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CPI : La Cour a besoin de coopération et de ressources

Ses membres devraient consolider la justice internationale

(New York) – Les pays membres de la Cour pénale internationale (CPI) devraient s’assurer que la Cour bénéficie du soutien politique et des ressources lui permettant de rendre pleinement et équitablement la justice pour les pires crimes internationaux, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les 122 pays membres de la Cour sont attendus à la session annuelle de l'Assemblée des États parties, qui commence le 8 décembre 2014, au siège des Nations Unies à New York.

La CPI enquête sur des affaires dans huit pays, mais elle rencontre des difficultés à gérer sa charge de travail actuelle et les exhortations à intervenir dans plusieurs autres situations, a indiqué Human Rights Watch. En septembre, la Cour a ouvert une nouvelle enquête en République centrafricaine. En novembre, l'Assemblée générale des Nations Unies a appelé le Conseil de sécurité à renvoyer à la CPI les crimes présumés dans les camps de prisonniers de la Corée du Nord.

« La CPI est considérée comme le seul espoir de justice dans de plus en plus d’endroits », a déclaré Elizabeth Evenson, conseillère juridique senior sur la justice internationale à Human Rights Watch. « Lors de la réunion annuelle de la Cour, les pays membres devraient s’engager à fournir plus d'aide pour les enquêtes, la protection des témoins et les arrestations de sorte que la Cour puisse répondre à ces attentes. »

L'élection du prochain président de l'Assemblée figure parmi les premiers points à l’ordre du jour de la session. On s’attend à ce que les pays membres élisent Sidiki Kaba, le ministre de la Justice du Sénégal, à ce poste.

Lors des préparatifs de la session, le gouvernement du Kenya a demandé la tenue d’un débat spécial sur la conduite des juges de la Cour et de sa procureure, Fatou Bensouda. Le 5 décembre 2014, la procureure de la CPI a annoncé qu'elle retirait les accusations portées contre Uhuru Kenyatta, l’actuel président du Kenya. En 2010, le Bureau du Procureur avait accusé Kenyatta, ainsi que l’actuel vice-président, William Ruto, de crimes contre l'humanité dans des affaires connexes mais séparées découlant des violences électorales de 2007-2008 au Kenya. Le procès dans l’affaire contre Ruto et un co-accusé se poursuit à La Haye.

L'Assemblée ne devrait pas débattre de questions judiciaires en cours d’instruction, selon Human Rights Watch. Mais les pays membres de la CPI devront être prêts à répondre si le Kenya venait à soulever ses griefs au cours de la session annuelle.

« La demande du gouvernement kenyan à l'Assemblée n’est rien de plus qu’un nouvel effort intéressé de saper la justice », a déclaré Elizabeth Evenson. « La CPI n’est pas au-dessus de toute critique, mais ses membres devraient insister sur le respect de l'indépendance de la Cour et s’engager à soutenir son travail. »

Le 3 décembre 2014, les juges de la CPI avaient refusé la demande de l’accusation d’ajourner indéfiniment l’affaire Kenyatta dans l'attente d’une véritable coopération du Kenya dans ses enquêtes, argumentant qu'un nouveau retard dans l’affaire ne serait pas dans l'intérêt de la justice. La Procureure devait décider endéans une semaine si elle avait suffisamment de preuves pour se lancer dans un procès ou au contraire si elle retirait les accusations. Les juges ont conclu que le gouvernement kenyan n’avait pas pleinement respecté ses obligations en tant qu’État partie à la CPI, compromettant ainsi la recherche de la vérité. Mais ils ont décidé de ne pas envoyer un constat formel de non-coopération à l'Assemblée pour exécution, comme le permet le Statut de Rome, document fondateur de la Cour.

Les pays membres auront à traiter un certain nombre d'autres questions importantes lors de cette session annuelle.

Six nouveaux juges, sur les 18 que compte la CPI, seront élus à cette session parmi une sélection de 17 candidats proposés par les pays membres. La qualité des décisions prises par les juges et leur gestion de la procédure judiciaire sont des éléments essentiels pour permettre à la Cour de rendre justice. Les pays membres de la CPI devraient veiller à l'élection des juges les plus qualifiés et privilégier des candidats ayant une expérience dans la gestion de procès complexes, selon Human Rights Watch.

Les pays membres de la CPI vont également décider du budget annuel de la Cour. En dépit d'un besoin évident pour la Cour d'accroître ses activités, certains pays membres de la CPI insistent pour freiner l’augmentation du budget de la Cour. Le gouvernement du Canada, en particulier, a appelé à une « croissance zéro ».

