s’apparenter à de la torture, en violation de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, de la Convention contre la Torture et du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, des textes tous ratifiés par la Tunisie.
Les examens anaux médico-légaux imposés sont également contraires à l’éthique médicale, selon l’Association Médicale Mondiale et les Principes des Nations unies d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.
Le Principe 4 de ces Principes des Nations Unies stipule qu’« il y a violation de l’éthique médicale si des membres du personnel de santé, en particulier des médecins (...) font usage de leurs connaissances et de leurs compétences pour aider à soumettre des prisonniers ou des détenus à un interrogatoire qui risque d’avoir des effets néfastes sur la santé physique ou mentale ou sur l’état physique ou mental desdits prisonniers ou détenus et qui n’est pas conforme aux instruments internationaux pertinents. »
« Les professionnels de la médecine qui participent à des examens anaux imposés sur des personnes présumées homosexuelles violent l’éthique médicale et favorisent de graves erreurs judiciaires », a conclu Eric Goldstein.
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Romandie.com / AFP 28.09.15
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