(New York, le 3 juillet 2015) - Des combattants armés soupçonnés d'être membres du groupe extrémiste État islamique (EI, ou Daech) ont délibérément pris pour cible des civils lors d’une attaque menée le 25 juin dans la ville de Kobané, dans le nord de la Syrie, et aux alentours, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Selon les autorités kurdes syriennes et des organisations locales de défense des droits humains, entre 233 et 262 civils ont été tués, et au moins 273 ont été blessés.
Quinze témoins, dont huit blessés, ont décrit à Human Rights Watch le meurtre délibéré de civils par les assaillants, que les autorités locales et les résidents ont identifiés comme combattants de l’Etat islamique. Ces témoins ont indiqué que pour duper les civils et gagner leur confiance, les combattants étaient vêtus d’uniformes semblables à ceux des forces armées qui depuis plusieurs semaines affrontent les forces de l’État islamique à Kobané (Ayn al-Arab en arabe). Les assaillants ont tué des civils avec diverses armes, y compris des fusils d'assaut, des mitrailleuses et dans certains cas des couteaux et des grenades, selon des témoins et les autorités locales.
« Les survivants ont décrit un véritable massacre perpétré par l’État islamique, dont le principal objectif était apparemment de terroriser la population locale », a déclaré Letta Tayler, chercheuse senior sur les questions de terrorisme et contre-terrorisme à Human Rights Watch. « Selon les témoignages recueillis, il s’est agi d’une attaque planifiée contre la population civile de cette région. »
L'attaque a commencé vers 4 heures du matin le 25 juin avec trois attentats suicides à la voiture piégée, commis le long du périmètre de Kobané. Des combattants ont ensuite pénétré la ville dans des voitures blanches ou à pied, tirant sur des civils qui tentaient de fuir, à pied ou dans leurs voitures. Certains assaillants ont suivi des civils dans des maisons, et y ont tué des familles entières, selon des témoins, des activistes locaux et des proches des victimes.
Les assaillants portaient des uniformes ressemblant à ceux portés par les Unités de protection du peuple (Yekîneyên Parastina Gel, YPG), qui contrôlent Kobané, et par l'Armée syrienne libre, un groupe d'opposition armé qui depuis quelques mois a participé aux côtés de l’YPG à des combats contre l’État islamique.
Des tireurs embusqués se trouvant sur des toits ont également tiré sur des civils – y compris ceux qui tentent de récupérer les morts et les blessés. Des dizaines de civils ont été pris en otage, selon six activistes locaux interrogés par Human Rights Watch.
Selon l’YPG et le Parti de l'union démocratique (Partiya Yekîtiya Demokrat, PYD), le principal parti politique dans la région, 233 civils ont été tués, y compris 23 personnes dans le village de Barkh Botan, au sud de Kobane. Deux survivants de ce village ont indiqué à Human Rights Watch que de nombreuses victimes avaient été tuées à l’arme blanche, et que huit enfants figuraient parmi les victimes.
Le Centre syrien de documentation des violations a quant à lui publié les noms de 262 victimes civiles, dont 67 femmes et 12 enfants.
Les attaques délibérées contre les civils sont interdites par les lois de la guerre, et sont susceptibles de constituer des crimes de guerre, a rappelé Human Rights Watch, qui a réitéré son appel au Conseil de sécurité des Nations Unies à saisir la Cour pénale internationale de la situation en Syrie.
Communiqué intégral en anglais, incluant plus d’informations détaillées et des témoignages :
https://www.hrw.org/news/2015/07/03/syria-deliberate-killing-civilians-isis
Vidéo : Témoignage d'un survivant