« L'écart croissant entre ce dont la CPI a besoin afin de rendre la justice pour les crimes internationaux et les ressources disponibles a déjà imposé des limites dans les enquêtes de la Cour », a déclaré Elizabeth Evenson. « Les pays membres devraient insister pour que le budget de la Cour soit fondé sur le besoin de justice et non sur des plafonnements arbitraires. »

Kaba a promis qu'en tant que président de l'Assemblée, il donnera la priorité au renforcement de la coopération avec la Cour, ainsi qu’aux relations entre la Cour et l'Union africaine. Il a également souligné l'importance de s'assurer que les tribunaux nationaux soient mieux équipés pour poursuivre les crimes internationaux et d’accroître le nombre de pays membres de la CPI.

Dans un mémorandum à l’attention des pays membres de la CPI, Human Rights Watch a attiré l’attention sur les possibilités qui s’offrent aux pays membres lors de l’actuelle session afin de renforcer le soutien à la Cour. Ceux-ci devraient convenir de mener l'année prochaine une évaluation de leurs efforts collectifs pour prévenir et réagir à la non-coopération avec la Cour. Démunie de force de police propre, la CPI dépend entièrement des gouvernements pour faire appliquer ses décisions. L'Assemblée devrait s’assurer qu'elle a en place les mesures les plus efficaces possibles pour mener à bien ses responsabilités quant à l'exécution des décisions de la Cour, a déclaré Human Rights Watch.

La Cour pénale internationale
La CPI est le premier tribunal permanent au monde chargé de traduire en justice les personnes responsables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas capables ou n’ont pas la volonté de le faire.

L'Assemblée des États parties a été créée par le Statut de Rome pour superviser la gestion de l'administration de la Cour. Elle se compose de représentants de chaque pays membre et elle est tenue de se réunir au moins une fois par an.

L’action de la Cour au sujet de crimes internationaux présumés peut être déclenchée de trois façons. Les pays membres de la CPI ou le Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent déférer une situation – c’est-à-dire un ensemble spécifique d'événements – au procureur de la CPI, ou bien le Bureau du Procureur de la CPI peut demander de son propre chef l’autorisation par une chambre préliminaire de juges de la CPI d'ouvrir une enquête.

Le procureur de la CPI a ouvert des enquêtes en République centrafricaine, en Côte d'Ivoire, dans la région du Darfour au Soudan, en République démocratique du Congo, au Kenya, en Libye, au Mali et dans le nord de l'Ouganda.

Les enquêtes en République centrafricaine, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo, au Mali et dans le nord de l'Ouganda ont été ouvertes à la demande du gouvernement de ces pays. Les situations au Darfour et en Libye ont été renvoyées par le Conseil de sécurité, tandis que le procureur de la CPI a fait la demande aux juges de la CPI d'ouvrir une enquête au Kenya. Il l'a fait, cependant, seulement après que les autorités nationales soient restées inactives dans la poursuite des principaux responsables des violences postélectorales meurtrières de 2007-2008.

Le bureau du procureur examine également un certain nombre d'autres situations dans des pays du monde entier. Il s’agit notamment de l'Afghanistan, de la Colombie, de la Géorgie, de la Guinée, du Honduras, de l'Irak, du Nigeria et de l'Ukraine. En 2014, la procureure a décidé que des enquêtes complètes n’étaient pas justifiées pour des crimes qui auraient été commis par la Corée du Nord sur le territoire de la Corée du Sud et dans le cadre de l'interception israélienne d'une flottille de navires qui tentaient de briser le blocus de Gaza en 2010.

Lors de la session de décembre, les pays membres de la CPI auront devant eux le résultat des travaux du rapporteur de l'Assemblée sur les stratégies d’arrestation. Des mandats d'arrêt contre plusieurs individus dans les affaires devant la CPI n’ont pas été exécutés, ce qui constitue un obstacle à la justice. Les pays membres devraient profiter d'une discussion plénière sur la coopération prévue lors de la session afin de montrer leur soutien à la poursuite des travaux sur les arrestations au course de l'année à venir, a déclaré Human Rights Watch.

Depuis que le président Kenyatta a pris ses fonctions en 2013, son administration a cherché à saper la légitimité de la Cour et à faire échouer ses affaires. Au cours des dernières semaines, des législateurs kenyans ont renouvelé leurs critiques à l’égard des militants des droits humains s’exprimant en faveur de la justice devant la CPI. Un climat anti-CPI alimenté par le gouvernement a porté atteinte à la volonté des témoins de se présenter dans les affaires de la Cour.

Le bilan du Kenya en matière de justice laisse à désirer. Près de sept ans après les violences électorales, il n’y a eu aucune mesure de justice pour les massacres et les viols. La CPI n’est intervenue qu’en tant que tribunal de dernier recours, après que les autorités du Kenya aient rompu leurs promesses de tenir des procès nationaux.

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